Les associations au cœur de l’innovation en santé

Produire de nouvelles données ou travailler sur des données existantes par ailleurs : les points communs des deux démarches

Deux grands types d’études s’offrent aux associations de patients pour un sujet donné :

Ces deux démarches peuvent, de manière complémentaire, répondre aux objectifs d’une même enquête. Il est également possible de faire une étude mixte, en chaînant des données issues d’un recueil spécifique à des données existantes.

Phase exploratoire : définir les objectifs de l’enquête

Lorsqu’une association de patients souhaite enquêter sur un thème qui nécessite le recueil de nouvelles données, elle doit en tout premier lieu déterminer précisément la problématique à laquelle elle souhaite répondre ainsi que ses objectifs précis : un objectif principal et des objectifs secondaires. Une même étude ne peut pas répondre à de multiples objectifs.

Phase préparatoire : construire les bases de l’enquête

L’équipe du projet

Une équipe projet doit être constituée. L’association désigne un responsable et rassemble, au sein d’un groupe de travail, plusieurs personnes, qui, en fonction des compétences légitimes et cautions qu’elles peuvent apporter, débattront de la mise en oeuvre du projet : représentants de patients, responsable médical, responsable informatique, responsable légal et réglementaire… Il est souvent très utile, voire nécessaire, de pouvoir se faire accompagner par des experts externes et notamment des méthodologistes (bureau d’études) si le projet est complexe.

Quelles données de santé collecter ?

Dès le départ, juste après avoir déterminé l’objectif de l’étude, il est primordial de définir les données que l’on souhaite analyser et de faire l’état des lieux :

Les données déjà existantes (dont dispose l’association ou présentes dans d’autres bases) peuvent être croisées avec les données nouvellement produites. Les associations de patients sont plus que légitimes à recueillir des données liées à la qualité de vie des personnes qu’elles représentent. Dans le cadre de la réévaluation d’un médicament, les questions suivantes pourraient par exemple être posées :

Quelle cible ?

Il est nécessaire de définir la population à cibler (adhérents de l’association, patients, grand public, etc.) ainsi que les critères d’inclusion et d’exclusion qui répondent à l’objectif de l’étude.

Par exemple : tous les patients ayant la pathologie x et le traitement y sur une période donnée (dans l’année écoulée) ou à la date de l’enquête, ou l’ayant eu au moins pendant 3 mois, critères d’âge (si on souhaite investiguer la vie professionnelle par exemple…) ?

Le nombre de réponses nécessaires doit être évalué. Il dépend de l’objectif et de l’ambition de l’étude, de la population ciblée et des analyses que l’on souhaite réaliser (sur des sous-populations de patients par exemple…)…

Quels documents produire ?

Plusieurs documents doivent être élaborés au cours de cette phase de préparation de l’étude, notamment le protocole de l’étude, la lettre d’information aux patients sollicités et les documents de recueil de données (questionnaires…).

En fonction de la population ciblée, il est conseillé de prévoir qu’un proche du patient puisse répondre au questionnaire au nom du patient (prévoir cette possibilité et la reformulation des questions dans le questionnaire).

Une fois le questionnaire rédigé, il est fortement conseillé de le faire tester auprès de quelques patients afin de vérifier la compréhension des questions, la pertinence des modalités de réponses proposées (correction d’éventuels oublis), et d’estimer la durée de passation du questionnaire. Des réajustements sont alors réalisés si besoin.

Quel accompagnement externe ?

Un accompagnement par un prestataire est souhaitable pour aider à la conception et à la mise en place de l’étude (méthodologie, rédaction du protocole et des questionnaires, réalisation de l’analyse statistique, rédaction du rapport). Les Contract Research Organization (CRO) réalisent cette prestation.
Un accompagnement technique est nécessaire pour la mise en ligne d’un questionnaire (via une plateforme de collecte de données) et l’hébergement des données de santé sur serveur certifié est obligatoire (labellisation hébergeur de données de santé). Il est possible de faire appel à un prestataire technique spécifique ou d’englober la prestation dans celle du CRO qui accompagne le projet. 

Recommandations

Lorsque la thématique s’y prête, un travail inter- associatif est recommandé. Il permet de notamment mutualiser certains services (DPO, support/plateforme pour la mise en œuvre d’enquêtes en ligne) et est également utile pour renforcer « le portage » des résultats d’enquête.

Phase réglementaire

Le dossier CNIL

La CNIL, c’est quoi ?

  • La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a été créée par la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978.
  • Elle est chargée de veiller à la protection des données personnelles contenues dans les fichiers et traitements informatiques ou papiers, aussi bien publics que privés.
  • Elle a un rôle d’alerte, de conseil et d’information vers tous les publics, mais dispose également d’un pouvoir de contrôle et de sanction.

Que doit-on décrire dans un dossier CNIL ?

Pour en savoir plus

Le site de la CNIL

Le RGPD

Qu’est-ce que le RGPD ? : « Règlement Général sur la Protection des Données »

Entré en vigueur le 25 mai 2018, ce nouveau règlement encadre le traitement des données personnelles sur le territoire de l’Union européenne. Il s’inscrit dans la continuité de la Loi française Informatique et Libertés de 1978 et renforce le contrôle par les citoyens de l’utilisation qui peut être faite des données les concernant.

Il harmonise les règles en Europe en offrant un cadre juridique unique aux professionnels.

Le RGPD précise les contours juridiques de la notion de donnée de santé.

Tout organisme quel que soit sa taille, son pays d’implantation et son activité, peut être concerné par le RGPD.

Définition des « données de santé » selon le RGPD

Les données de santé sont des données à caractère personnel considérées comme sensibles. Elles font à ce titre l’objet d’une protection particulière par les textes (RGPD, loi Informatique et Libertés, code de la santé publique, etc.) afin de garantir le respect de la vie privée des personnes.

Le RGPD procède à une définition large des données de santé : « Il s’agit de données qui révèlent des informations sur l’état de santé (physique ou mentale) passé, présent ou futur, d’une personne physique. »
[REF : RÈGLEMENT (UE) 2016/679 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) – (35)]

Quelles obligations pour les associations de patients ?

Le RGPD procède d’une logique de simplification et de responsabilisation accrue des acteurs engagés dans le traitement de données personnelles.

Il est important de noter la nécessité d’informer les personnes dont les données de santé sont collectées. L’information doit être délivrée de façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessibleLe support d’information est libre : par oral, par écrit ou par tout autre moyen.

La Loi Jardé

La loi Jardé (loi n° 2012-300 du 5 mars 2012) identifie les recherches impliquant la personne humaine (RIPH)

Des démarches réglementaires spécifiques sont à prévoir en fonction de ces deux grands types d’étude, puis à préciser en fonction du projet et des données recueillies.

Les études RIPH de catégorie 1 et 2, dites « interventionnelles » imposent de fortes contraintes réglementaires avec des autorisations auprès de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Elles concernent peu les associations de patients.

Nous ne traiterons dans ce guide que les projets de catégorie 3 des RIPH, que l’on appelle les recherches NON interventionnelles, et les recherches RNIPH, (plus adaptées aux besoins des associations de patients).

Par définition ces études sont dénuées de risque, car elles ne modifient pas la prise en charge des participants : tous les actes pratiqués et les produits utilisés le sont de manière habituelle. Il s’agit souvent d’études dites observationnelles, portant sur l’observance ou la tolérance à un traitement, un état des lieux des pratiques, etc…

Les règles à respecter pour mettre en place ce type d’étude

Il existe 5 méthodologies de référence (MR) en fonction du type d’étude à mettre en place, éditées par la CNIL permettant de faciliter certaines démarches.

Les méthodologies de référence les plus utiles pour les associations de patients :

Toutes les MR sont disponibles sur le site de la CNIL.
Si l’on réalise une étude en conformité à une MR, il faut seulement adresser à la CNIL une déclaration attestant de cette conformité.

Phase de finalisation

Analyse des données

Des analyses statistiques ou des analyses de contenu sont réalisées en fonction du type de données recueillies.
Les analyses statistiques peuvent être réalisées sous excel ou sous un logiciel spécialisé (SAS®). Elles visent à décrire les réponses à l’enquête sur l’ensemble des répondants et sur des sous-populations d’intérêt (selon le genre, l’âge, l’ancienneté du diagnostic…). Il est également important d’étudier la représentativité des répondants par rapport à la population cible. Si ce n’est pas le cas, les résultats doivent être redressés au niveau statistique.

Publication des données

Plusieurs types de communications peuvent être envisagées, avec des présentations adaptées en fonction de la cible (communauté scientifique, communauté de patients, grand public) et des messages que l’on souhaite diffuser. Les outils doivent être adaptés, allant d’une publication scientifique dans une revue, dossier de presse avec conférence de presse par exemple.

Conservation, actualisation et réutilisation des données

Combien de temps conserver les données ?

Il faut respecter les modalités et durées de conservation des données qui ont été précisées dans la déclaration à la CNIL (il n’y a pas de règle stricte : on peut préciser une date fixe « 2 ans… » ou une date flexible « jusqu’à la fin de l’étude », « jusqu’à publication des résultats dans une revue »…). Il est préférable de prendre un peu de marge.

Comment actualiser ou réutiliser les données collectées ?

Il est possible d’actualiser les données en réalisant un nouveau recueil, à condition que cela ait été prévu dans la déclaration à la CNIL. Il en est de même pour la réutilisation de données : cela est possible seulement si le cadre de réutilisation des données (finalité) a été prévu et indiqué dans la déclaration et que les patients ont été informés. Sinon, il faut faire une nouvelle déclaration auprès de la CNIL pour obtenir l’autorisation.