Les associations au cœur de l’innovation en santé
Atelier 3

Réagir à des informations complexes sur les produits de santé

Pour une association de patients, réagir à une information sur un produit de santé, ou plus généralement un traitement, exige souvent une analyse critique. C’est le cas, par exemple, d’informations relayées par les médias sur un traitement supposément prometteur, ou de contenus de sites internet à vocation promotionnelle plus ou moins affichée. Dans ces cas, il est fréquent que la fiabilité des données présentées soit inégale, aboutissant ainsi à un document mi vrai mi faux (ou mi exagéré). Dans ce cas, comment trier le bon grain de l’ivraie ?

Qui est à l’origine de l’information ? Quel bénéfice a-t-il/elle à la diffuser ?

La première grille d’analyse d’une information est sa source. De manière évidente, il est essentiel de distinguer entre le communiqué de presse d’une entreprise ou d’une équipe de recherche et un article publié dans une revue scientifique dite « à comité de relecture indépendant ». L’information est-elle publiée par un obscur média en ligne dont l’objectif affiché est « de faire du clic » (de monétiser son audience via la publicité) ? Ou un média de référence qui, certes, n’est pas indemne de la volonté d’attirer les lecteurs, mais opère selon une déontologie journalistique destinée à préserver sa réputation ?

Les sources les plus fiables d’information sur les traitements sont bien sûr les autorités de santé (ANSM, HAS, Anses, Assurance maladie, etc.), ainsi que les sociétés savantes (les organisations professionnelles médicales par domaine thérapeutique) et les revues scientifiques de bonne réputation.

Qu’appelle-t-on « revues prédatrices » ?

La crise de la Covid-19 a fait découvrir au grand public le concept de revues prédatrices. Ces revues, qui ressemblent à s’y méprendre à des revues scientifiques de bon aloi, sont en fait des revues dont le seul but est de faire de l’argent. Moyennant contribution, il est possible d’y publier des articles « scientifiques » sans qu’aucune relecture indépendante n’ait eu lieu. Récemment, des chercheurs ont dénoncé ces revues en y publiant un article parodique vantant l’effet d’un médicament controversé contre la Covid-19 sur les chutes en trottinette, sans que personne de la revue n’y trouve à redire !

Quel est le degré de fiabilité de chaque affirmation ?

Analyser un document d’information émanant d’une source moyennement sûre exige un travail d’analyse systématique de chaque affirmation. Dans un article scientifique, chaque affirmation est suivie d’un ou plusieurs chiffres entre parenthèses qui renvoient à des articles cités en référence à la fin de l’article. Ainsi, chaque affirmation est « sourcée ».

Dans les articles disponibles en ligne, ce référencement est parfois fait via des liens html qui permettent, en cliquant dessus, de retrouver la source de l’affirmation. Chaque source indiquée doit elle-même être évaluée en termes de fiabilité.

Malheureusement, de nombreux articles et documents d’information ne sont pas sourcés et c’est au lecteur de chercher à savoir si telle affirmation est validée ou non. Il s’agit d’un travail minutieux qui, pour un acteur associatif, exige souvent l’aide d’un spécialiste du domaine qui sait ce qui relève du validé et ce qui relève du discutable, voire du clairement faux.

L’information présentée est-elle partagée sur des sites de confiance ?

Un moyen simple et rapide d’évaluer la fiabilité d’une information consiste à « croiser les sources ». Cette stratégie repose sur le fait qu’une information a d’autant plus de chance d’être fiable qu’elle est partagée par plusieurs sources de confiance indépendantes. Cela ne doit pas remplacer l’analyse de chaque affirmation, mais suggère un premier niveau de confiance.

Attention cependant avec les informations issues des médias : tous les articles peuvent être sourcés dans le même communiqué de presse triomphant (et exagéré) ! Assurez-vous que les sources qui mentionnent l’information à analyser ont elles-mêmes eu les moyens d’assurer une analyse critique avant de la relayer. De nouveau, l’aide d’un membre de votre Conseil scientifique peut s’avérer judicieuse.

Distinguer les avis consensuels des avis personnels

Il peut arriver que l’information que vous aurez à analyser soit une citation ou un entretien avec un expert. Lorsque cette information tranche avec ce que vous pensiez savoir du sujet, il est bon de se demander si l’avis de cet expert est en ligne avec l’avis plus consensuel qui règne dans son domaine d’expertise. Malheureusement, la dynamique des médias fait que, parfois, ce sont les experts les plus « atypiques » qui sont relayés, du fait même de leurs opinions plus tranchées. Avant de croire aveuglément un expert, même réputé, assurez-vous auprès de ses pairs que ce qu’il expose est effectivement une information consensuelle.

Quels sont les commentaires sur l’information en question ?

Pour juger de la fiabilité d’une information, il peut également être intéressant de rechercher sur internet les commentaires dont elle a fait l’objet. Bien sûr, pour chaque commentaire, un travail d’évaluation de sa source est indispensable !

Si vous ne trouvez pas de commentaire fiable, n’hésitez pas à les provoquer en envoyant l’information aux experts de votre domaine. Vous pouvez également utiliser les réseaux sociaux, et en particulier Twitter, pour identifier des commentaires fiables. En effet, Twitter est devenu un outil indispensable pour la veille comme pour l’évaluation des informations. En vous abonnant aux comptes Twitter des experts reconnus de votre domaine, vous aurez non seulement accès aux informations qu’ils jugent dignes d’être partagées (donc qu’ils jugent fiables), mais également à leurs commentaires sur les informations partagées par leurs pairs.

Parfois, la science dit tout et son contraire…

La démarche scientifique n’est pas un long fleuve tranquille. Il arrive que des informations scientifiquement validées contredisent d’autres informations elles aussi scientifiquement validées. Ceci peut parfois s’expliquer par deux angles de vue différents (deux méthodes d’analyse par exemple) qui décrivent la même chose de deux façons différentes. Ou par une vérité complexe qui présente des visages distincts selon les conditions de l’expérimentation ou les populations étudiées.

Dans ce cas, il est tout à fait honorable de dire que l’on ne sait pas et de présenter les deux hypothèses. Certes, une information en noir et blanc peut être plus rassurante pour les patients, mais comprendre que la science et la médecine s’expriment souvent en nuances de gris permet de relativiser et de gagner en esprit critique.

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