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Aidez-nous à mieux vivre avec une sclérose en plaques

Le parcours de soin des personnes concernées par une sclérose en plaques (SEP) est souvent chaotique. C’est la raison pour laquelle la LFSEP (Ligue Française contre la Sclérose En Plaques), en partenariat avec Roche, a déployé le programme POP pour Parcours Optimal Patients. De quoi s’agit-il ?

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“Aidez-nous à mieux vivre avec une sclérose en plaques !”

Pendant une année, des groupes de travail, constitués de patients atteints de sclérose en plaques et d’aidants, ont été déployés sur tout le territoire. Ils étaient animés par des patients experts, dans toutes les régions. Les participants ont partagé leur vécu avec la maladie et exprimé librement ce qui leur est indispensable et ce qui leur fait défaut au quotidien pour mieux vivre avec une sclérose en plaques. Ils ont proposé des solutions concrètes, restituées dans un Livre Blanc intitulé “Aidez nous à mieux vivre avec une sclérose en plaques”, ainsi qu’une proposition de parcours de soins idéal. La Team Innov’Asso est allé à la rencontre de Marine Andres, patiente experte au sein de la Ligue Française contre la Sclérose En Plaques (LFSEP). Elle revient sur la genèse de ce projet de livre blanc et la façon dont il pourrait être utilisé comme outil de plaidoyer pour convaincre les autorités de santé de l’intérêt, entre autres, des réseaux spécialisés.

Comment est née l’idée de ce projet ?
Marine Andres : Il y a plus de 2 ans, à l’occasion d’échanges entre Roche et la LFSEP, nous avons réfléchi à la façon dont nous pourrions contribuer à améliorer le parcours de soin des patients. C’est ainsi qu’est né le projet POP. Nous avons trouvé intéressant le fait que l’univers de la Pharma s’intéresse à ces questions et à la façon dont les choses se déroulaient en région.

Comment ce livre blanc s’est il concrétisé ?
M.A : Nous nous sommes positionnés à la fois à l’échelle nationale mais aussi en région, sur le terrain. Partout, des patients sont venus témoigner avec leurs proches, c’était la première fois que cela arrivait. Des groupes de travail ont travaillé sur ces questions et ont identifié des points de rupture dans le parcours de soin. Mais aussi des axes d’amélioration, que nous avons tenté de prioriser. En ce qui me concerne, je me suis rendue en Alsace, où j’ai avancé dans la réflexion avec deux groupes, un dans le Bas Rhin, l’autre dans le Haut Rhin.

Avez-vous été surprise par ce qui est remonté ?
M.A : Pas tant que cela ; d’autant que ce que nous avions identifié au niveau national est remonté en région, comme par exemple le manque de bienveillance au moment de l’annonce, ou encore le peu d’accompagnement et le sentiment de solitude. En revanche, ce qui est assez édifiant, c’est la disparité entre les patients suivis en CHU et ceux qui sont suivis en libéral. Il apparaît qu’en milieu hospitalier, les patients ont davantage accès à l’innovation thérapeutique qu’en cabinet. Autre décalage de taille : la qualité de la prise en charge varie selon les régions, certaines étant bien plus en avance de phase que d’autre.

Comment expliquez-vous ces disparités ?
M.A : Il nous apparaît clairement que ce qui fait la différence, c’est l’existence (ou pas) de réseaux spécialisés financés par les ARS. Il y en a dans certaines régions (en Alsace ou en région Rhône Alpes par exemple) et pas dans d’autres (comme en Champagne Ardenne). Grâce au groupe POP, nous avons montré que ces réseaux étaient très efficaces et nous militons pour une meilleure harmonisation sur l’ensemble du territoire.

Est-ce l’objet du livre blanc qui a été réalisé ?
M.A : Oui absolument. Nous souhaitons grâce à cet outil faire connaître aux décideurs l’intérêt de ces réseaux spécialisés, qui permettent une vraie amélioration du parcours de soin. Nous allons pouvoir mener des actions de plaidoyer, en valorisant la voix des patients. Nous espérons que cela fasse bouger les lignes, dans un contexte où, tous les mois, nous nous questionnons sur la pérennité des dispositifs existants.

Les réseaux de prise en charge de la Sclérose en plaques

Neurologue, Livia Lanotte est médecin coordinateur au sein du Réseau ALSACEP qu’elle préside par ailleurs. Elle nous explique la raison d’être et la spécificité des réseaux, qui, comme le sien, accompagnent les patients pour mieux vivre avec la maladie.

« Notre réseau existe depuis 2007. Nous avons un « voisin » lorrain, LORSEP (Lorraine Sclérose En Plaques), né un peu plus tôt, en 2004 et qui nous a un peu inspirés. Ces réseaux tiennent généralement à la volonté de personnes qui ont su fédérer des professionnels de santé, des neurologues libéraux et hospitaliers… dans la volonté d’avancer dans la prise en charge des patients atteints de SEP sur leur territoire. Nous devons notre réseau au Pr Jérôme de Sèze et au Dr Christophe Zaenker, neurologue libéral à Colmar. En effet, ces réseaux ne sont pas du tout une initiative nationale, mais plutôt liés à l’engagement de quelques individus. Cela suppose de prendre du temps et de chercher des moyens financiers. C’est pourquoi il n’y en a pas partout : « le réseau a pour mission de former les professionnels de santé prenant en charge les personnes atteintes de SEP. Il existe, au sein d’ALSACEP une « commission neuroradiologie » qui a pour mission de proposer des formations aux radiologues. »

Il existe aussi des commissions « rééducation », « sociale » et « neuropsychologique » proposant des formations spécifiques aux professionnels de santé adhérents au réseau, dans les domaines de la réadaptation et de la rééducation, de la prise en charge médico-sociale et de la prise en charge psychologique et neuropsychologique, réunissant tous les interlocuteurs concernés par ces thématiques. Livia Lanotte explique aussi le rôle clé des infirmières, qui font entrer le patient dans le programme d’éducation thérapeutique, avec des ateliers individuels en présentiel mais aussi en visio, afin d’éviter les temps de trajet et les contaminations, dans le contexte actuel : « Suite à l’annonce du diagnostic, le patient est orienté par son neurologue vers l’une des infirmières du réseau. L’une intervient sur le territoire du Haut-Rhin et la seconde dans le Bas-Rhin. Elle prend contact avec le patient et lui propose un rendez-vous à domicile ou en visio, seul ou avec ses proches, selon sa préférence, afin de pouvoir parler tranquillement de la maladie, de son vécu, de ses conséquences et du traitement mis en place. Durant cet entretien qui dure 1 à 2h, elle prend le temps d’évoquer et d’expliquer tous les aspects de la maladie pour permettre au patient de bien comprendre ce qu’il a et de l’aider à faire face aux situations difficiles qu’il peut rencontrer. C’est cela, l’éducation thérapeutique »

« En Alsace, il y a à peu près 4000 personnes atteintes de SEP et près de 200 nouveaux patients diagnostiqués par an. Nous prenons en charge au niveau de l’éducation thérapeutique à peu près 400 patients, à la fois ceux qui viennent d’être diagnostiqués, mais aussi ceux qui changent de traitement », précise-t-elle. Elle assiste le patient pour la première injection (s’il s’agit d’un traitement injectable) et l’oriente vers d’autres professionnels de santé ou expert si besoin (assistante sociale, patient expert, neuropsychologue, psychologue, médecin rééducateur, etc.)

Comment ces réseaux sont-ils financés ?
« Par les ARS. Dans le Grand Est, ils fonctionnent en fédérations. En Alsace, nous bénéficions de prestations dérogatoires qui nous permettent de rémunérer les psychologues. Nous leur versons 45 euros pour qu’ils voient les patients pendant ½ heure au maximum 10 fois, ce qui est souvent suffisant pour apaiser les problématiques personnelles et psychologiques liées à la SEP », note le Dr Lanotte. « C’est important que les patients qui sont en difficulté puissent savoir exactement ce qu’ils ont comme problème cognitif pour qu’on puisse leur donner les moyens d’y remédier avec notamment des ateliers de remédiation cognitive », analyse l’experte. Il s’agit de faire face aux difficultés grâce à de la rééducation. Généralement, des groupes d’une dizaine de patients sont constitués et c’est très efficace sur un plan cognitif. Le but est d’aider les patients à avoir une vie la plus normale possible.
Cela passe aussi par la pratique d’une activité physique adaptée. « Pour compléter l’offre, nous avons des ateliers d’éducation thérapeutique et des groupes de parole. Les ateliers individuels sont très bien en début de maladie pour comprendre mais les patients ont besoin de rencontrer des gens qui vivent la même réalité, et avec lesquels ils peuvent échanger. Nous bénéficions pour cela de l’aide de patients-experts qui sont des acteurs incontournables car rien ne vaut un patient pour aider un autre patient » souligne le Dr Lanotte. Les patients ne savent pas toujours qu’ils peuvent bénéficier d’aménagements dans le cadre professionnel et ont besoin d’être beaucoup accompagnés pour les prêts bancaires, pour la reconnaissance de travailleur handicapé, les problématiques sociales liées à l’apparition d’un handicap… D’où l’intérêt de réseaux spécialisés pour les aider. « Nous avons refait notre site internet avec des informations adaptées et pertinentes pour les patients et les aidants. Nous avons aussi des newsletters » observe Livia Lanotte.

Quel avenir pour les réseaux de santé ?
Là est toute la question. La survie des réseaux est très précaire avec des régions où les contrats sont revus tous les trois mois malgré les démonstrations répétées de leur efficacité. A ses yeux, il est important de parler du travail mené afin de faire prendre conscience de l’importance de ces réseaux de santé et de la nécessité de signer avec eux des contrats pérennes. « Nous avons un budget d’environ 500 000 euros par an pour tout le territoire alsacien avec des infirmières, des assistantes sociales, des neuropsychologues qui se déplacent au plus proche du lieu de vie des patients, pour faire des bilans, leur faciliter la vie… Grâce à notre action, beaucoup de patients sont pris en charge de manière quasiment optimale et cela vaut tout l’or du monde. Tous les ans, nous devons justifier du travail réalisé, mais cela en vaut le coup, car grâce à cela, je vois des gens pour lesquels les consultations se passent bien, qui ont eu une prise en charge psychologique, qui ont vu un kiné pour faire un reconditionnement à l’effort, qui ont pu poursuivre leur activité professionnelle, qui ont pu avoir des bébés… » constate-t-elle . Même s’il faut continuer à se battre, les perspectives d’avenir semblent sereines, surtout au regard des avancées de la recherche.

« En tant que patients, on se sent entendus »

Sabrina, atteinte d’une SEP depuis près de dix ans, a été sollicitée pour participer au projet de livre blanc. Elle raconte cette expérience…

Sabrina vit à Strasbourg. En 2012, elle est sur le point de fêter son 25ème anniversaire et de se marier quand on lui diagnostique une sclérose en plaques. La nouvelle tombe comme un couperet.
« J’ai été très transparente avec mon fiancé. J’ai eu la chance d’être avec quelqu’un de très bien. Il a su aller au-delà. Le mariage a donc bien eu lieu et nous avons eu deux filles. Quand je ne vais pas bien, c’est lui qui prend le relais. Sur ce point-là, je reconnais que j’ai énormément de chance » raconte-t-elle. Après l’annonce de la maladie, elle traverse tout de même une grosse déprime : « je n’avais envie de parler à personne. J’en voulais à la terre entière. Je faisais des poussées tous les trois mois et me rendais à l’hôpital de jour en pleurant et en leur demandant de me prendre, mais ils n’avaient pas de places. J’avais peur et je n'avais plus de force au niveau du bras gauche. Je me suis sentie très abandonnée ».

« J’avais envie de m’impliquer dans cette cause »
Depuis 9 ans, son état s’est stabilisé, mais elle n’échappe pas aux douleurs et à la fatigue.
« Je dois m’occuper de mes enfants et je travaille 35 heures par semaine, mais je ne suis pas à plaindre. Quand on me voit, on ne peut pas soupçonner ce dont je souffre », précise la jeune femme, aujourd’hui âgée de 34 ans. Elle exerce dans les métiers de l’assurance et est actuellement en mi-temps thérapeutique suite à une récente poussée : « je n’ai pas d’aménagement mais il y a des fois où je peux me mettre un arrêt un ou deux jours si ça ne va pas. C’est la seule chose que j’ai trouvée ». Il y a deux ans, elle est sollicitée pour participer à ce projet de livre blanc. « L’infirmière de référence à l’hôpital de jour de Mulhouse était vraiment très active par rapport à la SEP et savait que j’avais envie de m’impliquer dans cette cause. Elle avait rencontré Béatrice Becker, Responsable médicale du parcours patient chez Roche et m’a donné ses coordonnées. J’ai tout de suite adhéré, car je voulais vraiment mettre en avant la voix des patients », explique-t-elle. S’ensuivent quelques séances de travail les samedis. Autour de la table, une dizaine de personnes échangent, avant de travailler en sous-groupes pour réfléchir à des axes d’amélioration. « Je salue vraiment ce genre d’actions parce qu’on se sent entendus en tant que patients » rapporte-t-elle.

La solitude et l’angoisse : le lot de beaucoup de patients

Tout ce qui est ressorti dans ce livre blanc lui semble être le reflet de ce qu’elle vit en tant que patiente, notamment la solitude : « nous avons des traitements de fond, ce qui est une très bonne chose, mais à côté, nous devons chercher des médecines douces ou des traitements pour soulager la douleur. Du jour au lendemain, on nous annonce qu’on a une maladie chronique, qu’on ne va pas en mourir mais qu’il va falloir apprendre à vivre avec ». Selon elle, beaucoup de patients sont complètement perdus, notamment en ce qui concerne le parcours de soin. Et les rencontres avec d’autres patients peuvent être anxiogènes. Elle recommande de trouver des personnes à même d’en parler de manière positive. Certains patients ont envie d’avoir des contacts avec d’autres personnes qui vont les aider, les comprendre et leur donner de l’information et en même temps ils ont peur. Peur de se retrouver avec des patients qui vivent la même chose, ce qui les renvoie à leur situation. « On a juste envie d’être avec une personne qui est sur ses deux jambes, qui parle correctement, qui travaille encore, qui nous donne de l’espoir. On a tous besoin d’être rassurés à un moment, peu importe l’âge auquel on est diagnostiqué », explique la jeune femme. C’est d’autant plus important que le stress est vecteur de poussées.

Echanger avec d’autres patients

Parmi les grands enseignements qui ressortent de cet état des lieux, il y a précisément ce système de parrainage entre patients : « en Alsace, grâce à ALSACEP, quand une personne est diagnostiquée, elle peut se mettre en lien avec un autre patient pour qu’ils puissent échanger. Il s’agit de leur dire que ce n’est pas la fin du monde et qu’il ne faut pas hésiter à aller voir un psychologue, un kiné ou avoir vraiment un accompagnement avec une personne extérieure au domaine médical. Nous avons aussi des Kawa SEP, autrement dit des cafés SEP, ainsi qu’une patiente experte, Marine Andres ».

Etre informés et rassurés, c’est essentiel

Pour Sabrina, ce qui manque aux patients nouvellement diagnostiqués, c’est vraiment l’information : « au-delà des traitements, il me semble qu’il faudrait une infirmière référente ou quelqu’un qui puisse vraiment nous suivre et nous mettre sur les rails parce qu’on est plus comme les autres. On peut dire ce que l’on veut, on ne peut plus vivre à 100 à l’heure et on a besoin d’avoir des professionnels pour nous dire ce que l’on peut faire ou pas ».
Sabrina ne tarit pas d’éloges sur ce réseau : « dès que vous avez une poussée, ils prennent tout en charge. Grâce à eux, j’ai pu bénéficier d’un suivi de six séances avec un psychologue. C’était super car payer 50 euros à chaque fois de sa poche, alors que ce n’est pas de notre faute, surtout quand les fins de mois sont difficiles en tant qu’étudiante, c’est vraiment la double peine ». Sabrina a également bénéficié des services d’une assistante sociale pour voir ce qu’il était possible de faire pour bénéficier d’aides ménagères. « Ils sont à l’écoute et mettent en place du yoga, du sport adapté… C’est une petite communauté qui se crée et on a besoin de cela en tant que patient », ajoute-t-elle.

A lire aussi :
Sur Roche.fr
https://www.roche.fr/fr/pharma/maladies-neurologiques/sclerose-en-plaques/livre-blanc-2021.html

Sur Voix des patients
https://www.voixdespatients.fr/aidez-nous-a-mieux-vivre-avec-une-sclerose-en-plaques.html

M-FR-00005910 - V1.0 Etabli en janvier 2022

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