Les associations au cœur de l’innovation en santé

Associations de patients : comment faire entendre différemment votre voix ?

La communication est aujourd’hui au cœur de la stratégie de développement des structures associatives qui multiplient les initiatives pour toujours mieux sensibiliser, informer, nourrir le partage d’expériences et rassembler autour de leur cause. Zoom sur les nouveaux modes d’interactions innovantes à disposition des associations de patients.

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On connaissait les conférences-débats, les colloques, les rencontres, les journées thématiques et autres séminaires. Autant d’occasions pour les associations de réunir experts et acteurs de leur domaine – et parfois même le grand public – en un lieu, sur une journée et autour d’une thématique. Ces rendez-vous sont aussi une formidable opportunité de susciter la réflexion collective, le partage d’expériences et de faire entendre sa voix. Force est de constater que jusqu’ici, la mécanique semblait parfaitement rôdée. Elle a incontestablement fait ses preuves et porté ses fruits. La longévité de certains événements célébrant leurs 10ème, 20ème voire 30ème édition en atteste.

Si ces modes d’interactions continuent bien sûr d’exister, de nouvelles modalités de rencontres innovantes ont fait leur apparition. L’objectif : susciter davantage la collaboration, la réflexion, et rendre plus efficace le partage d’informations.

Le numérique a fait émerger de nouvelles façons de procéder

Le développement du numérique a fait émerger de nouveaux comportements et de nouvelles compétences. De nouvelles formes d’interactions ont vu le jour. Les associations de patients ne pouvaient ignorer le phénomène et sont même leaders en termes d’initiatives. Elles ont prouvé que l’on pouvait se faire connaître auprès du grand public ou de publics cibles, partager de l’information et attirer de nouveaux bénévoles »

explique Pierre Malpel, responsable digital chez France Alzheimer et maladies apparentées.

Aucun doute, le numérique participe, plus que jamais, à renforcer la visibilité des associations. Les sites internet et autres blogs sont devenus incontournables. Et leur développement au « format mobile » (baptisé « responsive design ») explose aujourd’hui. En utilisant des newsletter, des mailings et surtout les réseaux sociaux, les associations de patients ont à cœur de renforcer les liens avec leurs différentes cibles. Elles créent des rendez-vous récurrents.

L’Institut Curie, établissement de recherche et de soins réputé, collabore régulièrement avec une trentaine d’associations partenaires.

Nous encourageons la présence et la représentation des usagers dans notre structure dans une logique de démocratie sanitaire. Toutes nos initiatives sont menées en concertation avec les associations de patients, à l’image de la plateforme MyCurie qui permet à l’usager d’obtenir toute l’information sur son parcours de soin (grâce à des informations pratiques sur la prise en charge, des fiches d’information sur les examens ou les effets secondaires des traitements...). Pour permettre aux usagers de mieux identifier les associations et leur rôle, nous organisons chaque année un forum des associations et avons mis en place des espaces d’information (ERI et Maison des patients) où leurs bénévoles sont présents »

détaille Dominique Connan, responsable de la communication avec les patients et les associations de patients à l’Institut Curie.

En complément, l’Institut participe à la valorisation des sites et autres blogs développés par les associations en mettant à disposition de celles-ci des contenus scientifiques et pratiques.

Le collectif en toile de fond

Si le recours aux outils dématérialisés s’impose parmi les nouveaux modes d’interactions, les temps de rencontres physiques ne doivent pas être négligés. Quelle que soit leur forme, ces espaces–temps sont avant tout programmés pour favoriser la réflexion, le travail collaboratif, la découverte de nouvelles méthodes de partage de l’information. Le but : faire bouger les lignes et permettre aux participants d’accéder à une approche plus collaborative du travail et aux réflexions sur l’innovation.

Venir dans ces espaces atypiques qui mélangent convivialité, outils de partage, esprit participatif, c’est retourner aux fondamentaux de la relation avec une ambition : booster l’intelligence collective, rendre l’échange plus dynamique et productif, en un mot plus efficace. Il s’agit d’ajouter de la valeur dans les processus d’innovation grâce à l’intelligence collective, tout en fournissant une expertise créative et technique »

explique Lucie Tesquier, directrice de clientèle au sein de l’agence en santé digitale Interaction Healthcare.

En d’autres termes, les associations qui privilégient ces nouveaux modes d’interactions réunissent les conditions idéales pour inventer en groupe, co-construire, co-travailler, co-créer, collaborer, innover, partager, échanger… Et, in fine, monter en compétences sur une thématique donnée. Les participants ne sont plus seulement auditeurs passifs, ils deviennent de véritables contributeurs, acteurs de la rencontre et de la transformation.

Du living lab au barcamp

Parmi les méthodes de créativité et de partage d’informations qui s’offrent aujourd’hui aux associations, plusieurs initiatives méritent d’être relevées. Certaines sont plébiscitées dans le secteur :

  • Le Living lab : il s’agit d’un nouveau mode de collaboration entre usagers, grand public, chercheurs et entrepreneurs. La richesse de son approche repose sur un travail de co-création et d’expérimentation des concepts sur le terrain. Alternant temps théoriques de partage des connaissances et temps pratiques d’émergence de projets, le Living Lab permet aux participants de tester leurs idées dans le monde tangible et d’en mesurer les effets concrets. Située entre réflexion et évènementiel, entre temps réel et regard à long terme, cette méthode coopérative favorise l’innovation, partage les réseaux et implique les différents acteurs d’une même cause et d’une même thématique.
  • Le BarCamp : c’est une rencontre qui se veut être une non-conférence. Programmé essentiellement grâce à Internet, le BarCamp prend le plus souvent la forme d’ateliers-événements participatifs où le contenu est fourni par les participants. Sur le plan pratique : les participants se présentent à l’occasion d’un tour de table (chacun donne son nom, son appartenance à une entreprise ou une association et plusieurs mots-clés permettant de cerner ses centres d’intérêt) . Les participants inscrivent le thème qui les intéresse sur une grande feuille. En amont, les sujets que l’on voudrait voir discuter peuvent être inscrits sur la page web dédiée du BarCamp. Une page sur laquelle chacun pourra également partager les informations et les expériences reçues pendant ou après l’événement. La participation est gratuite (sur inscription) et généralement limitée par les seules contraintes d’espace.
  • Le sprint créatif : correspond à un ou plusieurs jours de brainstorming pour produire des idées nouvelles sur la thématique choisie. Les participants sont invités à échanger, comprendre, imaginer, prendre de la hauteur, débattre, sortir des sentiers battus, créer, proposer pour au final, donner naissance à un concept ou projet innovant.
  • Le workshop : c’est un atelier collaboratif où tout le monde participe activement. Le sujet, défini à l’avance par les organisateurs, doit susciter la construction d’une réflexion, l’émergence d’une idée, le partage d’un savoir. Le public des workshops est divers : experts du sujet, grand public, novices, étudiants… La diversité des publics permet une vraie émulation de connaissances et des savoirs.

Utilisés au départ par les start-up et entreprises technologiques, les nouveaux modes d’interaction et de travail collaboratif que sont les hackathons (cf ci-dessous), sprints créatifs, workshops et autres ateliers de design thinking font aujourd’hui leur entrée dans le monde associatif. Couplés au développement numérique, ils constituent une forme innovante de communication assurant aux associations une meilleure visibilité, une meilleure lisibilité et une action plus performante.

« L’innovation est dans le modèle de communication »

La communication est au cœur de la stratégie de développement des associations. Outre le format digital, ces dernières misent aussi sur de nouvelles formes d’interactions en présentiel. Lucie Tesquier, directrice de clientèle au sein de l’agence en santé digitale Interaction Healthcare, explique ce en quoi consiste le format de plus en plus répandu de hackathon.

« Comprendre les innovations digitales en santé pour offrir une expérience interactive unique aux professionnels de santé et aux patients », telle est votre devise. Pouvez-vous nous préciser les enjeux de cette ambition ?
Lucie Tesquier : En tant qu'agence innovante, il est important de maîtriser les nouvelles technologies et leurs usages pour créer des services et des programmes pertinents en santé. Au travers de l’aide apportée à nos clients dont font partie plusieurs associations, l'agence répond aujourd’hui à des enjeux de formation, de prévention, d'éducation thérapeutique ou d'accompagnement des patients en utilisant les objets connectés, les smartphones, la réalité virtuelle ou augmentée. L'important n'est pas l'outil mais le bénéfice apporté à l'utilisateur final, qu’il s’agisse d’un patient ou d’un professionnel de santé.

L'innovation digitale est-elle actuellement une préoccupation majeure dans les stratégies de communication développées par les associations de santé et de patients?
L.T : J’ai par le passé participé à une journée Innov’Asso pour présenter le serious game "Theo et les psorianautes" qu'Interaction Healthcare a réalisé pour France Psoriasis. Les échanges sur le stand étaient riches. Les demandes et besoins sont multiples et portent autant sur la visibilité du site Internet de l'association que sur l'offre de services en tant que telle, ou la participation de l'association à des projets collaboratifs ambitieux. Le digital ouvre des perspectives de communication intéressantes pour les associations. L'innovation dans ce cas n'est pas seulement technologique, elle est aussi dans le modèle de communication à adopter.

Qu’en est-il des nouvelles formes de rencontres en présentiel du type Hackathon ?
L.T : Le hackathon est un évènement, organisé généralement sur 48 ou 72 heures, qui permet de rassembler dans une salle des expertises différentes mais complémentaires pour créer un dispositif innovant. C'est la confrontation des besoins, de l'expertise technologique et de l'expertise dite "métier". En santé, on retrouve donc des patients, des professionnels de santé et des personnes de l'univers du digital comme des designers, des game designers et des développeurs rassemblés autour d'une table dans une approche collaborative.

Quels sont les avantages de cette approche ?
L.T : C’est un moyen rapide de faire émerger des idées issues de la co-construction et de développer en très peu de temps un concept. Le rôle des associations de patients dans un projet innovant est déterminant à plusieurs étapes : au niveau du besoin exprimé, sur la conception du dispositif ou du service ou sur sa mise en œuvre et son déploiement. Les hackathons sont aussi une belle opportunité pour créer son réseau et rencontrer des partenaires.

A l'heure de l'explosion du digital, les rencontres physiques (conférences, colloques...) sont-elles toujours pertinentes pour communiquer et se faire entendre ?
L.T : Elles sont essentielles. Le digital permet de se faire connaître et d'identifier des interlocuteurs. C’est un relais mais les rencontres physiques sont la base de toute communication pérenne et constructive et elles peuvent être, elles aussi, source d’innovation. Preuve en est avec les hackathons qui permettent de sortir du schéma d'innovation classique.

Réseaux sociaux : les associations toujours plus connectées

Les réseaux sociaux sont devenus un outil incontournable de communication pour les associations. Plusieurs raisons à cela : un coût de mise en place faible, l'efficacité de la diffusion des informations et une interactivité renforcée.

Avec 89 % d’associations utilisatrices, Facebook est le réseau social le plus plébiscité par les structures associatives. Depuis 2012, il a dépassé LinkedIn et Youtube. D’ores et déjà, se profile un autre réseau social prisé par les associations : Twitter. Mais pas question de parler de concurrence entre réseaux sociaux. Bien au contraire, dans la logique de communication adoptée par les associations, ces différents réseaux se veulent complémentaires.

« En multipliant les supports, nous diversifions les cibles. La communication est essentielle dans la stratégie de développement des associations. Même pour les associations dites humanitaires, la concurrence est de mise ! Il faut donc occuper le terrain » justifie Pierre Malpel responsable digital chez France Alzheimer et maladies apparentées.

C’est pourquoi, pour répondre aux besoins de contenu digital et d’animation/modération que requièrent ces réseaux sociaux, de plus en plus d’associations recrutent de nouveaux profils dans leurs équipes. Un « Digital native » ou un « Community manager » par exemple, pour gérer leur compte facebook et construire une stratégie digitale adaptée, tout en prenant soin de respecter les chartes associatives et les politiques internes.

Asseoir sa notoriété et son image de marque

Avec des taux de connexion qui ne cessent de grimper, les réseaux sociaux sont devenus une réalité incontournable pour échanger des informations via le Web. Ils sont aujourd’hui au cœur de la communication électronique collaborative. Pour illustration, en 2012, le géant des réseaux sociaux Facebook comptait, en France, 24 millions d’utilisateurs qui effectuaient environ 1 milliard d'interactions chaque mois. Ce chiffre n’a cessé de progresser depuis.

L’activité majeure d’un réseau social pourrait ainsi se résumer en un mot : interactions. Dans cette logique « gagnant-gagnant »l'utilisateur "membre" de la page privée de l’association va avoir instantanément accès à toutes les informations sur celles-ci et sur son actualité, tandis que l’association, en accédant, à la fiche d’identité virtuelle de l’utilisateur (sexe, âge, centres d'intérêts, habitudes etc.) pourra cibler de manière très précise ces futures campagnes de communication et préciser les thématiques de ses événements. L’APEFPIImagine for Margo et de très nombreuses autres associations que nous ne pouvons pas toutes citer ont très bien su prendre le virage de cette communication, pour se rapprocher à la fois des patients et de leurs proches, mais aussi des pouvoir publics, afin de les interpeller. Communiquer via les réseaux sociaux est donc un moyen pour asseoir sa notoriété, pour établir une relation plus humaine avec les utilisateurs mais aussi pour mieux se faire entendre.

Plaidoyer pour « une bonne cause » !

Il est important de sensibiliser les décideurs publics. Dans une telle démarche, les rencontres ou déjeuners parlementaires constituent des temps privilégiés de concertation.

Organisées à l'initiative d’une association ou toute autre structure engagée dans le développement d’un projet d’intérêt général, les rencontres parlementaires rassemblent un ou plusieurs élus (sénateurs ou députés). Conscients du rôle joué par les décideurs publics dans la gestion d’une problématique nationale (qui plus est si elle touche à la santé de la population), les organisateurs de rencontres parlementaires entendent, à ces occasions, nourrir la réflexion tout en sensibilisant les élus aux rôles qu’ils ont à jouer dans la « prise en compte » de ladite problématique. Les actions de plaidoyer font désormais partie intégrante des stratégies initiées ces dernières années par les structures associatives.

Il s’agit avant tout de dialoguer, en cercle restreint, avec les nouveaux décideurs et d’en faire des relais, capables de porter les revendications et positions de la structure organisatrice. Il convient dès lors d’identifier les parlementaires les plus mobilisés sur les thématiques retenues pour convier en priorité les interlocuteurs politiques appropriés.

Tribune privilégiée pour l’association, la rencontre parlementaire doit respecter plusieurs règles : le respect du pluralisme politique, la liberté de parole, la transparence sur les initiateurs et la traçabilité des débats. La pression est souvent très forte pour les associations, car non elles doivent pouvoir faire entendre leurs revendications et faire en sorte que tout se passe pour le mieux, afin que ces rendez-vous puissent se perpétuer.

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