Les associations au cœur de l’innovation en santé

Comment agir pour que l’évaluation des médicaments tienne mieux compte de l’intérêt des patients

Le 19 novembre dernier, lors de la journée de restitution Innov’Asso, les différents groupes des Ateliers Innov’Asso ont rendu public le fruit de leur travail après neuf mois de co-construction et d’écriture. C’est le groupe qui a travaillé sur le thème “Participer à l’évaluation de l’innovation thérapeutique” qui a ouvert le bal.

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En dépit de la crise sanitaire, les différents groupes de travail sont restés mobilisés et ont continué à travailler à distance, en toute indépendance, avec un état d’esprit collaboratif et participatif. Piloté par Stéphane Korsia-Meffre consultant santé Iatrologos, Marie Lanta chargée de Mission et d’Information auprès des malades et proches à la Ligue contre le cancer et Fabrice Pilorgé, directeur de l’Association française des hémophiles, ce premier atelier a planché pendant neuf mois sur la participation à l’évaluation thérapeutique, de la recherche fondamentale à l’examen par les autorités de régulation, en passant par la recherche clinique.

Grâce à la frise représentée ci-dessous (issue d’un article scientifique et retravaillée par Stéphane Korsia-Meffre), Marie Lanta a montré que le développement des produits de santé est un long processus avec des étapes multiples qui partent de l’identification d’un produit et se poursuivent en passant par les études précliniques, les essais cliniques, les procédures d’enregistrement, etc.
« C’est très long, mais à tous ces niveaux, les associations peuvent s’impliquer. Cela peut sembler compliqué, vu de loin, mais avec des conseils pratiques, nous allons vous montrer que vous pouvez vous lancer dans l’aventure et vous impliquer dans la recherche clinique de façon progressive », a-t-elle déclaré à l’intention des nombreuses associations de patients connectées, puisqu’il s’agissait d’un événement 100% digital.

Frise processus de développement des produits de santé

Faire entendre la voix des patients dans les priorités de la recherche fondamentale

Ce groupe de travail a choisi ses thèmes en fonction de ce qui leur semblait prioritaire et le plus immédiatement appropriable par les associations de patients. Et en l’occurrence, l’une des questions qui revient souvent est : Comment faire entendre la voix des patients dans les priorités de recherche ?

Le guide produit par l’atelier a pour objectif de répondre, entre autres, à cette question. Il apporte des informations sur la question du développement des médicaments. « La recherche fondamentale permet de mieux comprendre une maladie et d’identifier les pistes de traitement éventuellement prometteuses. Elle vient nourrir la recherche clinique, laquelle permettra, à terme, de développer de futurs médicaments. Il est donc stratégique pour les associations de patients de se faire entendre dès ce moment-là » a expliqué Fabrice Pilorgé. Et d’ajouter : « Pour qu’un produit apporte une plus-value, il faut qu’il corresponde aux besoins des patients et notamment de ceux qui sont en impasse thérapeutique parce qu’ils ont épuisé l’ensemble des options thérapeutiques existantes. Cela peut recouvrir aussi des pathologies pour lesquelles il n’y a pas ou peu de traitements, ce qu’on appelle les besoins non couverts ».

Les associations de patients sont en première ligne pour identifier ces besoins, dans la mesure où elles s’intéressent au vécu des patients avec leur maladie. Les ateliers de discussion et de soutien, mais aussi l’ensemble des échanges avec les patients sont des moments privilégiés pour recueillir les besoins et les comprendre. Régulièrement, les associations mènent aussi des enquêtes et synthétisent les retours. « Nous nous entretenons beaucoup avec les professionnels de santé pour partager ce que nous avons recueilli dans nos groupes de travail et parfois même, découvrir d’autres besoins que ceux que nous avions déjà identifiés », a-t-il ajouté.

Oui, les associations sont légitimes pour participer aux choix de la recherche fondamentale

Il est fréquent que les associations se demandent si elles ont vraiment les compétences pour participer aux choix de la recherche fondamentale”, observe Fabrice Pilorgé.
Il a toutefois rappelé que le domaine d’expertise des associations est précisément la connaissance fine du vécu des patients, de leurs proches, mais aussi leur expérience avec la maladie et les traitements.

« C’est la raison pour laquelle il ne faut pas hésiter à intervenir, même si on peut se sentir insuffisamment expert et hésiter à aller voir les équipes scientifiques. Il n’y a pas de mauvaise question. C’est parfois un peu difficile au départ, surtout quand les échanges ont lieu en anglais, mais rien ne nous empêche de demander aux chercheurs de parler en français et de faire passer nos messages dans notre propre langue », souligne Fabrice Pilorgé.

À ses yeux, il est souhaitable d’acquérir une légitimité pour participer aux décisions de recherche. Cela suppose de comprendre l’environnement des interlocuteurs, qu’il s’agisse des chercheurs ou des promoteurs d’études…
Pour cela, il recommande aux associations d’intégrer un ou plusieurs chercheurs, encore en activité ou retraités, dans les groupes de travail de leur association ou au sein de leur conseil scientifique : « Ils pourront vous donner de bons conseils. Certains peuvent être concernés par vos pathologies et ainsi collaborer avec vous. C’est parfois un peu long d’identifier les bonnes personnes, mais on finit par y arriver ». Il souligne qu’en ce qui concerne l’AFH qu’il dirige, le groupe de travail « Recherche » a longtemps été chapeauté par une chercheuse de l’Inserm, laquelle a beaucoup accompagné les membres de l’association à comprendre l’ensemble des enjeux.

Selon Stéphane Korsia-Meffre, il est possible pour une association de s’associer à des chercheurs retraités via le dispositif ScienSAs’ de l’Inserm (Scientifiques Seniors et Associations de malades) qui propose à ses anciens cadres de recherche d’associer leurs savoirs au travail d’une association de patients.

L’importance d’échanger avec le monde de la recherche

La recherche publique, la recherche privée et la recherche fondamentale font appel à des logiques différentes. Il est important de tenter de rencontrer ces différents acteurs.
« On ne parle pas de la même manière aux uns et aux autres. Il faut savoir décliner ses arguments en fonction des cas, mais toujours en restant centré sur les besoins des patients. C’est en forgeant qu’on devient forgeron et l’erreur n’a pas d’importance, on apprend de ses erreurs et de toute façon, nous avons la légitimité de porter la voix des patients. Et si on n’y arrive pas du premier coup, ce n’est pas grave, on recommencera. », a-t-il rappelé, pour encourager les démarches de ses pairs.

Pour entrer en contact avec les chercheurs, Fabrice Pilorgé suggère de profiter des conférences ou des congrès : « Lorsqu’on n’est pas invité, on peut demander à l’être. Ces différents contacts sont importants pour expliquer la particularité et les besoins des malades. Évidemment pour faire valoir les besoins des patients, il faut avoir des arguments étayés. Tout cela se construit à partir de l’expérience. Il est déterminant d’avoir un conseil scientifique dans son association, ou a minima quelques chercheurs ou cliniciens pour être conseillés. Il faut se trouver des alliés. »

Co-financer des projets de recherches

Le cofinancement de projets de recherche représente un autre levier. « Cela suppose évidemment d’avoir les fonds pour cofinancer, mais on peut commencer avec des sommes raisonnables qui vont venir compléter d’autres financements. Les chercheurs seront ainsi davantage à l’écoute. » observe Fabrice Pilorgé.
Il note que la pression médiatique est un vrai levier, si bien que cela a beaucoup de sens de solliciter les grands médias au moment des journées spécifiques concernées aux différentes pathologies : « Les journalistes apprécient d’avoir des personnes pour témoigner. De notre côté, c’est l’occasion de faire valoir les attentes. »

Dans le même esprit, les réseaux sociaux sont une réelle caisse de résonance. Il recommande la diffusion de petites vidéos avec des témoignages de patients, lesquelles peuvent être réalisées avec peu de moyens, car des logiciels accessibles sur internet permettent de faire facilement des montages.

« Pour certains sujets plus difficiles à faire valoir, on peut écrire des tribunes ou des lettres ouvertes, et les proposer aux journaux. Clairement, le fait d’être plusieurs associations de patients à se coaliser permet d’être davantage entendu et donc plus largement publié » analyse-t-il. Se regrouper, ne pas être seul et ouvrir les portes les unes après les autres…. Autant de conseils pratiques et judicieux !
Ces quelques conseils sont plus largement développés dans le guide conçu par ce premier atelier, qui propose des pistes pour aller plus loin.

Pour en savoir plus, retrouvez le guide « Participer à l’évaluation de l’innovation thérapeutique » ainsi que les fiches pratiques téléchargeables.

Retrouvez prochainement le second volet de ce dossier pour savoir comment devenir un acteur de la recherche clinique et intégrer les données de vie dans l’évaluation des produits de santé.

Informations

Innovasso.fr est un site internet sur lequel vous retrouvez plusieurs thématiques autour de l’innovation en santé comme la recherche clinique, les actualités juridiques concernant le monde de la santé, la santé numérique, l’usage des données de santé, la place du patient dans cet écosystème…
Une boîte à outils propose également des tutos et des dossiers extrêmement complets assortis de conseils, pour vous accompagner dans vos missions associatives ou dans votre quotidien sur les usages en communication et le digital.
Vous pouvez suivre toutes les actus et dossiers comme plus de 500 personnes abonnées à la newsletter ainsi que via le hashtag #innovasso sur Twitter.
Mais Innov’Asso c’est aussi des journées de rencontres, qui sont de véritables opportunités pour échanger et co-construire entre acteurs associatifs des outils concrets et utiles pour acquérir de nouvelles compétences pour contribuer à l’innovation thérapeutique ou pour aller plus loin.

Dans les prochains mois, la Team Innov’Asso publiera plusieurs dossiers et articles pour vous faire l’écho de l’événement de cette année et vous décrypter les outils pédagogiques mis à votre disposition issus des Ateliers.
Voici le calendrier prévisionnel de nos publications :

– Janvier et Février / Dossiers de présentation des travaux de l’Atelier “Participer à l’évaluation de l’innovation thérapeutique”
– Mars et Avril / Dossier de présentation des travaux de l’Atelier « Améliorer la qualité de vie avec les données de santé »
– Mai : Innovations thérapeutiques : quels rôles les asso peuvent-elles jouer ?
– Mai et Juin / Dossiers de présentation des travaux de l’Atelier « Informer sur les produits de santé »

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