Les associations au cœur de l’innovation en santé

Comment peser davantage sur les protocoles de recherche clinique ?

Stéphane Korsia-Meffre connaît bien le milieu associatif dans lequel il a évolué pendant plusieurs années. À l’occasion de la journée Innov’Asso, il a interviewé Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé et membre du bureau de l’association « Le lien » qui défend les victimes d’accidents médicaux et d’infections nosocomiales. Membre titulaire de la Commission de Transparence à la Haute Autorité de Santé depuis novembre 2015, il s’intéresse à la place des médicaments dans la pharmacopée et à la façon d’améliorer le service médical rendu.

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Votre association a-t-elle déjà participé à la relecture de protocoles ou documents patients relatifs aux essais cliniques ?
Cette question, posée lors de la 7ème journée Innov’Asso à l’attention des associations participantes, a recueilli 59 % de réponses positives. En revanche, la moitié (49 %) a répondu Non à la question suivante : “Votre association a-t-elle déjà contribué aux travaux de la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé ?”

Ces sondages ont conduit Jean-Pierre Thierry à rappeler que l’un des enjeux stratégiques les plus importants est précisément que les associations de patients et les représentants des usagers puissent peser davantage sur les protocoles de recherche clinique.

Je suis convaincu qu’on gagnerait tous énormément à ce que les critères définis dans les protocoles de recherche et d’essais contrôlés soient déterminés avec les patients

a-t-il déclaré.

Selon lui, il faudrait orienter davantage encore la recherche fondamentale dès l’amont en tenant compte de l’expression des besoins en concertation avec les associations de patients comme c’est déjà le cas dans certains pays.

Il est très important que les associations de patients soient présentes en amont pour accompagner ce mouvement. Elles doivent avoir conscience du rôle décisif des critères d’évaluation dans un essai clinique, car ils en conditionnent le succès ou l’échec. Les associations ont le pouvoir de contribuer à l’évaluation des produits de santé.

La France fait partie des rares pays qui ont introduit des représentants d’usagers dans les phases d’évaluation des produits de santé par des agences, en France la Haute Autorité de Santé (Health Technology Assessment)

précise Jean-Pierre Thierry.

Il souligne que la Haute Autorité de Santé a mis en place un mécanisme pour informer les associations des produits qu’elles peuvent contribuer à évaluer au niveau de la Commission de Transparence. On y trouve sur le site un calendrier pour savoir quel médicament sera évalué à tel moment.

Les associations (même non agréées) peuvent préparer une contribution à partir d’un questionnaire téléchargeable sur le site de la HAS. Ce questionnaire permet de s’exprimer sur l’impact de la maladie, la connaissance des thérapies existantes ou du produit de santé à évaluer et de mettre en exergue les attentes des associations.

Récemment, la Haute Autorité de Santé a publié un rapport sur la manière dont les contributions des associations de patients étaient prises en compte par la Commission de Transparence. Le principe qui prévaut est celui du vote majoritaire, pour décider d’un SMR (service médical rendu).

Certaines associations regrettent qu’il n’y ait pas de retour de la part de la HAS après la prise de décision, avec l’impression d’avoir crié dans le vide

a précisé Stéphane Korsia-Meffre.

 Interrogé sur ce que pourrait faire la Haute Autorité de Santé, Jean-Pierre Thierry a précisé que cette institution était à l’écoute des informations relatives à la qualité de vie, par exemple l’impact sur les aidants, l’intérêt des formes galéniques… La Haute Autorité de Santé a d’ailleurs ouvert une réflexion sur la contribution des associations avec un groupe de travail visant à améliorer ce mécanisme de participation. Celles qui le souhaitent sont invitées à y participer. L’objectif est de démocratiser leur implication, sachant que l’un des freins, au-delà des délais et des ressources, c’est aussi le fait qu’elles n’ont pas accès à l’ensemble des données scientifiques (retrouvez plus d’infos dans le dossier du médicament en évaluation). Des sessions de formation ont même été mises en place pour les aider à mieux comprendre ce qu’on attend d’elles, comment remplir le questionnaire…

La HAS a été jusqu’à initier un jeu de rôle en faisant une fausse réunion du comité de transparence afin de rôder les associations au fonctionnement du système

explique Jean-Pierre Thierry.

Démystifier le sujet est très important, surtout pour les petites associations pour lesquelles les démarches paraissent insurmontables.

Il s’est réjoui de l’accélération de l’innovation liée à la connaissance du fonctionnement des cellules, du métabolisme, et à l’arrivée de la génétique.

Il n’y a rien qui puisse nous faire plus plaisir que de voir un médicament qui va changer la vie des gens, et même parfois faire disparaître une maladie qui pouvait être mortelle. Mais paradoxalement, il est de plus en plus difficile de mesurer et d’évaluer ces innovations

déclare-t-il.

 D’où l’intérêt pour les associations de s’impliquer dans la recherche clinique en amont !

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