Les associations au cœur de l’innovation en santé

Entre patients et chercheurs : un partenariat gagnant

Dix ans : c’est en moyenne le nombre d’années qu’il faut pour qu’un nouveau médicament atteigne le marché et que les patients puissent ainsi en bénéficier. Dans ce long processus, on doit beaucoup aux groupes de patients participant aux études scientifiques qui évaluent en amont l’efficacité et la tolérance des médicaments en cours de développement. Très encadrés, les essais cliniques ont incontestablement participé ces dernières années à faire de l’usager un acteur-clé de la recherche clinique.

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Entre patients et chercheurs : un partenariat gagnant

Sans nouveaux médicaments autorisés sur le marché, pas de nouveaux traitements accessibles. Et sans essais cliniques, pas de nouveaux médicaments. Mais sans patients volontaires, pas d’essais cliniques non plus. La boucle est bouclée…

« Les médicaments délivrés dans les officines de ville, dans les hôpitaux autres structures de soins ont tous été préalablement autorisés par les autorités sanitaires. Et ils le sont parce que des patients ont accepté de participer à des essais qui ont permis de prouver leur efficacité et de mesurer le risque »,

résume le Pr Benoit You, chercheur-oncologue aux Hospices civils de Lyon.

Ces liens d’interdépendance démontrent parfaitement la place centrale, pour ne pas dire essentielle, qu’occupe le patient dans le système de soins français. Un système lui-même dépendant de la « bonne conduite » des essais cliniques. Menés sur l’Homme, ces essais doivent faire la preuve de leur innocuité et servent à mesurer l’efficacité d’un produit expérimental, le plus souvent un médicament. Une batterie de paramètres tels que la vitesse d’absorption de la molécule, le mode d’action, les effets secondaires… sont monitorés et analysés.

Un nombre d’essais en baisse en France

Si la France se positionne au 4ème rang européen en termes de participation aux essais, force est de constater que le nombre d’essais cliniques initiés dans l’Hexagone ne cesse de diminuer. Un recul évalué à environ 13% par an entre 2015 et 2017 (contre une baisse de seulement 6,5% pour l’Allemagne dans le même temps). Il convient pour autant de nuancer le tableau. En effet, si la part de la France est limitée dans les essais industriels internationaux de phases 1 (médicament testé sur des volontaires sains pour mesurer la tolérance du produit) et 2 (efficacité du traitement évaluée sur des dizaines de malades pour définir la juste dose à utiliser), elle participe en revanche à près d’un quart des essais industriels internationaux de phase 3 (comparaison entre le nouveau médicament et le traitement de référence ou un placebo). Mieux, dans le domaine de l’oncologie, elle participe à près d’un essai sur cinq initiés dans le monde. Voilà pour la réalité comptable.

Limiter les essais cliniques à des tests de médicaments, serait réducteur comme l’explique le Pr You :

« Les essais cliniques ou essais thérapeutiques doivent certes évaluer de nouveaux médicaments ou associations de médicaments mais aussi de nouvelles façons de les administrer, de nouvelles techniques de traitement ou de diagnostic ».

50% des Français prêts à participer

Il est intéressant de comprendre la perception qu’ont les Français de ces essais. A en croire les sondages en la matière, deux tiers d’entre eux estiment qu’ils comportent trop de risques. Une crainte pourtant loin de constituer un repoussoir inéluctable puisque la moitié de la population se dit prête à y participer. Il faut dire que les procédures règlementaires encadrant le déroulement des essais sont drastiques : tout essai clinique doit en effet avoir reçu au préalable une autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ainsi qu’un avis favorable d’un comité de protection des personnes (CPP). Sachant qu’un essai clinique sera immédiatement interrompu par le promoteur de l’étude ou par l’ANSM, si des effets secondaires sévères survenaient.

« Sur cent médicaments recevant une autorisation d’essai clinique, un seul, en moyenne, sera finalement mis sur le marché. Les autres médicaments sont abandonnés et jamais commercialisés, soit parce que leurs effets secondaires sont jugés trop importants, soit parce qu’ils ne sont pas suffisamment efficaces »,

renseigne le Pr You.

Au sein des comités de protection des personnes, on va même plus loin en réclamant toujours plus de cadres aux essais cliniques « Il ne faut pas être permissif, même vis-à-vis des patients pour lesquels participer à un essai clinique constitue le seul espoir. Une situation de dernière chance ne doit pas conduire à l’instrumentalisation du corps de la personne », y explique-t-on. Longtemps perçu comme le « traitement de la dernière chance », l’essai clinique se veut donc plutôt « une opportunité » de bénéficier de médicaments innovants qui n’ont pas les mêmes mécanismes d’actions que les traitements traditionnels.

Une « chance », c’est également la perception qu’en a la communauté scientifique qui indique que l’espérance de vie des patients est supérieure dans les centres de soins qui proposent des essais cliniques.

« Non seulement, c’est la possibilité d’avoir accès à des médicaments prometteurs, novateurs qui ne sont pas encore disponibles mais c’est surtout la possibilité de le faire en sécurité car pour pouvoir profiter de cette opportunité, des examens biologiques ou cliniques supplémentaires sont nécessaires. Le respect strict des critères d’inclusion est à la fois un moyen de sécuriser l’essai et de pouvoir réaliser des mesures fines d’efficacité »,

argumente le chercheur-oncologue.

Une équipe pluridisciplinaire pour encadrer le patient

Avant de participer à un essai clinique, les volontaires sont informés des risques, contraintes et bénéfices potentiels. Une information complète et de qualité doit leur permettre ensuite de signer un consentement de manière libre et éclairée, autrement dit, en tout connaissance de cause. Toutefois, un participant peut se retirer de l’essai clinique auquel il participe à tout moment sans condition ou délai.

Pendant l’essai, une équipe pluridisciplinaire encadre les patients. Elle se compose de : l’investigateur de l’essai (médecin qui conduit l’essai), l’infirmière, l’attaché(e) de recherche clinique, un psychologue si le malade en exprime le besoin, et le médecin traitant, tenu régulièrement informé de l’avancé de l’essai. Une plus grande transparence des études cliniques en médecine se développe – communication entre les différents acteurs de l’essai sur les objectifs, les risques, les méthodes – elle vise notamment une valorisation maximale des résultats. Même si l’initiative relève plus à l’origine d’une incitation liée aux critères de publication que d’une décision du législateur, aujourd’hui, tous les essais cliniques font l’objet d’une déclaration au niveau international. Résultat : un essai clinique qui n’a pas été déclaré avant son début a peu de chances de trouver une voie vers une publication de haut niveau… et donc de valorisation.

Pour tous ceux qui s’intéressent aux essais cliniques, rendez-vous sur https://clinicaltrials.gov/ où sont actuellement répertoriés 308 581 essais cliniques dans plus de 210 pays.

« La recherche, c’est aussi l’affaire du patient ! »

Initié il y a 12 ans par l’Inserm, le collège des relecteurs a vocation à faire participer les associations de patients à la recherche clinique. Entre 20 et 25 protocoles de recherche sont relus chaque année. Parmi les domaines de recherche couverts par les relecteurs : les maladies du système nerveux, les maladies mentales et troubles psychiques, les maladies de l’appareil locomoteur, le handicap…

L’initiative a bousculé les codes établis de la recherche scientifique. Elle repose sur un principe simple : la recherche clinique portant sur les êtres humains, il est essentiel que ces derniers soient pleinement impliqués dans sa mise en œuvre et son évaluation. En d’autres termes, ne pas faire de la recherche un sanctuaire, chasse gardée des chercheurs initiés. Ne pas établir une sorte de no man’s land où les patients, pourtant premiers concernés, n’auraient pas voix au chapitre. Et qui mieux que l’Inserm, seul organisme de recherche public entièrement dédié à la recherche biomédicale, pour appliquer cette nécessaire et complémentaire collaboration entre chercheurs et (associations de) patients. Une collaboration qui prend, depuis 2007, la forme d’un collège des relecteurs, aujourd’hui composé de 70 membres bénévoles issus de 50 associations de personnes malades ou en situation de handicap.

« Dès 2004, l’Inserm s’est engagé dans le développement d’un partenariat fort avec les associations de patients. Il a commencé par mettre en place le Groupe de Réflexion avec les Associations de Malades (Gram) composé de 10 membres d’associations, 5 chercheurs Inserm, 5 acteurs administratifs. La Mission associations de l’Inserm va répondre par des actions concrètes aux recommandations formulées par le Gram »,

explique Flavie Mathieu, membre de la mission associations de l’Inserm et responsable du collège des relecteurs.

Elle précise qu’il est important non seulement d’apporter la bonne information aux patients mais surtout de les former pour leur donner les clés, les connaissances, la maîtrise du vocabulaire, et le langage commun qui permettra d’interagir avec les chercheurs.

« Parmi les actions de la Mission Associations le collège des relecteurs a pour premier objectif d’améliorer, grâce au travail avec les associations de patients, la lisibilité des notices d’informations et les formulaires de consentements pour les essais cliniques »,

précise-t-elle.

Ce collège des relecteurs est un véritable espace de collaboration avec les premiers usagers du système de santé en même temps qu’une grande responsabilité pour l’Institut. Il faut dire que les relecteurs sont impliqués dans toutes les étapes de la recherche, de l’écriture du protocole au rendu des résultats. Età l’Inserm, personne n’aurait l’idée de remettre en cause leur légitimité et leur apport, fondés sur leur expérience du vécu de la maladie et du handicap.

« Très vite, nous nous sommes rendus compte que le savoir expérientiel apportait un plus au projet de recherche puisque les relecteurs alertaient sur les craintes et les difficultés des patients, et sur les freins à la participation en général. L’intervention des associations de patients favorise clairement l’adhésion et le recrutement des patients, ainsi qu’une méthodologie plus adaptée dans la conduite des essais. Les chercheurs possèdent les connaissances scientifiques théoriques, et l’apport du savoir expérientiel de la personne malade est précieux à la recherche »,

souligne Flavie Mathieu.

Plus de 150 protocoles ont été relus

Pour autant, le rôle des associations de personnes malades n’est pas d’agir sur le fond des travaux de recherche, leur intervention concerne essentiellement la forme avec pour objectif : évaluer la clarté, la cohérence et l’exhaustivité des documents d’informations destinés aux patients mais aussi proposer des améliorations au protocole de recherche. Concrètement, cela passe par des modifications de la notice d’information, du formulaire du consentement et du protocole. Pour qu’un patient puisse décider de participer à un projet de recherche clinique en toute autonomie, encore faut-il qu’il soit en mesure de comprendre toutes les dimensions de cette recherche (objectif, méthodologie, bénéfices attendus, contraintes et risques). Plus que jamais, au sein de l’Inserm, le partenariat associations de patients – chercheurs se veut porteur d’une valeur ajoutée pour chacun. Les premiers bénéficient des avancées scientifiques réalisées, les seconds peuvent s’appuyer sur l’expérience des patients pour optimiser leurs travaux, valoriser leur démarche éthique et aussi, in fine, recruter plus facilement des participants.

« Les chercheurs vont aussi gagner du temps grâce aux associations de patients. Nous avons remarqué que le temps d’obtention des autorisations est plus court pour un protocole de recherche relu par les associations de patients », indique la responsable du collège des relecteurs qui regrette que « la perception des essais cliniques par le grand public est biaisé par la surmédiatisation des rares événements négatifs survenus durant un essai ».

Ce qui impacte forcément sur le regard porté par les patients sur les essais cliniques. Depuis 2007, plus de 150 protocoles de recherche ont été relus par des associations de patients

Le comité de patients

Créé en 1998, le Comité de patients en recherche clinique de la Ligue contre le cancer, réunit des personnes malades, des anciens malades et des proches de malades. Volontaires et bénévoles, ils sont issus de Comités départementaux de la Ligue et d’associations de patients en cancérologie ou de candidatures spontanées . A l’heure actuelle, le Comité réunit près de 120 personnes qui ont un intérêt partagé pour la recherche clinique. Venant de toutes les régions de France et quel que soit leur parcours professionnel, chaque membre du Comité de patients apporte sa propre expérience de la maladie sur les essais cliniques. Les membres du Comité bénéficient de formations régulières sur la recherche clinique, sous forme d’ateliers d’aide à la relecture et de rencontres avec les différents acteurs de la recherche. Chaque note d’information soumise au Comité de patients est analysée par trois de ses membres sur le fond et sur la forme. Les relecteurs procèdent à cette relecture à partir de leur propre expérience et d’un guide d’aide à la relecture. Ils font ensuite part au promoteur de leurs commentaires et suggestions.

« Nous portons sur le contenu des notes d’information à la fois un regard candide – celui du malade qui découvre ce qu’est un essai – et un regard d’expert – celui du patient qui a l’expérience de la recherche clinique »,

explique Marie Lanta, coordinatrice de ce Comité de patients.

C’est le meilleur moyen de contribuer à éclairer le choix de ceux auxquels on propose de participer à un essai clinique. Une information éclairée permet de contribuer à préserver l’autonomie de chaque personne confrontée à des choix concernant sa propre santé.

Un bilan très encourageant

« Dans le domaine de la cancérologie depuis 20 ans , nous avons à coeur de travailler avec toutes les associations de patients, pour que toutes les pathologies cancéreuses soient représentées. Il est en effet indispensable que chacun puisse donner son avis sur les essais cliniques au niveau de la note, de la transmission des résultats et de plus en plus souvent de pouvoir participer à l’élaboration de certains essais »,

souligne Marie Lanta.

A ses yeux, il est important de se mobiliser tous ensemble pour apporter une pertinence dans l’analyse des essais et leur faisabilité .

« Elaborer avec les promoteurs des essais plus « vivables » car adaptés à ceux qui seront inclus dans les futurs essais , les rendre plus visibles ,favoriser leur accès au plus grand nombre , sont des enjeux majeurs pour notre association mais aussi pour l’ensemble des acteurs impliqués dans la recherche »,

ajoute-t-elle.

La reconnaissance par l’INCa (plans cancer II et lll) en 2012 a été une vraie chance et a permis de valoriser le travail réalisé par le comité de patients ,en recommandant à tous les promoteurs académiques ou industriels de s’adresser à ce guichet unique en cancérologie.

« Nous donnons aujourd’hui de plus en plus souvent notre avis en amont sur la qualité de vie, certains critères d’inclusion, la méthodologie… A ce stade, l’avis des patients a un réel impact sur le design des essais ce qui est beaucoup plus efficace »,

explique Marie Lanta.

Cependant malgré des avancées incontestables l’ accès aux essais cliniques n’est pas toujours équitable sur l’ensemble du territoire et il est important que tous les acteurs se mobilisent sur ce sujet de démocratie sanitaire . Il faut continuer à se battre pour améliorer l’information en faisant connaître à un public plus large, l’intérêt de la recherche clinique et les sites où trouver les essais. Le journal « Recherche clinique côté patients » édité par la Ligue 2 fois par an ,contribue à faire connaître la recherche clinique qui peut permettre d’avoir accès plus tôt, à l’innovation . L’ensemble des numéros est téléchargeable ici

Recherche académique et recherche industrielle : destins croisés

Composée d’experts de la recherche clinique et épidémiologique, l’AFCROs (Association représentant les Entreprises de la Recherche Clinique en France) apparaît comme le tiers de confiance entre industriels du médicament, des biotechnologies et des dispositifs médicaux, d’un côté et professionnels de santé de l’autre. Sans oublier les patients. Au moment où la recherche clinique semble s’essouffler, il convient d’intégrer toujours plus ces derniers dans l’élaboration des essais, Innov’Asso a voulu savoir quel regard les entreprises de la recherche clinique portent sur ces citoyens – patients – acteurs de la recherche. Rencontre avec le Dr Denis Comet, président de l’AFCROs, diplômé en méthodologie appliquée à la recherche clinique et en évaluation de la santé.

Les informations sont parfois contradictoires quand on évoque la santé de la recherche clinique en France… Où se situe la vérité ?

Denis Comet : Pour mieux évaluer le positionnement de la recherche clinique française à l’échelle internationale, il faut avant tout préciser la définition de la recherche clinique qui est multiple dans sa déclinaison. En ce qui concerne la recherche académique, la France occupe tout simplement la première place au niveau européen depuis plusieurs années. Elle a d’ailleurs confirmé ce classement puisque, à titre informatif, elle a initié plus de 6630 études entre 2017 et 2018. Par contre, la donne change sensiblement si on se réfère aux essais à promotion industrielle. Sur ce plan, la France est en recul.

Justement, il y a moins de deux ans, l’AFCROs tirait la sonnette d’alarme et interpelait dans une lettre ouverte la ministre de la Santé sur la chute du nombre d’essais cliniques en France (notamment les essais à promotion industrielle). Comment expliquer cette tendance ?

D.C : Il y a en réalité plusieurs raisons et cette réalité n’est pas forcément effective pour toutes les pathologies. Il convient donc surtout de ne pas généraliser. Ainsi, en oncologie ou en virologie où nous comptons des centres d’excellence reconnus, la recherche se veut dynamique et très performante. Pour d’autres pathologies, le bilan est moins flatteur et la France souffre d’une forte concurrence des pays de l’Est et des pays asiatiques où la médecine traditionnelle recule, où encore des États-Unis où certaines cliniques ne font que ça… Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas du tout à cause d’une problématique économique puisque les écarts entre les pays se lissent dès que l’on met dans la balance le coût de la vie. La raison principale tient à la particularité de la prise en charge des patients en France. Notre système de soins est tellement performant que les patients ne sont pas forcément incités à participer aux essais cliniques alors que dans d’autres pays où la prise en charge est moins bonne, participer à un essai, c’est tout simplement pouvoir se soigner gratuitement… Le système français a donc le défaut de ses qualités.

Peut-on donc parler en France d’une recherche clinique au pluriel tant son dynamisme diffère selon les pathologies ?

D.C : Oui car c’est une réalité. La recherche française est un vrai leader pour ce qui concerne l’oncologie. L’année dernière, cette discipline a enregistré 4951 communications au niveau international. 425 communications de ces publications, soit environ 10%, implique la France. Ce qui reflète un réel dynamisme. Par contre pour certaines pathologies chroniques, comme le diabète ou l’hypertension artérielle, la recherche clinique est peu active, non en raison de compétences moindres des chercheurs, bien au contraire, mais parce que ces pathologies sont arrivées à un stade de prise en charge qui est assez performant. Réaliser de nouveaux travaux de recherche s’impose donc moins. Résultat : pour ces pathologies, en France, nous sommes moins présents que des pays en cours de développement où, par exemple, les diabétiques sont mal pris en charge ou que des pays déshérités en termes de couverture médicamenteuse. Il est normal que les études se fassent en priorité dans des pays où la fréquence de patients peu ou non traités reste élevée pour ces pathologies.

Le recul de la participation et du nombre d’essais à promotion industrielle est-il inquiétant ?

D.C : C’est en tout cas une situation qui doit nous préoccuper. Car la recherche clinique est un passage obligé pour proposer aux patients des thérapeutiques toujours plus adaptées à leur pathologie et leur permettre de guérir, ou du moins de mieux vivre au quotidien avec leur maladie. Je crois que l’un des paramètres sur lequel il importe de travailler, est l’harmonisation de l’expérience entre les chercheurs et les patients, ou associations de patients. Pour les inciter à participer, il faut d’abord se faire parfaitement comprendre, et donc, adapter son discours mais aussi leur donner des clés pour mieux envisager leur participation à la recherche. Quoi qu’il en soit, cela ne dégradera pas à court ou à long terme le système de soins en France puisque la recherche clinique n’est qu’un maillon de ce système. A l‘inverse, participer à la recherche, c’est tout simplement participer à l’optimisation du système.

Un élément apparait fondamental quand on évoque la mise en œuvre des essais cliniques : le temps…

D.C : C’est justement la question des délais qui joue grandement sur le niveau de compétitivité de la France depuis de nombreuses années. Les contraintes administratives pour l’obtention des différentes autorisations et avis positifs allongent les délais et retardent mécaniquement le lancement des études. Pour exemple, il faut compter souvent un an entre la fin de la rédaction du protocole et le démarrage opérationnel de l’essai. Ce délai est parfois de 15 jours en Allemagne. Résultat, quand on envisage le lancement d’une étude en France, elle est peut-être déjà terminée en Allemagne et n’a donc plus de raison d’être. Le temps joue en défaveur de la France et donc de l’intérêt des patients. C’est une source de critique qui freine l’attractivité de notre territoire sur le plan de la recherche clinique. Car qui dit temps perdu, dit orientation pour les industriels vers d’autres pays. Malgré tout, nos autorités en ont pris conscience et essaient de fluidifier les procédures tout en maintenant une forte exigence en termes de sécurité et d’éthique. On a ainsi pris exemple sur le Royaume-Uni où il existe un modèle de contrat unique. Cela doit nous permettre de redevenir compétitif dans le concert mondial de la recherche. »

Et le patient dans tout cela. Est-il comme on aime à le répéter aujourd’hui, un acteur-clé de la recherche clinique ?

D.C : Incontestablement. Il n’y a pas de recherche sans médecin, mais il n’y pas non plus de recherche sans patient. C’est lui qui, en travaillant sur la lisibilité des protocoles de recherche va influer sur l’efficacité et la pertinence des essais, et donc in fine des résultats. C’est lui qui en se déclarant volontaire et en se soumettant aux critères d’inclusion permet d’évaluer la balance bénéfice-risque d’une molécule ou d’une solution thérapeutique. C’est lui qui alerte sur les risques de confusion, d’incompréhension de l’information ou de mal-être pendant l’essai en s’appuyant sur son expérience en vie réelle. Le regard des patients améliore l’acceptabilité par les autorités administratives et la faisabilité technique. Alors oui, le patient apporte une véritable valeur ajoutée.

Si participer à un essai clinique est indispensable à l’amélioration de la santé, est-ce sans risque pour les patients ?

D.C : Le risque zéro n’existe pas. Dire le contraire, c’est non seulement un mensonge public mais ce serait ne pas considérer à sa juste valeur la vie d’un patient. Par contre, en amont, tout est fait pour limiter les risques au maximum au travers d’une procédure très encadrée et très réglementée avant de pouvoir débuter un essai clinique. Je salue ici le rôle important des comités de protection des personnes (CPP), des comités éthiques et des autres institutions publiques engagées dans cette limitation des risques. Si le risque est limité, il faut par contre bien informer le patient des potentiels effets indésirables pouvant être grave. Les patients doivent être éclairés.

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