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Le Covid-19, un accélérateur dans le développement des outils numériques

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Le Covid-19, le tremplin mal-aimé de la e-santé ?

Il aura suffi d’un organisme, parmi les plus petits de la planète – un coronavirus – pour donner enfin à la e-santé ses lettres de noblesse. Il aura malheureusement fallu en passer par une crise sanitaire mondiale à l’expansion galopante avec plus d’un demi-million de personnes décédées… Nul n’en demandait autant, pas même les plus fervents promoteurs de la santé numérique. La crise du Covid-19 en a pourtant décidé autrement et a boosté, quoi qu’on en dise, des dizaines de projets d’e-santé.

C’est un peu comme si la e-santé, après plusieurs années de progrès discrets dans l’ombre du système de santé, était de manière brutale et soudaine révélée au grand jour. Dans le contexte de crise sanitaire, ses avantages et son potentiel ont, plus que jamais, été LA préoccupation majeure des Français. « Le coronavirus, bien qu’il pèse de manière négative sur nos vies, a représenté et représente toujours une opportunité de repenser la façon dont nous voyons les patients, notamment en utilisant la technologie », indique le Dr Guy Fagherazzi, responsable du Digital Epidemiology Hub du Département de Santé Publique (Department of Population Health) du Luxembourg Institute of Health (LIH). Il ne fait aucun doute que la grande « chance » de l’Humanité est de vivre cette première pandémie à l’ère digitale. « Jamais une maladie n’aura été documentée aussi rapidement », confirme le Dr Guy Fagherazzi. Il faut dire que le numérique est apparu comme la solution « rêvée » quand l’explosion des besoins médicaux s’est vue museler par l’impossibilité de se déplacer et l’obligation de respecter la distanciation sociale. Le remède tout indiqué pour assurer la continuité des soins et permettre aux patients de consulter, sans sortir de chez eux, sans s’exposer ou exposer les autres. La peur étant grande et légitime de se rendre dans un lieu de soin, qu’il s’agisse d’un hôpital ou d’un cabinet en ville. La téléconsultation a été perçue comme une alternative incontournable. Elle est aussi et surtout, a été la première étape d’une orientation vers le dépistage et/ou l’hospitalisation. Résultat : les plateformes privées de téléconsultation ont communiqué des croissances exponentielles. Si bien qu’après avoir mis à disposition gratuitement leur service pendant la durée de l’épidémie de coronavirus, elles voient aujourd’hui une accélération notoire des demandes de souscription par les médecins.

Une liste, non exhaustive, en ligne de plus de 100 solutions de téléconsultation et télésuivi

Mais l’initiative privée et l’efficacité technologique ne suffisent, à elles seules, à assurer le déploiement à grande échelle de la e-santé. Ces dernières doivent être soutenues par les décideurs publics. Ce fut le cas en mars dernier avec la levée, par le ministère des Solidarités et de la Santé, des contraintes de remboursement des téléconsultations. A noter aussi, l’autorisation de recourir à des applications grand public comme WhatsApp, FaceTime, Skype, Teams, Zoom ou Hangouts alors qu’auparavant, les professionnels de santé devaient passer préférentiellement par des solutions numériques sécurisées dédiées. Début mars, l’Agence du numérique en santé (ANS) mettait en ligne une liste, non exhaustive, de plus de 100 solutions de téléconsultation et télésuivi en précisant les fonctionnalités proposées ainsi que le niveau de sécurité garanti.
« Avec mes collègues du Department of Population Health, nous avons publié en juin dernier un éditorial examinant les réponses numériques internationales à la pandémie – dont l’étude Predi-COVID fait partie. Nous sommes même allés plus loin en adressant des recommandations et des lignes directrices pour de futures initiatives numériques. Car si le Covid-19 a accéléré les choses, pendant les premières semaines, il n’y a pas eu de concertation sur les symptômes à suivre et cela a entraîné une prise en charge hétérogène. Selon moi, les modalités d’implémentations de la e-santé ne sont pas encore matures pour un développement à grande échelle », prévient le Dr Guy Fagherazzi.
Qu’à cela ne tienne, en ce qui concerne les téléconsultations, preuve de l’accélération du recours au numérique en raison de la crise, nous sommes passés de moins de 10 000 actes par semaine début mars, à près de 500 000 la dernière semaine de mars puis 1 million de téléconsultations, la première d’avril 2020 ! Un chiffre que la Cnam n’espérait pas avant fin 2020 dans ses prévisions les plus ambitieuses.
Le développement aurait pu être encore plus spectaculaire si des freins techniques et organisationnels ne s’étaient pas posés : des cabinets médicaux trop peu équipés en matériel de téléconsultation, des défauts d’interopérabilité entre les outils de télémédecine et les systèmes d’information utilisés au quotidien par les professionnels de santé (comme l’indiquait plus haut le Dr Fagherazzi), la trop récente formation des médecins libéraux à la pratique de la téléconsultation, sans oublier la résistance au changement de certains médecins et patients. Autant de blocages sur lesquels il s’agit maintenant de se pencher pour assurer la pérennité de l’usage de la téléconsultation.

Le numérique pour soigner et anticiper

Mais l’explosion de la e-santé en quelques semaines ne se limite pas à la télémédecine. Des outils de recrutement ont ainsi été développés à l’image de #Renforts-Covid, une interface digitale lancée par les ARS et la start-up en santé MedGo qui permet à des étudiants, et des professionnels actifs ou retraités de venir en renfort auprès des établissements de santé et médicaux-sociaux. Quant à l’interface Covidom, elle permettait jusqu’alors le télésuivi pour l’AP-HP, et son usage a été transformé en une interface de télésuivi des patients suspectés ou atteints de Covid-19 et maintenus à domicile. Enfin, dernier exemple, le répertoire numérique opérationnel des ressources (ROR). Il assure une visibilité en temps réel des lits de réanimation dans les établissements de santé, publics et privés. « Le numérique joue un rôle clé dans l’information et donc sur l’anticipation de la maladie. C’est ce que l’on appelle l’épidémiologie numérique. Cela consiste à récolter, analyser et trier les gigantesques masses de données produites. Cette technique est rendue plus simple actuellement, grâce aux populations hyperconnectées », explique le spécialiste du Luxembourg Health Institute.
Le numérique en santé, ce fut aussi pendant la crise, de nouvelles technologies qui n’étaient pas destinées directement aux soins. L’immense élan de soutien national aux soignants s’est ainsi diffusé en grande partie via les outils numériques. Ainsi, la plateforme « HoptiSoins » de l’AP-HP a proposé des services d’urgences aux soignants (hébergement, transport, garde d’enfants, alimentation, livraison de courses, accès à des caisses prioritaires, services à domicile…).

La gratuité, et après ?

A y regarder de plus près, le boost du numérique a touché tous les maillons de la santé : le soin, avec le recours à la télé-imagerie , à la télé-expertise ; à la formation en ligne et l’explosion des MOOCs ; la recherche avec par exemple, le développement d’un jumeau numérique qui permettrait de tester différents traitements potentiels contre le Covid-19 chez un patient ; l’industrie, pour la production rapide et en grande quantité du petit matériel médical nécessaire à la prise en charge des patients atteints de Covid-19 (visières de protection, valves pour respirateur artificiel d’urgence, outils d’intubation, masques, etc.).
Il est une donnée à ne surtout pas négliger, quand on s’intéresse au succès des outils numériques dédiés à la santé ces dernières semaines : la gratuité pour les utilisateurs (patients comme professionnels de santé). D’où le défi à relever désormais : comment trouver la rentabilité économique nécessaire aux fabricants ? Cette question aura-t-elle raison du plébiscite actuel des utilisateurs ? L’optimisme est de mise tant ces outils numériques semblent avoir été adoptés par tous. Désormais, les Français vont regarder autrement la e-santé. Et cela vaut aussi bien pour les patients, les professionnels de santé, hospitaliers ou libéraux, les établissements de santé, publics ou privés, mais aussi les établissements médico-sociaux, les industriels, l’État et son bras armé les ARS, ou encore l’Assurance maladie et les collectivités. Tous ces acteurs de la santé vont devoir, malgré tout, accélérer leur transformation digitale pour être à la hauteur des nouveaux besoins et usages. C’est évident pour la télémédecine, mais c’est aussi le cas pour les systèmes d’information, les robots ou la santé mobile et son lot d’applications et d’objets connectés. L’exemple en la matière, vient d’Asie, et paradoxalement de la Chine (pays d’origine du coronavirus SARS-Cov-2) où l’intelligence artificielle est utilisée à tous les niveaux de la lutte contre l’épidémie – de la détection des foyers de contagion à la recherche de traitements, en passant par le dépistage et le diagnostic. Au point de faire basculer le pays dans la science-fiction avec des robots qui désinfectent, communiquent avec les personnes isolées, délivrent des médicaments ou encore des drones qui identifient les personnes se déplaçant sans porter de masque. « Cette créativité est intéressante. En effet, la soudaineté de la pandémie de Covid-19 nous a obligé à développer et à déployer rapidement de nouvelles solutions numériques et technologiques. Cette réactivité stimule l’inventivité et l’innovation, mais pose également de nouveaux défis organisationnels. Il faut garder pour objectif de faciliter la vie de ceux qui sont au premier plan des crises et de fournir des données permettant d’évaluer leur impact et leur intérêt à soutenir des décisions de santé publique fondées sur des preuves », conclut le Dr Guy Fagherazzi.

« Faire du numérique un réflexe »

Nouveaux services, nouvelles technologies, nouvelles organisations, nouveaux usages : la e-santé est apparue comme une réponse crédible et efficace en période de crise sanitaire. Au point de s’installer durablement dans le paysage sanitaire français ? Eléments de réponse avec Jean-Christophe Zerbini, directeur général du Groupement d’Intérêt Public e-santé Occitanie.

Innov’Asso : Avant de contextualiser et territorialiser l’usage des nouvelles technologies en période de pandémie de Covid-19, pouvez-vous rappeler brièvement l’objet et les missions du Groupement d’Intérêt Public e-santé Occitanie que vous dirigez ?

« Le numérique en santé est un levier majeur pour améliorer l’accès aux soins, la qualité et la pertinence des prises en charge, décloisonner l’organisation des soins et les exercices des professionnels, fluidifier les parcours à l’échelle régionale comme au niveau national. Avec les équipes du Groupement d’Intérêt Public e-santé Occitanie, nous travaillons à penser, promouvoir et mettre en œuvre l’e-santé en Occitanie, en cohérence avec la stratégie nationale, les priorités de santé régionales et les initiatives de terrain. Développer l’offre et les usages des services numériques de santé dans la région, cela revient concrètement à conduire sur le terrain les opérations de déploiement et d’accompagnement liées au projet régional de santé, à contribuer à l’urbanisation, l’interopérabilité et la sécurité des systèmes d’information de santé à l’échelle régionale, à accompagner la convergence des initiatives locales vers la cible régionale, mais aussi à mobiliser, animer et fédérer les acteurs régionaux ou tout simplement leur apporter des expertises en e-santé. En tant qu’opérateur préférentiel de l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour concrétiser la stratégie d’e-santé dans la région, nous devons participer à la parfaite adéquation entre l’offre industrielle et la demande. »

Innov’Asso : Comment en Occitanie et au sein de votre GRADeS (Groupement régionaux d’appui au développement de l’e-Santé), la crise du Covid-19 a-t-elle été accueillie sachant qu’elle venait perturber un fonctionnement établi ?

J.-Ch. Z. : « En Occitanie, nous avons dû accélérer significativement le développement de projets existants et adapter nos services et nos organisations pour répondre aux nouveaux besoins. La crise induisait une forte demande des professionnels et un temps de réponse très raccourci. La priorité était de déployer rapidement des outils sécurisés, robustes et adaptés aux pratiques. Malgré la contrainte, nous avons répondu efficacement. La prise de conscience de la nécessité de se réorganiser en interne a été immédiate, dès l’annonce du confinement. L’idée fut donc de créer une équipe ressource indépendante du management déjà en place pour disposer de deux organisations parallèles. Une qui a continué à développer les projets en cours et l’autre chargée d’accompagner les chantiers COVID avec pour objectif : accélérer la mise à disposition des outils. Nous avons également innové sur les méthodes de déploiement, d’accompagnement et de support. Ainsi, des agents volontaires ont constitué un centre de services internalisé dédié à un nouvel outil, une fiche d’orientation et de coordination des patients Covid-19. Cette équipe de support a créé les comptes, accompagné les utilisateurs et centralisé les demandes d’évolution. La cellule, a fonctionné 7 jours sur 7 durant les premières semaines du confinement et a reçu plus de 1600 demandes. Ce centre de services dédié au Covid-19 a apporté des réponses aux professionnels de santé en temps réel. Cela nous a obligé à travailler un peu différemment avec une logique très itérative nourrie de réunions quotidiennes pour constater ce qui avait été bien ou mal fait la veille. »

Innov’Asso : Quel bilan tirez-vous, a posteriori, de la réponse numérique apportée, même si la crise n’est pas totalement terminée ?

« Toute l’équipe doit tirer une grande satisfaction de cette expérience. Pour preuve, des outils déployés en quelques jours pour répondre aux demandes urgentes des professionnels de santé faisant face à la pandémie, comptent aujourd’hui plusieurs milliers d’utilisateurs. Les outils développés comprenaient trois objectifs principaux : soigner à distance, orienter et suivre les malades présentant des symptômes du Covid-19, et offrir des nouveaux flux d’échanges sécurisés. Un bilan des premiers mois de crise et de confinement, faisait état d’une forte augmentation des usages des services numériques de santé et de nouvelles formes de collaborations pluridisciplinaires et intersectorielles. C’est un indicateur qui doit nous inciter à poursuivre les efforts à l’échelle nationale. En interne, nous ne pouvons que nous féliciter des décisions prises avec la généralisation du télétravail et le recours à des outils collaboratifs performants qui ont permis le travail à distance dans d’excellentes conditions. »

Innov’Asso : Est-ce exagéré d’affirmer que la crise sanitaire du Covid-19 a constitué une « opportunité de développement » pour les projets e-santé ?

J.-Ch. Z. : « Je n’irai pas jusqu’à dire que le Covid-19 a été une opportunité. Ce qui est sûr, c’est que cette crise inédite a été un accélérateur du développement des services et l’instauration d’usages numériques. Cette accélération se vérifie pour l’ensemble du territoire : certains projets e-santé étaient déjà initiés avant le Covid-19 et ont été accélérés avec l’épidémie. D’autres étaient en gestation ou seulement pensés et ont été finalisés en quelques semaines à une vitesse folle, alors qu’en temps normal, cela aurait certainement pris des mois voire plusieurs années. A ce titre, sans vouloir être maladroit, cette période a été très excitante pour les équipes. Elles ont mis en place des outils qui avaient un usage direct et concret quelques jours plus tard sur le terrain auprès des professionnels de santé. Au final, ce fut une période de forte charge de travail mais avec des résultats terrain très intéressants. »

Innov’Asso : Pouvez-vous nous apporter des exemples significatifs d’outils déployés pendant la crise ?

J.-Ch. Z. : « Je pense particulièrement et légitimement à deux outils régionaux de téléconsultation : TéléO, dédié aux médecins des établissements et Médicam, porté par l’URPS (Unions Régionales des Professionnels de Santé) Médecins Libéraux d’Occitanie, qui totalisaient jusqu’à 2000 téléconsultations en une journée. Plus d’une trentaine d’établissements de la région, les trois CHU (Toulouse, Montpellier, Nîmes), des centres hospitaliers mais aussi quelques établissements médico-sociaux, ont déjà accès à la plateforme régionale de télémédecine TéléO. Afin de permettre l’utilisation de TéléO par d’autres établissements, l’équipe d’e-santé Occitanie a transformé ses pratiques pour assurer la formation à distance de 700 professionnels en trois semaines, à l’aide de webinaires et d’un espace de ressources en ligne. Mais, dans le sillage du développement des téléconsultations et de la prolongation du confinement, l’engagement de notre groupe s’est également porté vers les pharmacies qui avaient besoin de pouvoir utiliser la messagerie sécurisée de santé (MSS) pour les ordonnances dématérialisées. Nous avons ainsi développé les créations de compte pour les officines de ville. Il ne faut pas non plus oublier la fiche numérique partagée qui a permis à 3500 médecins et infirmiers libéraux d’orienter et de suivre des malades présentant des symptômes du Covid-19 Cet outil numérique a été conçu et développé en quelques jours pour aider à orienter les patients selon leurs symptômes cliniques et leurs facteurs de risque. Il s’agissait aussi de partager en temps réel des informations de suivi entre médecins, infirmiers et services d’infectiologie des hôpitaux. La fiche évolue très régulièrement en fonction des connaissances sur la maladie et des usages sur le terrain, dans la région. »

Innov’Asso : D’autres outils qui existaient déjà, ont quant à eux, été optimisés…

J.-Ch. Z. : « Des services existants ont, en effet, été enrichis de fonctionnalités pour mieux identifier les patients atteints du Covid-19 tout au long de leur parcours hospitalier. L’outil inter-régional ViaTrajectoire dispose désormais d’un indicateur spécifique lors d’une demande d’orientation en service de soins de suite et de réadaptation (SSR). Autre exemple, le SAMU 31 qui utilise un nouveau service régional, RECOP, pour identifier les patients présentant des symptômes du Covid-19 lorsqu’ils sont adressés aux services d’urgence du CHU de Toulouse. A noter aussi, quasiment tous les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) ont ouvert une boîte aux lettres MSS dédiée au Covid-19 afin d’échanger entre eux via un flux dédié et sécurisé. »

Innov’Asso : Ce plébiscite des outils numériques peut-il modifier durablement les usages au point de faire de l’e-santé un des piliers du système sanitaire de demain ?

J.-Ch. Z. : « Dans le contexte d’urgence, une synergie particulière s’est créée entre tous les acteurs, ville et hôpital, public ou privé, professionnels de santé, maîtrise d’ouvrage et éditeurs. Je reste persuadé qu’une partie de ce qui se met en place aujourd’hui se poursuivra demain. Bien entendu, encore une fois, le contexte était particulier avec un affaiblissement des cadres réglementaires et institutionnels. Cet affaiblissement est à mettre en relation avec l’attente forte des professionnels et la nécessaire rapidité d’exécution. Désormais, l’enjeu est une mise en adéquation de l’ensemble des solutions techniques avec un cadre réglementaire plus strict. La question de l’interopérabilité est également essentielle. Il faut penser une communication entre les outils des différentes structures pour que la richesse des informations collectées puisse être au bénéfice de tous. »

Innov’ Asso : A vous écouter, l’installation du numérique passe, certes par la qualité et la pertinence des outils développés, mais aussi et surtout par une évolution des pratiques ?

J.-Ch. Z. : « Je pense que tous les acteurs de la e-santé doivent nourrir l’objectif premier de faire la promotion des usages et accompagner les pratiques. Avec une ambition : que le numérique devienne un réflexe. Pour ce, il faut non seulement mettre des outils numériques à disposition des utilisateurs mais aussi proposer à ces derniers un accompagnement en interne. La mise à disposition d’outils, aussi performants soient-ils, n’est pas une fin en soi. Il faut s’assurer que l’e-santé devienne un réflexe, qu’elle s’inscrive comme une pratique quotidienne avec des outils interopérés. L’idée est donc plus que jamais de travailler sur les usages, et non seulement sur les outils. »

La téléconsultation devrait continuer de séduire…

Dans l’histoire de la télémédecine, et plus précisément de la téléconsultation, il y aura indéniablement un avant et un après Covid-19. Si on osait, on pourrait même affirmer que la pandémie de coronavirus a « permis » un bon en avant spectaculaire en matière de prise en soins à distance. Bien aidé, il est vrai par les mesures de confinement et de distanciation sociale induites par la pandémie. Bien aidé aussi par la volonté des décideurs publics de s’organiser différemment en adoptant de nouvelles pratiques, tant au niveau des patients que des praticiens. Preuve de cette volonté ambitieuse, les décisions politiques prises, en mars, au début de la crise, avec notamment l’assouplissement des règles des téléconsultations qui jusqu’ici devaient avoir lieu avec le médecin traitant ou avec un médecin que le patient avait pu consulter au cours des 12 derniers mois. Crise sanitaire oblige, depuis le 10 mars, les conditions ont radicalement changé : l’Assurance maladie prend désormais en charge toute téléconsultation avec un professionnel de santé, que ce dernier soit le médecin traitant ou non, avec un remboursement à 100% en cas de suspicion de coronavirus ! Trois semaines plus tard, le 4 avril, le cadre réglementaire s’élargissait encore : les patients en ALD (affection longue durée) ou âgés de plus de 70 ans, et dépourvus de moyens de connexions en vidéo, étaient désormais autorisés à (télé)consulter par téléphone.

Une dizaine de plateformes de téléconsultations disponibles en France

Ajoutez à cela une sensibilisation nationale plutôt efficace, et vous avez les ingrédients du succès de la téléconsultation en France, passée de pratique marginale à alternative incontestable. Certains ont d’ailleurs senti le vent tourner en investissant le marché de la consultation à distance. Certes, Doctolib, champion incontesté de la prise de rendez-vous en ligne, a vu son avance se conforter : environ 100 000 consultations en ligne ont lieu tous les jours sur ladite plateforme (contre 1 000 avant la crise du Covid-19). Mais d’autres entreprises ont également vu le jour. Si bien qu’il existe aujourd’hui une dizaine de plateformes de téléconsultation en France : Qare, Hellocare, Doctolib etc. Une chose est sûre : le développement exponentiel des téléconsultations n’aurait pu se faire sans l’engagement massif des médecins. En phase avec les recommandations des autorités de santé, un tiers d’entre eux ont adopté cette pratique !

Assurer la permanence des soins pendant la crise

Pour autant, alors que l’épidémie semble sous contrôle en France, même si la situation reste fragile, l’engouement pour les téléconsultations peut-il perdurer après le déconfinement ? Il y a fort à parier que la téléconsultation continuera à représenter un mode de prise en soins prisé par les patients et les professionnels de santé. Plusieurs raisons à cela. Plus qu’un effet de mode ou qu’une réponse temporaire à une situation de crise sanitaire, la téléconsultation a apporté de nombreuses solutions notamment en faveur d’une médecine plus accessible et d’une permanence des soins pour des populations souffrant de pathologies sévères et chroniques. Autant de problématiques auxquelles devait faire face le système de santé français, indépendamment de l’apparition du Covid-19. Il ne faut pas minimiser non plus l’aspect pratique de la téléconsultation qui permet aux patients d’échapper aux déplacements et aux salles d’attente. Même son de cloche du côté des médecins qui, outre la possibilité d’apporter une réponse à la demande de leurs patients, voient l’occasion de rémunérer une activité qu’ils pratiquaient jusqu’alors gratuitement. Bien entendu, toutes les questions n’ont pas trouvé de réponses, notamment celles concernant la qualité de la surveillance et la fiabilité des diagnostics à distance, ou encore la nécessaire adaptation des technologies pour la transmission fiable et sécurisée des données…

Des mots et des maux

Attention à ne pas confondre téléconsultation avec téléconseil. Si ces deux « prestations » sont souvent proposées par une seule et même plateforme, ils recouvrent deux réalités très différentes. Outre le fait qu’ils doivent être accueillis avec réserves et être confirmés par une (télé)consultation, les (télé)conseils ne valent ni diagnostic ni prescription médicale. Ne constituant pas un temps de prise en soins soumis à des honoraires médicaux, la modalité de téléconseil n’est donc pas remboursée. Certaines mutuelles peuvent toutefois la prendre en charge.

Le chiffre

¼ des consultations médicales sont désormais réalisées à distance. Cette proportion était inférieure à 1% avant le début de la crise. En mars, le cap des 600 000 téléconsultations était franchi, et celui du million en avril. Ces chiffres sont à mettre en regard avec la moyenne des 40 000 téléconsultations enregistrée jusqu’en février, soit un volume de consultations multiplié par 15 en mars et par 25 en avril !
Source : Assurance maladie

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