Les associations au cœur de l’innovation en santé

Le sujet des aidants enfin pris à bras le corps par les pouvoirs publics

Selon l’association Avec nos Proches, 11 millions de personnes en France, soit une personne sur cinq, s’occupent d’un proche fragilisé par la maladie, le handicap et/ou le grand âge. Après plusieurs décennies d’attentisme, ils sont désormais soutenus par les pouvoirs publics, qui, grâce aux associations, ont pris la mesure de l’enjeu.

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La prise de conscience du rôle des aidants a été tardive, mais depuis quelques années, grâce au travail d’associations très engagées, leur importance commence à être reconnue. Leur détresse aussi. Car ces personnes, souvent très seules, souffrent généralement d’épuisement. Pas simple en effet de s’occuper d’une personne fragilisée, a fortiori quand on doit assurer d’autres fonctions dans sa vie familiale ou professionnelle.

Depuis 2020, le gouvernement a mis en place des actions de mobilisation et de soutien, à commencer par le plan “Agir pour les aidants 2020-2022”. Il s’agit de répondre aux besoins quotidiens des proches aidants, en tâchant de rompre l’isolement. Mais aussi de leur permettre d’accéder à des droits sociaux et de renforcer leur suivi médical. Tout est fait également pour leur offrir du répit et faciliter leurs démarches administratives. En jeu : une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle.

Les entreprises doivent elles aussi être solidaires

En lien avec la  Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), un numéro unique a été déployé, le 0 800 360 360. Par ailleurs des fiches proposent une information claire et précise à l’attention des aidants, afin de leur permettre de « souffler », de s’occuper d’eux et de faire face à leurs obligations sociales et professionnelles.

Si les pouvoirs publics se sont mis en ordre de marche, c’est souvent du côté de certaines entreprises que le bât blesse. France Stratégie s’est donc vue confier une mission pour les encourager à mieux soutenir leurs salariés aidants à travers des actions de formation, de sensibilisation et d’adaptation du temps de travail au titre de la responsabilité sociale d’entreprise. Et pour valoriser celles qui sont le plus engagées auprès des salariés aidants, un label baptisé Cap’Handéo a été mis en place.

Evolution du congé de proche aidant

Depuis quelques années, il existait déjà un congé proche-aidant. Ce dernier a évolué avec une ouverture à tous les agents publics, fonctionnaires ou contractuels, mais aussi la suppression de la condition d’ancienneté pour pouvoir le mobiliser. Un congé c’est bien, mais des revenus aussi ! Depuis le 1er octobre 2020, ce congé proche-aidant est indemnisé pour assurer un soutien financier aux aidants salariés du secteur privé, aux fonctionnaires, aux travailleurs indépendants et aux demandeurs d’emplois inscrits. Le montant de cette allocation journalière de proche aidant (AJPA) est fixé à 43,87 euros par jour pour les personnes vivant en couple et à 52,13 euros pour une personne seule. Il devrait être revalorisé au niveau du Smic, selon les prévisions du budget de la Sécurité sociale.

Une libération de la parole

Enfin, parce qu’il est important à la fois de libérer la parole mais aussi de favoriser l’échange d’expériences et de bonnes pratiques, les témoignages d’aidants familiaux sont relayés à l’occasion de la soirée Paroles d’Aidants organisée au Ministère des Solidarités et de la Santé dans le cadre d’événements dédiés. Pour s’assurer du bon suivi de la stratégie « Agir pour les aidants », un comité de pilotage, composé notamment d’associations représentant les aidants, se réunit régulièrement.

A noter qu’en parallèle de ces initiatives nationales, certains projets spécifiques voient le jour à l’échelon local, comme celui mené récemment dans le Gers, avec une politique territoriale de repérage et de prise en compte des besoins. Dans ce département, un groupe d’aidants familiaux est constitué depuis 2016. Ils ne sont pas étrangers à la mise en place d’une « pause-café des aidants »,  initiée par le Conseil départemental du Gers et la MSA Midi-Pyrénées Sud. Dans ce cadre, rencontres et réflexions ont vu le jour au sujet des situations des proches aidants. Ce groupe a par ailleurs expérimenté d’autres modes d’expression que les groupes de parole. Ecriture et expression dramatique ont ainsi donné lieu à un documentaire, «  La vie des aidants  » et à une pièce de théâtre, «  La salade de bain  ». Un bel exemple qui montre que pour trouver des solutions,  il faut déjà parler du problème !

Depuis 10 ans au service des aidants

Depuis 10 ans, Claudie Kulak sensibilise au rôle clé que jouent les aidants et à la façon de les accompagner au mieux. Parce que nous sommes de plus en plus nombreux à être susceptibles d’incarner cette fonction un jour, il est important que l’ensemble de la société soit prête. A commencer par les entreprises. Explications.

Claudie Kulak a eu l’idée de venir en aide aux aidants car elle-même accompagnait la tante de son mari, handicapée depuis des années. Parce que ce qu’elle vivait n’était plus possible, elle est alors allée consulter un prestataire de service qui lui a proposé de participer à un focus groupe. C’est là qu’elle a pris conscience que d’autres personnes partageaient le même vécu. « J’ai alors commencé à réfléchir et à écrire un projet que j’ai présenté dans le cadre du premier forum de l'ESS des Hauts-de-Seine », raconte-t-elle. En novembre 2011, elle est lauréate. Ainsi encouragée, en 2012, elle trouve d’autres financeurs pour lancer un réseau social d'entraides et d’échanges. C’est ainsi que naît la Compagnie des aidants. « L'idée, c’était d’aider ces femmes - force est de constater que ce sont essentiellement elles les aidantes - à s'apporter les informations dont elles pouvaient avoir besoin dans l'accompagnement de leurs proches, comme par exemple transférer une personne du fauteuil au lit », précise Claudie Kulak.

Le bus des aidants

En juin 2018, Claudie Kulak inaugure un concept original. A bord d’une caravane, sur la place de la Défense, elle apporte des conseils aux visiteurs, accompagnée par une assistante sociale. « Nous avions choisi ce lieu stratégique car c’est là que sont installées de nombreuses entreprises. L’occasion d’envoyer un signal fort, dans un département qui est un partenaire historique », souligne-t-elle. Par la suite, un de ses contacts à l'AP-HP lui a demandé de dupliquer ce concept à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Le projet prend de l’ampleur et va continuer de se perfectionner : « en 2019, je vais trouver des financements pour 10 étapes. En 2020, pour 17 étapes. En 2021 pour 20 étapes et cette année nous allons en faire 25. C'est vraiment une aventure humaine incroyable ». Son message  est clair, l’aidant ne doit pas rester seul.  Il peut se rendre au CCAS du territoire ou de la ville proche, prendre le maximum d'informations, identifier les entreprises susceptibles d’apporter aide et soutien, se rapprocher de sa mutuelle, de sa caisse de retraite… Or les aidants sont trop souvent désemparés.  D’où l’idée de fédérer des expertises différentes pour répondre à leurs questions. Depuis cette année, l'Agirc Arrco est partenaire officiel avec des agents présents pour répondre aux sujets liés à la retraite.

Un important travail de sensibilisation

« Nous menons de plus en plus d’actions auprès des entreprises pour sensibiliser les RH, les managers, les salariés. Il y a un vrai travail de fond à envisager pour les acculturer sur l’équilibre des temps de vie, parce que nous serons tous amenés à devoir nous occuper à un moment donné d'un proche et à travailler », relève-t-elle.  Pour accompagner ce mouvement sociétal, elle a monté avec d’autres associations, un collectif baptisé: « Je t'aide », qui réunit 28 structures d'aides pour que la situation des aidants s'améliore en France, avec une meilleure prise en charge de la personne fragilisée, qu'elle soit âgée ou en situation de handicap. « Nous sommes à l'origine du plan Agir pour les aidants. C’est sous le gouvernement du président Macron que les choses ont bougé avec le congé de proche aidant et le financement du répit. Mais aussi l'accompagnement de Ma Boussole Aidants, un site d'information de référence », analyse-t-elle. Elle sait que ce n'est qu'un début, et que le combat n’est pas fini : « S’il y a un sujet d’aidants c’est qu'il n'y a pas assez d'accompagnement de la personne aidée. Les familles sont obligées de compenser ». L'année dernière, Claudie Kulak a été nommée au CESE (Conseil Economique Social et Environnemental, mais aussi à la CNSA (la Caisse Nationale de Solidarité en Autonomie). Elle travaille actuellement dans la commission travail, à un avis sur les métiers de la cohésion sociale et observe que des métiers sont en tension à cause de conditions de travail très dures, avec beaucoup d'astreintes, et peu rémunérés : « Beaucoup de familles ont des enfants en situation de handicap et ont besoin d'être accompagnées avec des professionnels formés. Dans quelle société voulons-nous vivre aujourd'hui ? C’est une question de fonds. Voulons-nous une société de la performance et de la compétitivité qui écrase l'autre, ou une société qui protège chacun d'entre nous, à commencer par les plus fragilisés ? » Ce type de situation peut arriver à n’importe qui. Elle cite l’exemple de femmes ultra diplômées, contraintes d’arrêter de travailler car en charge d’un enfant autiste.

Quelles perspectives pour demain ?

Elle a bon espoir que les choses continuent d'évoluer favorablement car beaucoup d'entreprises sont confrontées à ces difficultés : « Quand vous avez des salariés régulièrement absents, alors qu’ils ne l’étaient pas et qui rentrent de leurs congés crevés, avec la tête ailleurs, cela a une incidence sur la cohésion d'équipe ». Elle rappelle que la moyenne d'âge des aidants en entreprise est de 39 ans (chiffre baromètre OCIRP): « autant dire que les aidants ne sont pas uniquement des prés retraités avec des parents âgés. Ce sont aussi des salariés qui ont dans la fratrie un frère ou une sœur en situation de handicap et quand le parent décède, la charge retombe sur leurs épaules. L'entreprise doit vraiment prendre en compte que ses salariés sont là pour faire leur boulot mais ils ne sont pas que des numéros. Ce sont aussi des êtres humains qui ont a gérer des problématiques ».

L’aidant, un partenaire essentiel du parcours de soin

Sans compter qu’ils sont des partenaires clé pour les professionnels de santé :  « Ce sont eux qui accompagnent leurs proches aux rendez-vous médicaux et qui vont s’assurer de la bonne observance des médicaments. Ce sont eux qui sont à même de dire si le patient ne mange plus, dort mal, est irascible… ». En fonction de leurs retours, le traitement peut même d’ailleurs évoluer. « La crise Covid a montré à quel point le système de santé a pu tenir debout grâce à la solidarité familiale et à ces aidants qui ont accueilli leurs proches chez eux tout en télétravaillant et en surveillant les devoirs des enfants…. Certaines familles qui devaient récupérer un proche hospitalisé ou un enfant en IME, ne savaient pas forcément exécuter les gestes techniques. Les modules de formation que nous avons développés leur ont été d’ailleurs très utiles.

Les aidants doivent prendre soin d’eux

L’aidant doit impérativement être déculpabilisé et mérite qu'on s'intéresse à lui dans sa propre santé parce malheureusement il se met de côté. Sa santé est d’ailleurs souvent impactée : « L'an dernier, sur la tournée, de nombreux gériatres ont alerté sur le fait que de plus en plus d’aidants décèdent avant le proche, ou arrivent dans un état d'épuisement très avancé ». Il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme !

Le vécu des aidants : ce sont eux qui en parlent le mieux

Pas facile d’être malade. Pas facile d’aider un patient. Et pas facile non plus de réaliser ce que vivent les aidants. Parce que ce sont eux qui en parlent le mieux, une série baptisée  « L’annonce autrement » mettent en scène ces situations du quotidien. Avec pour chaque épisode le décryptage d’une onco-psychologue.  Un dispositif de sensibilisation porté par Roche.

En effet, si le suivi de la maladie au long cours est compliqué, le moment de l’annonce en constitue la genèse. Et vient bousculer des équilibres. Basculer du statut de « personne bien portante » à celui de « patient » n’est pas chose aisée, surtout quand il s’agit d’une pathologie lourde. Les patients peuvent vite se laisser envahir par la détresse, conscients que leur vie va subitement changer. Mais c’est le cas aussi pour ceux qui les entourent et dont les états d’âme sont parfois moins entendus. Ils assistent parfois à ces consultations d’annonce. Eux aussi vont voir leur vie perturbée car ils vont devoir accompagner un mari, une femme, un fils, une fille, une mère, un père, un oncle, une tante…. Leur vie sociale et professionnelle va s’en trouver durablement impactée. Leur bien être aussi. Au moment de cet instant fondateur qu’est l’annonce, ils peuvent être dépassés, envahis par l’émotion. Mais il faut tenir la face. Assurer. Alors qu’ils sont devenus vulnérables, si tant est qu’ils ne l’étaient pas déjà. Pour donner à voir ce qu’ils vivent, Roche a co-construit avec des hématologues, des infirmières, des psychologues, des mini films  interprétés par des comédiens. Par la médiation de la fiction, il s’agit  de souligner l’importance du tournant que constitue l’annonce et d’évoquer comment il convient donc de le « soigner » tout particulièrement !

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M-FR-00006892 V1.0 - Etabli en Juin 2022

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