Les associations au cœur de l’innovation en santé

Les dispositifs médicaux sous évaluations (1/2)

Avant d’être rendus accessibles aux patients, avec un remboursement, les dispositifs médicaux sont évalués par la Commission Nationale d’Évaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé (CNEDiMTS). Une étape importante même si l’avis de la CNEDiMTS n’est que consultatif.

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Obtenir une prise en charge du coût de leur dispositif médical par l’Assurance maladie : c’est l’objectif des fabricants qui déposent des demandes d’évaluation auprès de la Commission Nationale d’Évaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé (CNEDiMTS).

Nous ne sommes pas en charge de tous les dispositifs médicaux : nous ne voyons que ceux qui sont candidats à une prise en charge par la collectivité, après l’obtention d’un marquage CE.

Isabelle Adenot, membre du collège de la Haute Autorité de Santé (HAS) et présidente de la CNEDiMTS

Entre le mois de juin et le mois de décembre 2017, 120 dossiers ont été déposés auprès de ladite commission. Et 85 avis ont été rendus. Dans 67% des cas, les demandes ont été traitées en moins de 90 jours. Une réactivité remarquable tant pour les industriels dans l’attente de voir leur dispositif « intégrer la voie de l’homologation » que pour les patients qui pourront in fine bénéficier de dispositifs toujours plus adaptés et efficaces… Depuis juillet 2010, la CNEDiMTS participe aussi à l’évaluation des actes professionnels. Dans une logique d’accompagnement des professionnels de santé en vue d’améliorer leurs pratiques, la commission élabore des documents d’information à destination de ces derniers.

Du plus simple au plus sophistiqué

Les recommandations et avis de la CNEDiMTS ont une double portée :

  • médical puisqu’il s’agit d’améliorer la qualité des pratiques professionnelles et des soins apportés aux patients
  • économique car l’avis de la CNEDiMTS sur un dispositif médical va fortement conditionner son remboursement par l’Assurance maladie, et donc son financement par la solidarité nationale, « même si à la CNEDiMTS, nous ne donnons que des avis aux décideurs », tempère la présidente de la commission.

Les produits et actes évalués par la CNEDiMTS couvrent un champ très large, allant du plus simple au plus sophistiqué.

Le monde des dispositifs médicaux est en effet très varié. Certains dispositifs médicaux mesurent un millimètre, quand d’autres pèsent une tonne. Les membres* de la CNEDiMTS savent percevoir l’intérêt des dispositifs médicaux efficaces, innovants et qui répondent à des besoins de santé publique.

souligne la présidente de la CNEDiMTS.

*21 membres titulaires choisis en raison de leur com­pétence scientifique et professionnelle dans différents domaines et spécialités médicales, dont le président nommé parmi les membres du Collège de la HAS et deux vice-présidents. La durée du mandat des 19 membres est de trois ans, renouvelable deux fois.

38% de dossiers supplémentaires à traiter en 2017

Le Pr Franck Semah est Chef du Pôle Imagerie et Explorations Fonctionnelles au CHU de Lille. Il est aussi un des 21 membres titulaires de la Commission Nationale d’Évaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé (CNEDiMTS).

Innov'Asso : Pouvez-vous replacer le rôle de la CNEDiMTS dans le processus d’accès au marché des dispositifs médicaux ?

Franck Semah : Les directives européennes 93/42 et 90/385 et le règlement 2017/745 harmonisent la mise sur le marché européen d’un dispositif médical, via le marquage CE. En revanche, chaque Etat membre dispose ensuite d’une indépendance pour la prise en charge ou non par la solidarité nationale. La CNEDiMTS est la commission de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui évalue notamment les dispositifs médicaux et autres produits de santé en vue de leur remboursement par l’Assurance maladie en France. Sa mission d’évaluation scientifique intervient donc une fois le marquage CE obtenu. La commission donne un avis consultatif aux décideurs, recommandant ou non la prise en charge du dispositif médical évalué. Le cas échéant, elle se prononce sur les conditions permettant d’optimiser l’utilisation de la technologie en matière de compétence de l’utilisateur et d’environnement nécessaire.

Avec le développement des nouvelles technologies liées à la santé et au bien-être, la CNEDiMTS fait-elle face une « déferlante » de demandes d’évaluation ?

F.S : La CNEDiMTS n’évalue que les dispositifs médicaux ayant obtenu le marquage CE et dont les fabricants souhaitent une prise en charge par l’Assurance maladie (remboursement). Toutes les technologies liées à la santé et au bien-être ne remplissent pas ces conditions et ne sont donc pas considérées par la CNEDIMTS. En pratique, on ne peut pas dire que la commission soit face à une « déferlante » de demandes d’évaluation, même si en 2017 le nombre de dossiers traités a augmenté de 38%. Ce phénomène témoigne du dynamisme et de l’innovation du secteur. 

La priorité est donnée aux patients.

Franck Semah

Les dispositifs médicaux sont très hétérogènes et très différents : quels sont les principaux critères d’évaluation appliqués par la CNEDiMTS ?

F.S : Les critères d’évaluation de la CNEDiMTS sont réglementaires. L’avis de la Commission porte sur l’appréciation du Service Attendu (SA) et, si ce dernier est suffisant, sur l’appréciation de l’Amélioration du Service Attendu (ASA). L’évaluation du SA se fait en fonction de l’intérêt du produit au regard de sa place dans la stratégie thérapeutique, de son effet thérapeutique, ainsi que de ses effets indésirables ou des risques liés à son utilisation, de son intérêt de santé publique attendu, de son impact sur la santé de la population, de son impact sur le système de soins, de son impact sur les politiques et programmes de santé publique. Malgré l’hétérogénéité des dispositifs médicaux, les modalités d’évaluation sont uniformes. D’ailleurs, les principes d’évaluation de la Commission sont accessibles au grand public sur le site internet de la HAS.

L’intégration des associations de patients au dispositif d’évaluation va-t-elle dans le sens d’un renforcement du principe de démocratie sanitaire ?

F.S : Les patients disposent d’un savoir spécifique sur leur maladie. L’expérience sur le vécu de la maladie, les traitements, les parcours de soins, les besoins, enrichissent l’évaluation des produits de santé. En conséquence, la CNEDiMTS prend en compte le point de vue des patients dans ses évaluations d’accès ou de maintien au remboursement des dispositifs médicaux. D’une part, deux membres de la Commission sont choisis parmi les adhérents d’une association de malades et d’usagers du système de santé. D’autre part, depuis 2016, parallèlement aux auditions des associations de patients, un processus de contribution spontanée des patients a été instauré. Ces différents modes de participation des patients aux travaux de la CNEDiMTS permettent à cette dernière de disposer d’un regard plus large sur l’impact de la maladie ou de l’état de santé des patients concernés, leur vécu, leur qualité de vie (ou celle de leur entourage) ; l’expérience des patients traités avec des thérapeutiques autres que celles évaluées ; l’expérience des patients avec le produit évalué.

Qu’en pensent les patients ?

Désireuse d’intégrer le point de vue des (associations de) patients à son processus d’évaluation des dispositifs médicaux, la Haute Autorité de Santé (HAS) a mis en place une procédure de contribution en ligne. Explications.

Demander aux patients de donner leur avis sur un dispositif médical, l’idée paraît logique : premiers concernés, premiers sondés… Et pourtant, jusqu’en novembre 2016, les patients n’avaient pas les moyens de participer au processus d’évaluation. La donne a donc changé il y a moins de deux ans avec la reconnaissance et la valorisation du savoir des patients. En effet, la HAS a considéré que l’expérience du vécu de la maladie, des traitements existants, des parcours de soins et des besoins des patients pourrait enrichir et affiner l’évaluation des dispositifs médicaux.

Résultat : désormais, toutes les associations de patients, reconnues d’utilité publique ou non, sont invitées à contribuer à l’évaluation de médicaments et de dispositifs médicaux. A noter qu’une association ne peut soumettre qu’une seule contribution pour une évaluation donnée et que les contributions transmises à titre individuel (patients, aidants…) ne sont pas recevables. Autre précision d’importance : seuls les médicaments et les dispositifs médicaux pour lesquels une évaluation est planifiée (en vue d’une inscription initiale au remboursement ou d’un renouvellement) peuvent faire l’objet d’un avis des associations de patients. La HAS va même plus loin dans la caractérisation des dispositifs médicaux sur lesquels les associations de patients peuvent donner leur avis en précisant qu’il s’agit « de produits qui présentent un caractère innovant ou qui peuvent avoir un impact sur les dépenses de santé publique. »

Un guide pratique disponible sur le site de la HAS

Comment les associations de patients participent-elles ? Grâce à un questionnaire dédié à travers lequel la HAS se propose de recueillir des faits, des informations et des résumés d’expériences provenant des patients ou des aidants ! Un guide de présentation de la procédure est disponible sur le site de la HAS. En pratique, un tableau de suivi des évaluations est consultable en ligne. Les associations disposent de trente jours (quarante-cinq jours pour un médicament) à compter de la mise en ligne du questionnaire pour transmettre leur contribution. Cette organisation doit permettre aux membres de la commission d’évaluation de recevoir la contribution quelques jours avant la séance.

Une première évaluation de l’expérimentation

Au cours du premier semestre 2017, les associations de patients ont été invitées à donner leurs points de vue et partager leurs expériences sur vingt-deux médicaments et un dispositif médical. Vingt-quatre contributions, produites par dix-huit associations différentes, ont été reçues. Les contributions des associations ont apporté des observations concernant l’influence sur le mode de vie, les attentes vis-à-vis des traitements, les conditions de délivrance ou d’administration des médicaments, les critères d’évaluation valorisés par les patients, notamment dans une maladie musculaire évolutive…

Considérant l’importance des contributions reçues, la HAS a choisi de pérenniser la procédure. Pour favoriser le travail des associations et donner la possibilité à un plus grand nombre d’entre elles de participer, la HAS prévoit d’allonger le délai accordé pour soumettre une contribution. Les modalités de prise en compte des contributions par les experts des commissions seront aussi renforcées. Déjà, des représentants associatifs ont rejoint les commissions d’évaluation. D’autre part, les contributions des associations seront régulièrement publiées sur le site de la HAS.

Pour en savoir plus, téléchargez le rapport complet de l’expérimentation.

M-FR-00004422

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