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L’Hôpital veut faire parler les Data !

Essentielles dans la construction de la médecine de demain et dans l’optimisation du système de soins, la collecte et l’exploitation des données de santé nécessitent la mise en place, au préalable, d’un cadre strict, aussi bien juridique, réglementaire, éthique que déontologique. Une chose est sûre : la richesse et l’hétérogénéité des Data imposent une collaboration complémentaire entre les producteurs et utilisateurs, à commencer par les établissements publics de santé, les décideurs stratégiques, les industriels mais aussi les patients.

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C’est un chiffre démentiel qui donne le tournis, même aux biostatisticiens les plus chevronnés. L’information émane d’une récente étude réalisée par l’agence Global Investor (Crédit Suisse) : chaque jour, 2,5 trillions d’octets de données sont générées à travers le monde. Et 90 % des données mondiales ont été créées durant les deux dernières années.

La vitesse de changement que l’on constate aujourd’hui, est paradoxalement la plus lente que nous allons voir pour le reste de notre vie. Au-delà de la collecte démentielle de Data, c’est le changement technologique dans sa globalité qui va de plus en plus vite. On parle de savoir exponentiel.

annonce Philippe Boulanger, conférencier et consultant en innovation.

Mais qu’en est-il des données concernant la santé ? Le constat est similaire ! Pour preuve, le volume total des données d’e-santé dans le monde double tous les 73 jours. Comme l’explique le Pr Marc Cuggia, PU-PH en informatique médicale au sein du CHRU de Rennes :

la question qui se pose pour les établissements autour des Data est celle de la réutilisation des données personnelles collectées pour améliorer la prise en charge des patients. Cette richesse des données et leur exploitation sont à la base du développement de plusieurs champs d’application, consommateurs de données : la médecine dite 4P* (prédictive, préventive, personnalisée, participative); les vigilances comme par exemple la veille sanitaire et la détection d’événements indésirables ; la recherche épidémiologique et clinique ; l’organisation stratégique de l’offre de soins et l’optimisation du système de santé. Sans oublier l’enseignement et la formation.

Pr Marc Cuggia

L’Hôpital, premier producteur de données de santé

A Paris, les hôpitaux auraient aujourd’hui 10 ans de données stockées à gérer !

L’informatisation des données des patients et le développement de technologies en santé sont à l'origine de cette production massive de données. Ces gisements de données représentent aujourd'hui une mine d'informations précieuses sur les pathologies des patients, les traitements qu’ils ont reçus, leurs réactions à ces traitements… Malgré cela, en France, nous sommes en retard par rapport aux États-Unis et les usages réels des big data sont encore balbutiants

explique Valérie Machuron, external data acquisition manager chez Roche.

Ce qui est certain, c’est que plus on aura de Data diversifiées et émanant de sources différentes, et plus les conclusions et les réponses que l’on apportera aux problématiques de santé seront précises, efficaces et adaptées,

poursuit le Pr Marc Cuggia.

Premiers producteurs de données de santé (résultats patients, données des essais cliniques, informations génétiques, biocliniques, pathologiques, prescriptions numériques, résultats d’analyses biologiques), les hôpitaux sont au cœur du défi que représentent la collecte, le stockage et l’analyse de toutes ces informations. L’exploitation du big data à l’Hôpital concerne aussi bien la modernisation des outils techniques (logiciels permettant de transformer une donnée brute en connaissance directement exploitable, développement de nouveaux appareils de mesure etc.) que l’optimisation de l’organisation du système de soins (comme par exemple l’anticipation des passages aux urgences grâce aux modèles prédictifs).

Or, qui dit exploitation des données, dit intégration des différentes sources de ces données.

La vraie richesse des Data est là. Il n’existe pas une seule source de données. A côté de l’hôpital, il y a l’Assurance-maladie, les structures de soins privées, les patients avec leurs capteurs personnels... Il faut bien comprendre le caractère multidimensionnel et multi-échelle des Data qui vont caractériser toutes les facettes du patient (sociale, génomique, physiologique, psychologique…) et permettre de caractériser des sous-populations de patients et donc des sous catégories de maladies. Ainsi, à la partir de l’exploitation des big data, nous voyons ainsi émerger la découverte de marqueurs spécifiques diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques qui permettront une meilleurs prise en charge ciblée et personnalisée de nos patients,

précise le Pr Marc Cuggia.

Mieux partager l’information pour mieux l’exploiter

Si la collecte, le stockage et l’analyse des Data sont des questions à anticiper pour exploiter au mieux celles-ci, un autre paramètre doit absolument être pris en compte : le partage de l’information. Le CHRU de Rennes fait office de précurseur en la matière. Au sein de l’établissement breton, différents acteurs travaillent au développement de technologies et de méthodes pour créer de meilleures conditions d’exploitation des données et donc de leur partage. Le CHRU rennais est au cœur d’un écosystème technique et organisationnel – le réseau des centres des données cliniques – permettant à plusieurs hôpitaux de la région d’exploiter les données massives. Une démarche qui tend à devenir nationale.

Il revient aux établissements de structurer l’exploitation des données qu’ils produisent. Mais cette structuration ne peut se faire de manière isolée car c’est bel et bien tout un ensemble d’établissements qui produit des données caractérisant une population de patients, avec la spécificité qu’il s’agit de données très sensibles,

prévient le Pr Marc Cuggia.

Des propos confirmés par Valérie Machuron :

Pour l’heure, il existe peu d’échanges entre les hôpitaux. L’uniformisation est compliquée et il n’est pas évident de mettre en place une base qui serait directement exploitable par l’établissement voisin. L’usage le plus courant des Data reste pour le recrutement de patients en prévision d’essais cliniques. Avant de penser à échanger des données, il importe donc que les établissements répondent à la question de l’homogénéisation des informations et des systèmes d’exploitation.

Valérie Machuron

Faire émerger de nouveaux profils hospitaliers

D’autres initiatives ont mis en évidence l’enjeu du partage de l’information. C’est le cas de la plateforme Google 3.0 du cancer produite par l’Institut Curie. Regroupant toutes les informations de patients, cette plateforme permet de trouver, via un moteur de recherche, des cas similaires de cancer, ainsi que le traitement donné. En interne, cela fonctionne très bien. La donne s’avère plus compliquée à partir du moment où les données doivent circuler entre différents hôpitaux, instituts et cliniques…

Mais avant de réutiliser ces immenses volumes de données brutes et hétérogènes, encore faut-il construire les conditions d’exploitation, c’est-à-dire créer une bulle de confiance qui interdira la divulgation de données personnelles.

Il faut un cadre juridique, éthique et déontologique fort pour rassurer le patient. Il faut aussi, pour tirer profit de la richesse de ces données, développer de nouveaux profils hospitaliers centrés sur les Data (le terme anglo-saxon est « data scientist ») ; Il s’agit de profils qui possèdent des compétences en informatique et mathématique, en biostatistique et datamining, mais surtout qui ont de solides connaissances en santé. C’est donc un domaine éminemment pluridisciplinaire. Les offres de formations sont encore rares. A Rennes nous ouvrons une filière dédiée : le master SDS sciences des données en santé offrira une formation complète de haut niveau.

conclut le Pr marc Cuggia.

Ils lisent l’avenir dans les Data…

La médecine prédictive apparaît comme l’un des champs d’application de la collecte et exploitation des données de santé. Exemples avec le CHU de Nantes et les hôpitaux parisiens de l’AP-HP.

Ulysse : c’est ainsi que le CHU de Nantes a baptisé un algorithme permettant d’alerter le service compétent lors de l’entrée d’un patient dans l’établissement. Preuve que depuis 2013, la question de la prédiction est au cœur de l’organisation des soins au sein de l’établissement nantais. Cet espace entièrement numérique permet au corps médical du CHU d’informatiser les dossiers patients ainsi que des informations relatives au fonctionnement des services de l’établissement. Résultat : grâce à Ulysse, il est désormais simple d’alerter un service de la présence d’un patient.

D’autres établissements de santé entendent coupler les Data collectées avec des algorithmes conçus pour détecter des similarités entre les dossiers. Un troisième groupe a choisi d’utiliser les données différemment. On y retrouve quatre hôpitaux de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui, depuis 2016, ont recours au big data pour prédire le nombre de visites par jour ainsi que les jours et les heures d’admission. Une manière d’adapter les effectifs aux pics de fréquentation de l’établissement.

Pour assurer l’efficacité de l’outil, les hôpitaux concernés s’appuient sur 10 ans de données (des sources internes et externes, les rapports d’admission, les conditions météos et la période de l’année). De quoi permettre de prédire l’affluence 15 jours à l’avance. Pour le moment, le logiciel est toujours en phase d’essai. Dans l’hypothèse où les résultats seraient concluants, le modèle sera étendu à la quarantaine d’hôpitaux parisiens.

A retenir :

Chaque jour, 2,5 trillions d’octets de données sont générées à travers le monde. La question pour les établissements de santé est celle de la réutilisation des données personnelles collectées pour améliorer la prise en charge des patients. La collecte et l’exploitation des données de santé nécessitent la mise en place, d’un cadre strict, aussi bien juridique, réglementaire, éthique que déontologique.

A Paris, les hôpitaux auraient aujourd’hui 10 ans de données stockées à gérer ! Résultats patients, données des essais cliniques… ils sont au cœur du défi que représentent la collecte, le stockage et l’analyse de toutes ces informations. Mais au delà d’un défi, l’exploitation des big data est aussi une opportunité pour permettre une meilleure prise en charge ciblée et personnalisée des patients.

La plateforme Google 3.0 du cancer produite par l’Institut Curie souligne la pertinence du partage de l’information. Le CHRU de Rennes fait office de précurseur en la matière car pour l’heure, il existe peu d’échanges entre les hôpitaux alors que c’est un enjeu majeur. Les établissements vont donc devoir se pencher sur le sujet de l’homogénéisation des informations et des systèmes d’exploitation.

La médecine prédictive apparait comme l’un des champs d’application de la collecte et exploitation des données de santé. Le CHU de Nantes et les hôpitaux parisiens de l’AP-HP ont mis en place des initiatives intéressantes en la matière. Il s’agit par exemple de prédire le nombre de visites par jour ainsi que les jours et les heures d’admission. Une manière d’adapter les effectifs aux pics de fréquentation de l’établissement. Sur ces sujets passionnants et essentiels, la réflexion est en ébullition pour identifier de nouvelles voies pour un système de santé encore plus performant !

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