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MAIA : une méthode pour améliorer le parcours de soin

Pensée à l’occasion du 3ème Plan Alzheimer, la MAIA – comprenez Méthode d’Action pour l’Intégration des services d’Aide et de soins dans le champ de l’autonomie – a littéralement révolutionné la prise en charge des personnes de plus de 60 ans en perte d’autonomie. Zoom sur un dispositif au cœur du parcours de soins et appelé à produire une réponse décloisonnée, harmonisée, complète et adaptée aux besoins de la personne âgée.

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Pour en savoir plus, découvrez notre infographie sur le parcours de santé : « innover pour faire face aux points de rupture »

« Une maison sans toit »

L’expression, reprise par bon nombre de médias, était, à l’époque volontairement provocatrice. Elle soulignait la spécificité de la Maison pour l’autonomie et l’intégration des personnes malades d’Alzheimer (MAIA) et de leur entourage. En effet, aucun lieu physique d’accueil n’était associé à ce dispositif initié dans le cadre de la mesure 4 du Plan Alzheimer 2008-2012.

L’intérêt était ailleurs, à savoir : la co-responsabilisation et la coordination de tous les acteurs du soin dans le parcours de santé de la personne touchée par la maladie d’Alzheimer. Du moins jusqu’en 2015… Parce que depuis, la donne a évolué. Le public visé est aujourd’hui significativement élargi. Rebaptisée « Méthode d’Action pour l’Intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’Autonomie », la MAIA s’adresse désormais à l’ensemble des personnes âgées de 60 ans et plus, en perte d’autonomie.

Faire de la prise en charge, une responsabilité collective

Une « maison sans toit » peut être, mais avec plusieurs portes d’entrée ! C’est tout le paradoxe de la MAIA qui fait de chaque acteur de la prise en charge sanitaire, médico-sociale ou sociale une possible porte d’entrée pour la personne âgée en perte d’autonomie. Résultat : la prise de contact se veut simplifiée pour les familles qui n’ont plus à solliciter chacun des professionnels du soin pour sa compétence respective.

Il faut se rappeler qu’antérieurement au dispositif MAIA, la prise de contact pouvait relever du parcours du combattant : la personne âgée et sa famille devaient souvent consulter plusieurs interlocuteurs et donc frapper à plusieurs portes avant de trouver une réponse adaptée. Le grand nombre de possibilités allongeait de fait la durée de recherche de la solution adéquate et génère une errance clinique délétère. Mais ça c’était avant…

Aujourd’hui, la MAIA fait de la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie, une responsabilité collective ! Elle constitue désormais un levier pouvant être activé par n’importe quel partenaire du dispositif. Encore faut-il que les acteurs du soin soient clairement informés des ressources disponibles sur le territoire afin d’orienter les familles vers le service adapté. C’est l’autre enjeu du dispositif MAIA.

La bonne réponse au bon endroit, au bon moment

Pour favoriser l’implication de chaque acteur de la prise en soin (services d’aide à domicile, de soins infirmiers à domicile, hôpitaux, accueils de jour, médecins généralistes etc.), la MAIA privilégie la mise en commun des outils, des moyens d’actions, et de l’information concernant les patients. Une mise en commun s’appuyant sur l’utilisation de trois outils majeurs :

  • Un formulaire d’analyse multidimensionnelle (FAM) permettant une analyse de la situation et l’orientation directe vers une prestation, ou une intervention d’un gestionnaire de cas pour une évaluation complémentaire et un suivi intensif ;
  • Un plan de services individualisé (PSI) pour définir et planifier toutes les interventions effectuées auprès de la personne en perte d’autonomie ;
  • Des systèmes d’informations partageables pour assurer la continuité de la prise en charge, les informations parvenant à tous les acteurs de l’accompagnement.

L’optimisation du parcours de soin telle qu’elle est envisagée avec la MAIA s’appuie donc sur une plus grande coopération et une plus forte concertation entre les professionnels de santé et les structures de soins. De manière concrète, cette optimisation passe sur le terrain par une évaluation médico-sociale précise des besoins, une orientation efficace dans le système de soins, la programmation détaillée et partagée des étapes diagnostiques et thérapeutiques, sans oublier l’organisation du suivi.

explique Judith Mollard-Palacios, psychologue chez France Alzheimer et maladies apparentées.

Les cas complexes en ligne de mire

L’optimisation du parcours de soin grâce aux moyens développés par la MAIA prend tout son sens quand il s’agit de solutionner une situation particulière, dite « cas complexe. » La situation d’une personne âgée est, en effet, jugée « complexe » quand cette dernière subit plusieurs types de difficultés (médicales, sociales, financières…). Exemple : une personne de 65 ans présentant une maladie chronique avec une perte d’autonomie, isolée et vivant de revenus très faibles.

Face à cette « situation complexe » qui menace le maintien à domicile, un gestionnaire de cas va être désigné par la MAIA pour évaluer ladite complexité et avancer des solutions. Ce gestionnaire de cas peut être un(e) infirmier(e), un(e) assistant(e) social(e), un(e) ergothérapeute, un(e) psychologue. Ce professionnel dédié va spécifiquement accompagner la personne dans son parcours de soin afin d’éviter les ruptures dans la prise en charge et leurs conséquences (hospitalisations à répétition, entrée prématurée en EHPAD).

Toujours dans une logique de concertation, le travail se fera en étroite collaboration avec les aidants familiaux et les autres intervenants du secteur sanitaire et médico-social. Pour un fonctionnement opérationnel optimisé, les différents décideurs et financeurs de la MAIA développent des instances stratégiques de concertation régulière sous forme de tables tactiques et autres groupes de travail. Ces échanges permettent notamment d’affiner le diagnostic des besoins sanitaires et médico-sociaux non-couverts sur le territoire…

Pour aller plus loin, rendez-vous sur le site de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie.

« Fluidifier le parcours de soin »

Il est ni plus ni moins que le chef d’orchestre du dispositif MAIA sur son territoire. Baptisé « pilote MAIA », ce professionnel assure notamment l’articulation des informations et des décisions prises par les différents partenaires. Les explications de Margaux Montes, pilote MAIA dans l’Hérault.

En quoi le fonctionnement de la MAIA participe-t-il à optimiser le parcours de soins des personnes de 60 ans et plus en perte d’autonomie ?

Margaux Montes : La MAIA a pour objectif de co-construire des outils et des actions avec les acteurs du sanitaire, du social et du médico-social, engagés dans l’accompagnement des personnes âgées de 60 ans et plus en perte d’autonomie et de leurs proches, sur un territoire donné. Ce travail partenarial, cette « intégration » des services a pour but de fournir au public cible une réponse décloisonnée, harmonisée, complète et adaptée aux besoins de la personne âgée, quelle que soit la structure à laquelle cette dernière s’adresse.

Quel est le rôle du pilote MAIA pour atteindre cet objectif ?

M.M : Le pilote doit, avant toute chose, établir un diagnostic des ressources du territoire. Il fait le lien avec les différents acteurs et anime les diverses instances autour de la concertation tactique et stratégique. Il assure l’articulation des informations et des prises de décisions. Par sa connaissance des acteurs du territoire, il impulse la création des « guichets intégrés » en y associant les professionnels identifiés. Il doit faire remonter les bonnes pratiques, mais aussi les manques ou dysfonctionnements constatés sur le territoire pour permettre aux décideurs et financeurs de réfléchir à la mise en place des réponses à y apporter. D’autre part il a, également, un lien fonctionnel et hiérarchique avec les gestionnaires de cas.

Un guichet intégré ne recevant pas de public, n’est-ce pas paradoxal ?

M.M : Le guichet intégré unique n’existe pas. Il faut dissocier « guichet intégré » et « guichet unique ». Les guichets intégrés, représentent l’ensemble des acteurs qui reçoivent du public et qui l’orientent. La réponse est « unique » dans le sens où les professionnels ont une même connaissance des ressources du territoire, et vont avoir le reflexe adapté aux besoins exprimés et orienter vers l’interlocuteur le plus apte à y apporter une solution et ainsi éviter la multiplication des contacts. Cela contribue donc à fluidifier et améliorer le parcours de la personne âgée de 60 ans et plus en perte d’autonomie, et à le rendre cohérent et adapté aux modes d’intervention des acteurs pour des prises en charge mieux coordonnées et des repérages plus en amont des besoins.

Le principe de concertation est au cœur du dispositif. Qui est concerné par ce principe de concertation, pour quels objectifs ?

M.M : La concertation est un mode d’organisation, et le premier rouage de l’intégration. Elle permet de décloisonner les différents secteurs et de construire un projet commun entre tous les acteurs, décideurs, financeurs et responsables de services d’aide et de soins. Elle se décline en deux instances : la concertation stratégique qui engage les décideurs institutionnels et les financeurs sur le territoire (ARS, CD, CARSAT, RSI, MSA, CPAM et autres) et la concertation tactique qui mobilise les opérateurs responsables des services d’aide et de soins (secteurs sanitaire, social et médico-social).

A l’origine, la MAIA s’adressait aux personnes malades d’Alzheimer. Pouvez-vous confirmer que les pathologies, et donc le public concerné, ont été élargis ?

M.M : Les MAIA sont issues du plan Alzheimer 2008-2012. Le décret de septembre 2011 précise que la population ciblée est celle des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement cible un public plus large qui concerne toutes les personnes âgées de 60 ans et plus en perte d’autonomie, ce qui englobe les personnes atteintes de maladies d’Alzheimer et maladies apparentées. A noter que les personnes de moins de 60 ans avec un diagnostic Alzheimer ou une maladie apparentée répondant aux critères peuvent également bénéficier de la gestion de cas.

En ce qui concerne la MAIA que vous « pilotez » dans l’Hérault, peut-on affirmer que ce mode opératoire a fait preuve d’efficacité ?

M.M : Pour la MAIA Orb et Biterrois, au même titre que pour l’ensemble des 5 MAIA installées dans l’Hérault, la démarche d’évaluation est en cours. Cela prend du temps car cela implique des ajustements organisationnels et des modifications de pratiques professionnelles. L’usager ne doit constater que des améliorations. pour lui, la MAIA est transparente puisque c’est une méthode pour les professionnels, mais en finalité elle doit optimiser le service rendu aux bénéficiaires. Pour les professionnels, on observe des évolutions dans les pratiques, les engagements de ces derniers et une certaine satisfaction sur les échanges et les projets. La gestion de cas, qui est un service au service des professionnels, apporte du concret dans cette démarche et une réponse personnalisée sur les situations complexes bénéficiant de cet accompagnement individuel et intensif.

Des MAIA portées (aussi) par des associations

C’est un appel à candidatures qui est lancé chaque année par les agences régionales de santé (ARS). Objectif : identifier les structures qui participeront à la mise en place de MAIA et porteront celles-ci sur le territoire. Cet appel s’adresse à presque tout le monde… Seul impératif : être une structure ou un organisme à but non lucratif, légitime sur le territoire par sa capacité à mobiliser les acteurs locaux. Résultats, les potentiels candidats sont légions entre les services du Conseil général, les centres locaux d’information et de coordination (CLIC), les réseaux de santé, les établissements publics de santé sans oublier les associations de patients, de familles, de personnes malades… Une fois le porteur de la MAIA sélectionné, la signature d’une convention formalise la création du dispositif et définit le territoire couvert, les financements, les modalités d’octroi et de versement des crédits et assure la mise en œuvre effective de la méthode MAIA. Reste alors à recruter le chef d’orchestre et animateur du projet, à savoir le « pilote MAIA » (voir interview ci-contre). Ce recrutement est effectué conjointement par le porteur, en lien avec l’ARS. A terme, la MAIA fait l’objet d’un processus de labellisation organisé autour de six axes : concertation, guichet unique, gestion de cas, outil d’évaluation multidimensionnel, plan de service individualisé, système d’information partagé.

MAIA : ce qu’il faut retenir !

Les MAIA ont été initiées dans le cadre de la mesure 4 du 3ème Plan Alzheimer 2008-2012.

  • Les Maia n’ont pas de statut juridique propre. Elles adoptent celui de l’entité qui les porte.
  • MAIA signifiait à l’origine « Maisons pour l’autonomie et l’intégration des personnes malades d’Alzheimer » avant d’être rebaptisé « Méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie. »
  • La MAIA est un guichet intégré dans lequel chaque acteur engagé dans l’accompagnement des personnes âgées de plus de 60 ans en perte d’autonomie doit apporter une réponse harmonisée. Il ne s’agit pas d’une structure physique accueillant du grand public, mais d’une méthode de travail pour les professionnels.
  • Le premier objectif de la MAIA est de simplifier le parcours de la personne âgée en perte d’autonomie et d’éviter les ruptures dans la prise en soin.
  • Parallèlement, le dispositif MAIA nourrit d’autres objectifs liés à l’amélioration de la prise en charge : favoriser le maintien de l’autonomie à domicile, renforcer la lisibilité du système d’aide et de soins, fournir une solution complète, harmonisée et adaptée aux besoins et attentes des patients.
  • Il y a actuellement 355 MAIA en France.
  • 35% des MAIA sont actuellement portées par les services d’un Conseil général. 20% par des acteurs de coordination (CLIC, réseau de santé etc.) et 11 % sont gérées par des associations de patients, de familles ou de personnes malades.
  • Pour chaque dispositif MAIA, 2 à 3 gestionnaires de cas sont chargés des situations dites « complexes ».

Un avant et un après pour la famille Prat

La mère de Françoise et Jacques Prat est décédée le 12 août dernier. Huit mois qui leur ont permis de faire le deuil et de porter un regard lucide sur l’accompagnement dont leur mère, atteinte d’une maladie neurodégénérative, et leur père, son principal aidant, ont bénéficié, à commencer par celui initié par la MAIA.

« Ma mère était atteinte d’une forme modérée de la maladie.
Concrètement, elle avait, par intermittence, des réactions complètement inappropriées. Ces réactions sont devenues, par la suite, de plus en plus fréquentes. Elle se plaignait par ailleurs de ne plus entendre malgré les appareils auditifs, ce qui l’isolait encore plus de son mari déjà peu causant », se souvient Jacques.

Quant au père de Françoise et Jacques Prat, il a joué pleinement son rôle d’aidant familial, conscient des difficultés qu’il ne pouvait surmonter et de l’aide indispensable, voire vitale, dont il aurait besoin au regard de son état physique. « Il était clairement en souffrance physique et psychologique », admet Jacques. L’intervention de la gestionnaire de cas de la MAIA a permis d’atténuer cette souffrance. Elle a pu mettre en place toute une organisation solutionnant progressivement les difficultés, en s’appuyant sur l’intervention de plusieurs professionnels.

« Au final, maman était apaisée. Papa un peu plus serein. Il faut avouer que, pour ma part, résidant à 1000 km de chez mes parents, j’ai été soulagé de constater l’intervention très professionnelle de Madame Dervier. Elle était à l’écoute de mes parents, à notre écoute et a su parfaitement appréhender les spécificités de leur situation. Aujourd’hui, je recommanderai cet accompagnement à n’importe quelle famille qui se sent démunie face à la maladie et ses conséquences », souligne Jacques Prat.

M-FR-00004259

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