Comment faire entendre la voix des patients dans les priorités de la recherche fondamentale ? Tel était le thème de notre dossier de janvier. Le guide “Participer à l’évaluation de l’innovation thérapeutique” produit par un des groupes de travail des Ateliers Innov’Asso aborde deux autres chapitres : comment devenir un acteur de la recherche clinique ? Et comment intégrer les données de vie dans l’évaluation des produits de santé ? Des questions auxquelles répond ce second volet de notre dossier spécial.
Comme mentionné dans notre premier volet, le rapprochement entre associations a beaucoup de sens, à fortiori lorsqu’existent des thématiques communes à porter, comme la pénurie de médicaments.
Précisément, pour être plus forts et pour faire bouger les lignes, il est important d’être en mesure de recruter des bénévoles au sein de son association, afin que ces derniers puissent s’impliquer dans la relecture des documents qui concernent la recherche clinique.
Pour parvenir à cette fin, les responsables de la Ligue contre le cancer ont choisi de réaliser une vidéo d’une minute pour communiquer sur leurs besoins. « Nous l’avons diffusé une seule fois sur nos réseaux sociaux et elle a connu un succès énorme. Rien que ce jour-là, nous avons recruté des dizaines de relecteurs, que nous avons inclus dans notre comité de patients », explique Marie Lanta, chargée de mission au sein de cette structure.
Selon elle, avec des mots simples, on parvient à recruter des gens passionnés par la recherche clinique.
Bien évidemment, le vécu ne suffit pas et il faut former ces personnes à la méthodologie de la recherche, laquelle peut sembler assez complexe. « Sur notre site internet, nous avons mis des liens pour former à la recherche clinique. L’association François Aupetit a fait la même chose. Il convient ensuite d’éditer une note d’information, laquelle est adossée au consentement éclairé », ajoute-t-elle. Il s’agit de s’assurer que les objectifs, le vocabulaire et les enjeux sont compréhensibles et accessibles. Mais aussi que les contraintes de l’essai sont bien expliquées, de façon loyale, ce qui suppose que soient listés les effets indésirables.
Une fois identifiées les instances avec lesquelles la voix des patients sera portée (relire le volet 1), reste à travailler avec le comité de protection des personnes et l’ANSM (l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Ces deux entités vont donner l’autorisation de démarrer un essai.
« Ensuite, il faut trouver les promoteurs qui vous confient leurs essais. Votre conseil scientifique peut vous y aider. Après leur avoir proposé de faire des tests, il faudra travailler en respectant les délais impartis de vos retours parce que dans un contexte de concurrence internationale, il est important de leur faire gagner du temps. D’où l’intérêt de faire en sorte que la note d’information soit bien revue », détaille Marie Lanta
L’étape suivante consiste à tenter de faire en sorte que les promoteurs s’impliquent plus en amont dans la construction des essais. C’est plus intéressant, car il s’agit d’apprendre au lecteur à se focaliser sur la qualité de vie.
« Par exemple, vous pouvez demander à ce que tel examen que vous trouvez déjà très invasif ne soit pas répété à un rythme trop soutenu. Et vous avez une forte chance d’être entendu. Vous pouvez aussi suggérer que l’on élargisse les critères d’inclusions, même si cet aspect-là est plus compliqué », précise Marie Lanta.
Le fait de répondre, au quotidien, aux patients qui appellent pour poser des questions, c’est déjà en soi une façon, pour une association, de s’impliquer.
En effet, c’est peut-être l’occasion d’appeler l’ANSM, ou la Haute Autorité de Santé (HAS), bref de mêler petit à petit les acteurs de la recherche clinique, qui ensuite enverront toutes les notifications susceptibles d’intéresser l’association.
C’est une porte d’entrée pour comprendre cet écosystème et se perfectionner. L’un des derniers points, c’est de traduire les essais en langage accessible. Cela fait partie de la transparence, mais sur cet aspect-là, il y a encore beaucoup à faire. En effet, les résultats interviennent généralement 5 ans après, si bien qu’entre-temps, les patients ont testé d’autres traitements et hélas, parfois, ne sont plus là.
regrette Marie Lanta
À ses yeux, cette transparence représente un vrai axe d’amélioration, car cela contribue à donner confiance non seulement à ceux qui ont participé mais aussi à ceux qui sont concernés et qui ont envie de savoir où en est la recherche aujourd’hui.
Elle conseille par ailleurs aux associations qui disposent d’un conseil scientifique de donner deux sièges à des patients, afin de mieux faire valoir leur voix.
Cette démarche d’intégration des patients, notamment dans la recherche clinique, s’est beaucoup démocratisée ces dernières années. Elle remonte aux années 90, au moment de la lutte contre le VIH, quand les associations se sont invitées à la table des discussions.
Intégrer des données de vie dans les essais cliniques reste une règle d’or pour évaluer l’efficacité de la sécurité des traitements, mais il existe également d’autres cadres complémentaires qui permettent de faire valoir des données d’environnement.
De quoi s’agit-il précisément ? « Il s’agit d’évaluer l’effet d’un traitement sur le quotidien des personnes et leur qualité de vie. Cette collecte doit se faire par des associations », relève Fabrice Pilorgé, directeur de l’AFH (Association Française des Hémophiles). Il rappelle qu’on désigne par « données de vie » des informations directement exprimées par les patients sur leur ressenti. Ces données reflètent leur bien-être, leur expérience du traitement dans tous les aspects de la vie quotidienne.
Il parle aussi souvent de données de qualité de vie, pour décrire la douleur, le bien-être, le mental etc. Pour évaluer ces aspects, des questionnaires ont été standardisés et validés. « Quelle que soit la pathologie, ils peuvent être utilisés. Les données de vie plus globales recoupent d’autres dimensions comme la satisfaction vis-à-vis du soin apporté, la facilité d’usage d’un traitement en particulier… », explique-t-il.
À l’occasion de son intervention, il est revenu sur la notion de PREMs (Patient Reported Experience Measures), autrement dit, les résultats déclarés par les patients, dont on se sert dans les essais cliniques.
Le PREMs, c’est l’expérience du soin vécu par les patients et la mesure de cette expérience dans les établissements de santé. Nous sommes en contact avec une variété de patients et donc légitimes dans la collecte de ces données.
a-t-il rappelé
Les associations peuvent ainsi participer à la conception des PREMs et ne doivent pas hésiter à le faire. Elles peuvent aussi directement collecter les données via des questionnaires auprès des patients qu’elles accompagnent ou qu’elles rencontrent. « Elles peuvent d’ailleurs concevoir elles-mêmes ces questionnaires, mais cela suppose un soutien méthodologique afin que les données collectées soient recevables », précise Fabrice Pilorgé.
Depuis 2016 une fois qu’un médicament a reçu une autorisation de mise sur le marché, il est évalué par la Haute Autorité de santé qui juge s’il a une valeur ajoutée par rapport au traitement existant et quel en est l’intérêt.
Le rapport de la HAS va rendre un avis en fonction de ces deux critères et déterminer ensuite si le produit est remboursé ou pas.
« C’est une phase réellement importante à laquelle les associations doivent contribuer. Les conditions de participation sont en ligne sur le site de la HAS. Même si on n’a pas une grande expertise, c’est important de participer pour éclairer la décision des experts », insiste-t-il, tout en invitant à ne pas rater les appels à contribution. Ceux-ci sont publiés sur les réseaux sociaux et s’adressent soit aux associations soit aux patients directement.
Dans certains cas, il est même possible d’être auditionné sur certains produits de santé, mais c’est plus rare.
En résumé, il existe plusieurs moyens de faire valoir le travail mené par les associations, en matière de collecte de données de vie.
Le plus dur est peut-être de se lancer, mais le pli se prend très vite. Avec à la clé, de vrais bénéfices pour les avancées thérapeutiques !
Pour en savoir plus, retrouvez le guide « Participer à l’évaluation de l’innovation thérapeutique » ainsi que les fiches pratiques téléchargeables.
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