C’est le 4ème plan en 20 ans. Où en sont les chantiers ? Ont-ils été impactés par la crise sanitaire ? Et quels sont les engagements du nouveau gouvernement ?
En avril 2019, Agnès Buzyn, alors ministre des Solidarités et de la Santé, avait présenté sa feuille de route du numérique en santé et donné le coup d’envoi du 4ème Plan Numérique Santé. Son successeur, Olivier Véran, s’est engagé à poursuivre ce vaste chantier. Ce dernier reste co-piloté par le tandem d’origine : Dominique Pon, Responsable ministériel du numérique en santé et Laura Létourneau, Déléguée ministérielle du numérique en santé (DNS). Tous deux sont convaincus que le numérique est un outil indispensable pour transformer notre système de santé et sauvegarder le modèle de solidarité.
Des rencontres avec les acteurs de terrain mais aussi avec les citoyens ont été mises en place pour tenter de se mettre au niveau et lutter contre l’aversion au numérique de certains professionnels de santé. Le Conseil du Numérique en Santé, qui a lieu tous les six mois, est une instance ouverte à tous et destinée à rendre des comptes sur ce qui a été fait. Trois grandes plateformes numériques : l’Espace Numérique de Santé, le bouquet de services pour les professionnels de santé et le Health Data Hub ont vocation à faire fonctionner au mieux cette vaste machine.
“Accélérer le virage numérique” : tel est le titre d’un rapport au titre éloquent pour mener à bien ce nouveau plan. Les constats de ce rapport sont les suivants : les usagers sont trop souvent les grands oubliés du virage numérique de santé et les professionnels sont confrontés à une offre trop morcelée ce qui rend les usages complexes dans leurs pratiques quotidiennes. Les auteurs ont aussi observé que la stratégie nationale du numérique est trop peu lisible et encore incomplète. Ils proposent donc de définir et de promouvoir un cadre de valeurs et un référentiel d’éthique afin de guider l’ensemble des actions en matière de e-santé. Il suggèrent aussi de créer, dès la naissance, pour chaque usager un espace numérique de santé sécurisé personnalisé lui permettant d’avoir accès à l’ensemble de ses données et services de santé tout au long de sa vie. Enfin, il faudrait aussi selon eux être en mesure de proposer un bouquet de services aux professionnels et aux établissements afin de simplifier l’accès aux différents services numériques dans le but d’améliorer l’organisation et la qualité de la prise en charge.
Ce PNS est le 4ème plan français de santé numérique depuis le début des années 2000. Le premier plan « e-santé 2000 » avait été lancée par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins. Doté d’une enveloppe de 20 millions d’euros, il encourageait les hôpitaux à développer leur système d’information et des solutions de télémédecine afin de créer une nouvelle dynamique au sein des territoires de santé. L’efficacité de ce plan fut compromise en raison de l’absence de financement dédié aux pratiques de télémédecine et de la méconnaissance des professionnels de santé du terrain sur les objectifs de ce plan.
Le deuxième plan intitulé « la télésanté : un nouvel atout au service de notre bien-être » fut confié au député Lasbordes. Il préconisait un plan quinquennal éco-responsable pour le développement de la télésanté en France. Par la suite, le gouvernement lança un plan quinquennal de développement de la télémédecine (entre 2012 et 2017) avec cinq priorités : le développement d’une permanence régionale ou territoriale en téléradiologie, la mise en place du télé-AVC dans les services d’urgences pour l’usage de la thrombolyse dans les 4h qui suivent le début de l’AVC, le développement de la téléconsultation dans les prisons pour améliorer l’accès aux soins des prisonniers, le développement de la télésurveillance médicale au domicile des patients atteints de maladies chroniques et le développement des téléconsultations dans les établissements médico-sociaux. Mais l’Assurance maladie refusa de financer ces pratiques professionnelles. Le Programme d’Investissements d’Avenir, doté de plusieurs dizaines de millions d’euros, lancé par le Ministère de l’Industrie et du numérique, contribua en revanche à la transformation numérique de certains parcours de soins grâce à la mise en place de nouveaux outils.
Lancé en 2016, le troisième plan baptisé « Stratégie nationale e-santé 2020, le numérique au service de la modernisation et de l’efficience du système de santé » comportait quatre axes : mettre le citoyen au coeur de la e-santé, soutenir l’innovation par les professionnels de santé, simplifier le cadre d’action pour les acteurs économiques et enfin, modéliser les outils de régulation de notre système de santé. L’étude expérimentale de financement de la télésurveillance médicale à domicile fut alors lancée. En novembre 2019, 31 000 patients étaient inclus dans ce programme avec une surreprésentation des patients porteurs de dispositifs implantés pour troubles du rythme cardiaque. L’évaluation sera réalisée par la HAS et présentée au Parlement en septembre 2021 lors de la discussion de la LFSS 2022.
Le quatrième plan « PNS » s’inspire beaucoup des objectifs du plan précédent, avec quelques spécificités toutefois, à commencer par la volonté de simplifier l’écosystème du numérique. Parce qu’il manquait un chef d’orchestre pour coordonner les différents acteurs, cette mission a été confiée à la Direction de la santé, laquelle s’appuie sur l’Agence du Numérique en Santé ou ANS (ex-ASIP Santé). Pour impliquer davantage les patients, des ateliers citoyens sont mis en place autour de l’éthique des données de santé, de l’Espace Numérique en Santé (ENS), du handicap… L’une des nouveautés, qui pourrait faire considérablement avancer les choses, c’est l’implication pour la première fois des facultés de médecine, lesquelles ont pris position à travers leur Conférence des Doyens. Elles ont rappelé que le rôle des futurs médecins sera davantage encore de maintenir les personnes en bonne santé que de les soigner, ce qui reposera beaucoup sur la science des algorithmes. La Conférence des Doyens recommande un décloisonnement complet entre formations de base et développement professionnel continu, pour faire face aux risques d’accélération de l’obsolescence des savoirs et des compétences. « Cela nécessite de travailler en concertation avec les chercheurs en mathématiques, en informatique, en intelligence artificielle comme avec les industriels du numérique » ont déclaré les portes parole de cette conférence. « Big data », « deep learning », intelligence artificielle, blockchain… autant de nouvelles notions qui doivent être intégrées au coeur des formations des professionnels de santé. Les futurs médecins devront donc être formés au numérique. Cela suppose de développer une compréhension de ces nouveaux outils et d’inclure l’évolution des concepts et l’apport du numérique dans les différents champs disciplinaires. C’est tout l’apprentissage qui va être transformé avec la mise en place de plateformes d’ingénierie en santé et l’émergence des nouveaux métiers d’interface entre les sciences de la vie et l’ingénierie. Enfin, un département “numérique et IA” devrait être mis en place dans chaque faculté de santé. Parce que tout se joue au niveau de la formation de nos professionnels de santé, ce dernier plan pourrait aller plus loin que les précédents….
Le 18 juin dernier, les responsables ministériels du numérique en santé, Dominique Pon et Laura Létourneau, ont présenté un point d’étape sur les différents chantiers engagés par la délégation du numérique en santé (DNS) autour de la feuille de route du numérique en santé, à l’occasion d’un Conseil du numérique en santé (CNS) organisé en visio conférence. A cette occasion, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a salué une filière de l’e-santé riche de promesses et un « écosystème dense et riche ». Il a rappelé le besoin de « confiance » des patients comme des professionnels de santé, tout en précisant que les outils numériques ont été parmi les premiers gestes barrières pour les professionnels de santé. « S’il fallait trouver une vertu à l’épidémie [de Covid-19], c’est d’avoir révélé la pertinence de certaines pratiques numériques, notamment la télémédecine. L’année 2020 est celle de la mise en oeuvre de la feuille de route. L’e-santé doit pénétrer dans toutes les maisons pour préparer l’arrivée de l’Espace Numérique Santé au 1er janvier 2022« , a-t-il déclaré. Le Conseil national du numérique (CNNum) a présenté récemment un rapport avec 18 propositions pour développer et sécuriser le partage des données sensibles en France. L’objectif est véritablement de renforcer le rôle central de l’Espace numérique de santé (ENS) et d’inciter les professionnels du secteur à l’utiliser. A noter : le dossier médical personnalisé sera désormais accessible via cet ENS. Par ailleurs, le décret autorisant la mise en production du Health Data Hub (action n°18) est attendu cet été. La plateforme doit accueillir 11 bases de données Covid-19 supplémentaires et 18 nouveaux projets pilotes. Et si le plan numérique santé commençait à devenir une réalité…?
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