Les associations au cœur de l’innovation en santé

Santé : le patient avant tout !

Parcours patient : deux mots qui sous-entendent une médecine préventive aussi bien que participative. Deux mots surtout pour souligner un défi sanitaire de taille pour l’Hexagone : (ré)inventer tout un système de soins et instaurer une médecine de parcours, par laquelle un patient est amené à rencontrer plusieurs professionnels du secteur médico-social de façon coordonnée.

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Le parcours patient : un pilier du futur système de santé

En matière de santé, le terme de « parcours » se conjugue plus que jamais au pluriel. Il en appelle plus précisément à un engagement collectif : celui du patient – premier concerné mais parfois étrangement dernier consulté – et celui de toute une équipe pluridisciplinaire. Cette intervention multiple et plurielle s’inscrit en réalité dans une logique de décloisonnement des secteurs, des disciplines et des compétences. De quoi, selon les théoriciens du parcours patient, favoriser une prise en charge globale, continue et fluide des usagers du système de santé. D’ailleurs comment pourrait-il en être autrement avec un usager bénéficiant à terme d’interventions coordonnées d’acteurs de la prévention, du soin (médecins, pharmaciens, infirmiers…), du médico-social mais aussi des services offerts par les collectivités locales ?

Difficile de faire plus complet comme l’explique Anne Beinier, anciennement conseillère au cabinet d’Agnès Buzyn et actuellement experte auprès de l’Agence nationale d’expertise-Expertise France.

« Avec Ma santé 2022, nous avons souhaité non seulement aller vite pour commencer à répondre dès à présent aux besoins des Français, mais nous avons surtout voulu aller plus loin que ce qui avait été fait jusqu’à aujourd’hui. Il était indispensable de corriger les incohérences du système actuel. Voilà pourquoi Ma santé 2022 est une réforme globale. Il ne s’agit pas d’une énième réforme de l’hôpital, car le changement impacte cette fois-ci la médecine de ville, le champ social, le secteur médico-social et l’hôpital. En clair, l’ensemble des acteurs sanitaires et sociaux gravitant autour du patient », explique-t-elle.

Reste à savoir si le diagnostic et les traitements envisagés par le gouvernement sont les bons. Il faut dire que le mal est profond et les pronostics peu réjouissants : le développement croissant des maladies chroniques (qui touchent près de 15 millions de Français), l’augmentation de la perte d’autonomie (2,7% de la population est en situation de handicap), des inégalités sociales et des disparités territoriales toujours plus criantes. « Notre objectif est que chaque usager du système de soin bénéficie, quels que soient sa pathologie, son lieu de résidence, ses revenus ou sa catégorie socioprofessionnelle, d’un accès aux soins et d’une prise en charge globale de qualité. Pour cela, il nous faut rationaliser le système en le rendant plus efficient, plus juste et surtout plus pertinent. Une pertinence qui se nourrit du travail de concertation et de consultation réalisé en amont avec les associations de patients – notamment France assos santé – les patients, les citoyens, les professionnels de santé, les élus. Oui, Ma santé 2022 a été fait par et pour les acteurs du soin, à commencer par les patients, et c’est ce qui fait toute la richesse de cette réforme » souligne Anne Beinier.

Les bons soins par les bons professionnels aux bons endroits et au bon moment

Cette ambition d’un système de santé plus performant nécessite un prérequis : cartographier précisément les étapes du parcours du patient en identifiant les modalités d’accès aux soins, l’efficience (le coût et l’efficacité de chaque intervention), la structuration et l’organisation des prises en charge. Mais, à y regarder de plus près, l’attention portée à la continuité des soins dans le parcours patient ne date pas d’aujourd’hui. Elle était déjà une préoccupation en 2016 avec une loi de santé à l’origine des équipes de soins primaires (ensemble de professionnels de santé organisés autour du médecin généraliste). Il s’agissait déjà pour le législateur d’optimiser la prise en charge, notamment pour les patients atteints de maladies chroniques, en situation de précarité sociale, de handicap ou de perte d’autonomie. De nouvelles mesures, récemment envisagées, doivent parfaire cette ambition sanitaire et sociétale. Parmi ces mesures : les plateformes territoriales d’appui pour les parcours complexes afin de soutenir les professionnels dans la prise en charge de cas compliqués ; la lettre de liaison ville/hôpital permettant au médecin ayant adressé le patient à l’hôpital de recevoir rapidement les informations liées à l’hospitalisation ; le dossier médical partagé (DMP) assurant le partage des données et documents identifiés au sein des dossiers patients ; mais aussi un numéro d’appel national de garde pour un accès permanent à une offre médicale.

« Le système de soins tel qu’il avait été pensé il y a plusieurs années manquait cruellement de coordination et était trop cloisonné. Il fallait le simplifier. Bien entendu, il faut aussi être réaliste. Les zones qui souffrent de désertification médicale ne seront pas demain surpeuplées de médecins. Les effets se feront sentir dans plusieurs années. A contrario, il faut également sortir du schéma un médecin par commune pour raisonner en termes de besoins. Une chose est certaine : la coercition n’est pas la solution – l’exemple allemand l’a démontré. Nous souhaitons activer d’autres leviers comme la télémédecine par exemple », prévient l’ex conseillère santé d’Agnès Buzyn.

Un parcours à trois niveaux

Si depuis quelques années, l’expression de révolution numérique est d’actualité dans le secteur de la santé, elle n’est pas la seule. La révolution du parcours patient est elle aussi en cours et se décline en trois échelons :
 

  • un parcours de santé articulant prévention et accompagnement médico-social
  • un parcours patient déterminant l’accès aux consultations de premiers recours et,  quand cela est nécessaire à l’hospitalisation (programmée ou non) possiblement à domicile (HAD), aux soins de suite et de réadaptation (SSR), aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)
  • un parcours de vie envisageant la personne dans son écologie (familial, scolaire, professionnel etc.)

 
Quoi qu’il en soit, ces trois parcours ont un dénominateur commun : le patient ! Ce dernier se place au centre de la prise en charge avec un système de santé modulable capable de s’adapter à ses besoins. « L’autre acteur central de cette nouvelle organisation sanitaire est sans aucun doute le médecin traitant. Terminé le système centré sur l’hôpital. Le virage amorcé instaure un système qui fait des médecins libéraux et des équipes de soins primaires constituées autour d’eux, à la fois les pivots et les coordinateurs des parcours entre médecine de ville, hôpital et établissements médico-sociaux et sociaux. Pour l’hôpital qui n’est plus le centre mais une étape de la prise en charge des patients, cela équivaut à se recentrer sur sa mission première : les soins et non l’hébergement », se félicite Anne Beinier. A terme, cela devrait favoriser les hospitalisations de courte durée et le développement de l’ambulatoire. Cela devrait aussi accroître la responsabilité des structures de ville qui auront à se coordonner pour assurer avec qualité et sécurité la prise en charge de patients de plus en plus nombreux à ne plus être hospitalisés ou hospitalisés moins longtemps.

« La révolution, c’est la découverte du patient »

Chantre de la démocratie sanitaire, Gérard Raymond, vice-président de France Assos Santé, nous aide à mettre en perspective les enjeux de l’implémentation des parcours patient. Avec pour leitmotiv : toujours plus d’humanisme et de coopération entre les acteurs de santé. Soucieux de replacer le patient au centre de sa prise en charge et de le rendre acteur de celle-ci, le président de la Fédération française des diabétiques (FFD) en appelle également à un véritable travail introspectif de la part des associations de patients.

Quels sont les éléments fondamentaux pour une construction pertinente des parcours patient ?

Gérard Raymond : Il s’agit d’abord de constituer autour du patient, ou plutôt avec le patient, une équipe qui définirait un programme communément appelé aujourd’hui parcours patient. Deux éléments semblent fondamentaux : en premier lieu, le parcours (ou programme) doit être travaillé avec les patients qui demeurent les premiers concernés. En second lieu, il est important de s’inscrire dans une logique de mutualisation des savoirs et des compétences. Une véritable coordination entre tous les acteurs doit être mise en œuvre. Nous devons être dans la co-construction. Nous considérons que cette co-construction des parcours patient et plus largement de l’ensemble des actions visant à améliorer le système de la santé doivent à l’avenir s’appuyer sur deux piliers : une vision humaniste et une quête perpétuelle de la qualité.

Comment les associations de patients peuvent-elles intervenir dans cette co-construction ?

G. R. : Petite précision au préalable : quand je dis patients, j’entends les associations de patients reconnues d’utilité publique ou agréées qui les représentent. Elles sont légitimes et compétentes pour analyser leur environnement et porter des revendications. La participation des associations de patients dans la construction, l’expérimentation, mais aussi l’évaluation est fondamentale. Cet engagement doit tout simplement aboutir à la mise en place d’un système de santé beaucoup plus égalitaire, humaniste et efficient. J’invite par exemple à prendre connaissance des 15 propositions émises par la FFD*. Elles dépassent la prise en charge spécifique du diabète.

Vous décrivez un modèle dans lequel le patient se trouve au cœur de la transformation du système de santé…

G. R. : Oui ! J’ai pris l’habitude de dire que la révolution de ce 21ème siècle n’est pas le numérique comme chacun aime à le répéter, mais plutôt la découverte du patient comme un véritable acteur de santé, partie prenante dans l’organisation et l’évaluation du système de santé. Car, plus que jamais, la refonte du système doit être évaluée par les professionnels de santé, par les décideurs publics, mais aussi et surtout par les associations de patients. Tout en sachant que la notion de co-construction va de pair avec celle de co-responsabilité. En parallèle de leurs droits, les patients doivent aussi devenir plus responsables quant au bon fonctionnement du système.

En pratique, comment s’exercerait cette co-construction ?

G. R. : Notre système de santé doit être modifié en profondeur. Nous ne pouvons pas continuer à dépenser 12% de notre PIB dans un système qui n’est pas évalué. Cela s’appelle clairement du gaspillage. Le projet de loi Ma santé 2022 a d’ores et déjà avancé les bases d’une action collective pour définir le système de santé de demain, notamment via des expérimentations concernant des pathologies chroniques bien connues, comme le diabète et l’insuffisance rénale, pour lesquelles nous avons des référentiels stables et des interlocuteurs identifiés. Tous les acteurs gravitant autour de la prise en soin de ces pathologies auront à élaborer une co-organisation qui débouchera sur un nouveau système d’accompagnement et de suivi des patients. Par ailleurs, parce qu’elles auront participé à sa construction, ces associations seront aussi parfaitement légitimes pour l’évaluer. Je tiens à souligner que l’évaluation n’est pas une sanction mais un passage obligé pour optimiser, en toute transparence, le fonctionnement, les pratiques et les organisations.

Les associations de patients sont-elles assez « outillées » pour s’attaquer aux questions soulevées par cette réforme du système et donc pour peser sur les débats ?

G. R. : Pour relever efficacement ces défis, en tant qu’associations de patients, nous devons apprendre nous aussi à travailler ensemble. En effet, on ne peut pas réclamer de profonds changements auprès des acteurs de notre système de santé sans que nous-mêmes ne changions nos pratiques. Les associations ne doivent plus être dans la réaction, mais davantage dans l’action. Notre rôle est d’être forces de propositions. Nous, associations de patients, devons impulser, une éducation à la santé de nos concitoyens pour le développement d’approches plus citoyennes, humanistes, et solidaires. Pour cela, il est toutefois nécessaire de gagner en compétences. Dans ce cadre, France assos santé apparaît comme un creuset d’intelligence collective pour faire progresser toutes les associations.

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