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Thérapies digitales : l’autre prise en soins…

Le secteur de la santé s’enrichit progressivement de thérapies digitales, véritables dispositifs médicaux validés scientifiquement, cliniquement et institutionnellement. Cette reconnaissance est au cœur même du développement de ces nouvelles formes de thérapies qui jouent pleinement la carte de la complémentarité, que ce soit avec les thérapeutiques médicamenteuses mais aussi avec l’intervention physique des professionnels du soin. De quoi modifier en profondeur la relation professionnels de santé / patients et rendre ces derniers toujours plus acteurs de leur vie avec la maladie.

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"En moyenne, une personne diabétique insulino-dépendante va consulter son médecin traitant tous les deux mois, et son endocrinologue deux fois par an, soit au total peut-être 5 heures de consultation physique dans l'année… Mais elle doit vivre avec sa maladie, à chaque instant, soit 8 760 heures par an."

Les mots de Karine Soulat, experte en thérapies digitales, résonnent telle une vérité implacable.
C’est la raison pour laquelle une autre forme d'accompagnement au quotidien a été pensée pour les patients appelés à vivre avec une maladie chronique ou nécessitant un suivi rapproché (diabète, asthme…). "Il s’agit d’un accompagnement complémentaire du suivi traditionnel réalisé par les professionnels du soin", précise la consultante en marketing e-santé, avant de poursuivre : "les thérapies digitales ne sont ni un gadget numérique, ni un substitut aux médicaments. À partir du moment où elles ont fait la preuve de leur efficacité, elles sont là pour aider les professionnels de santé et les patients à mieux gérer les contraintes d'une maladie, voire à la prévenir."

Thérapies digitales : une évaluation à parfaire…

C’est à partir de 2017 que ces thérapies d’un nouveau genre sont apparues. La Digital Therapeutics Alliance (DTA), autrement dit l'association des thérapies digitales en donne la définition suivante : "il s’agit d’un logiciel qui propose des éléments testés et dont l'efficacité a été prouvée soit pour prévenir, gérer ou soigner un symptôme ou une maladie".
A terme, elles vont permettre, au même titre qu'une thérapie physique, la mise en place d'un accompagnement, de procédures de prévention et de traitement. Mieux, validées scientifiquement, elles pourront, sur prescription, ouvrir droit à un remboursement par l'Assurance maladie et certaines mutuelles.
La validation scientifique est la base du développement des thérapies numériques qui, par définition, sont soumises à une évolution technique constante des logiciels. "Avec la mise en place d'un modèle socio-économique robuste, la mesure de l'efficacité est véritablement l'autre enjeu des thérapies digitales. Le cadre d'évaluation mérite, à coup sûr, d'être adapté pour rendre cette évaluation plus pertinente », ajoute-t-elle.

Si selon elle, les développeurs de thérapies numériques sont aptes à capturer des données patients pour prouver leur efficacité, en revanche il ne lui semble pas pertinent de soumettre ces thérapies à la même procédure et au même cadre réglementaire que celui suivi par une molécule testée dans le cadre d'un essai clinique avec un groupe placebo.

Vers une réponse adaptée et personnalisée

Aussi efficaces soient-elles, les thérapies digitales n'entendent pas remplacer le médicament, ni aucune autre approche thérapeutique. La thérapie numérique s'inscrit davantage dans le suivi quotidien du patient et dans l'accompagnement au changement comportemental. Pas question non plus de remplacer le professionnel de santé, médecin généraliste ou spécialiste.

"Patients et médecins n'ont pas peur du numérique. Ils l'ont intégré dans le processus de soins. Depuis maintenant deux ans, ils font des téléconsultations, et tout se passe plutôt bien. Ce fantasme de la solution numérique et du digital qui remplaceraient le médecin n'est plus d'actualité, et a littéralement été déconstruit avec les périodes de confinement. Ce qui contrarie et freine les usagers, c'est davantage la crainte d'une automatisation de la réponse sanitaire qui pourrait alors s’avérer inadaptée, à l'image de ce à quoi ils peuvent être confrontés dans d'autres domaines avec des chatbots ne répondant pas précisément à leur attente. Ils ont peur que les thérapies digitales tombent dans ces travers avec une relation binaire ", analyse Karine Soulat.

Voilà pourquoi les développeurs de thérapies digitales misent aujourd'hui sur une réponse hybride qui va non seulement permettre aux patients de se former, de s'informer, de répertorier et noter tous les événements liés à leur pathologie, d'accéder à distance à un forum patients via une application sur son téléphone, mais aussi et surtout d'avoir accès à des professionnels de santé (souvent du personnel paramédical) via sms, visio ou téléphone avec une fréquence bien plus élevée que le médecin. "En d'autres termes : permettre à chaque patient d'être un acteur à part entière de sa santé, au cœur de la prise en soin, d'être toujours plus expert de sa pathologie", résume la consultante.
C'est en tout cas l'ambition affichée des outils thérapeutiques digitaux.

Changer les habitudes du médecin…

En ce qui concerne le rapport des professionnels de santé aux thérapies digitales, la réflexion est assurément ailleurs. Elle relève davantage d'une évolution assumée (ou non) des pratiques plutôt que de la validation du dispositif médical - même si cette dernière s’avère un préalable à toute prescription médicale.

Pour le médecin l'enjeu est donc d'intégrer la thérapie digitale comme un élément structurant de sa pratique médicale. "Il faut garder en tête que le numérique n'est pas seulement un média, mais qu'il induit une nouvelle façon d'appréhender la prise en soin. On demande au médecin de changer ses habitudes alors qu'il a mis en place depuis des années une méthode pour prescrire des médicaments, pour solliciter l'infirmière ou le kinésithérapeute avec qui il a noué une relation de proximité. En revanche, il n'a pas appris à faire confiance à une solution numérique qui va lui envoyer des rapports à intervalles réguliers et qui va l'obliger d'une part à davantage s'appuyer sur les retours des patients, d'autre part à repenser toute son organisation dans une logique de décloisonnement", explique Karine Soulat.

Plus que jamais, les thérapies digitales imposent donc au médecin de s'adapter au patient, et non l'inverse. Mais aussi de répondre à d’éventuelles alertes.

Une plateforme numérique pluridisciplinaire

Et si finalement, le principal impact des thérapies numériques était de modifier la relation patients-médecins ? Mais aussi de rétablir un certain équilibre faisant du patient un expérimenté de sa maladie ? Une chose est sûre, comme toutes les évolutions comportementales, cela prendra du temps. Pour le médecin comme pour le patient. "Les thérapies numériques ont moins de pertinence dans le cadre de la médecine aiguë ou d'une médecine d'urgence. C'est, au contraire, l'action à long terme avec des rappels quotidiens, la répétition de messages-clés, des informations envoyées régulièrement, des retours d'expériences partagées par le support digital qui va changer le comportement du patient et l'aider à mieux vivre avec sa maladie", explique Karine Soulat. On pourrait presque en conclure que ces thérapies humaniseraient davantage la médecine avec un patient satisfait de partager, avec les professionnels de santé, des informations et des données objectivées appelées à rendre sa prise en soin plus efficace.

A noter, les thérapies digitales ne peuvent être cantonnées à une pathologie mais bel et bien proposer une solution globale au patient et au médecin. "Elles doivent évoluer vers une prise en charge holistique du patient et se muer en plateforme numérique pluridisciplinaire mutualisant les applications pour combiner, par exemple, santé mentale, nutrition, thérapies cognitivo-comportementales etc.", envisage Karine Soulat.
Et de poursuivre : "Elles doivent, par ailleurs, offrir au patient un service après-vente irréprochable. Si un patient relate à son médecin une mauvaise expérience, le médecin - qui n'a pas le temps de tester la thérapie digitale et qui s'en remet à l’expérience du patient - ne la prescrira plus à personne. En clair, le patient est le meilleur ambassadeur d'une thérapie digitale auprès des professionnels de santé."

Un nombre limité de "vraies" thérapies digitales

Les thérapies digitales ne devraient pas être confondues avec les applications gratuites, ludiques et téléchargeables qui fourmillent sur les plateformes en ligne. Ces applications santé ne font pas l’objet de prescription médicale et n'ouvrent droit à aucune prise en charge. A l'inverse des thérapies digitales, il ne s'agit donc pas de dispositifs médicaux à part entière, dont les effets cliniques sont validés scientifiquement. Leur utilisation relève exclusivement de la responsabilité des usagers utilisateurs.

Les plateformes de médecine digitale sont, quant à elles, des outils d'accompagnement, de prévention, de soin et d'aide au diagnostic dont l’efficacité est soumise à validation des autorités et qui jouissent de caractéristiques propres (prescription, remboursement, preuves de concept et études cliniques)… Et pour celles et ceux qui dénonceraient une multiplication incontrôlée des thérapies digitales, là encore des progrès sont en cours : "Le terme de thérapies digitales s'est vulgarisé au point d'être parfois galvaudé. Car au final, leur nombre est encore limité. Pour preuve, entre 2015 et 2018, 21 000 articles mentionnaient de potentielles thérapies digitales*. Ce chiffre chute à 5 000 si on considère les publications dotées d'un comité scientifique de lecture. Enfin, seuls 153 articles s'appuient non seulement sur une relecture par des pairs mais aussi sur des données statistiques d'efficacité. Il y a donc un enjeu à bien identifier les bonnes thérapies digitales.
Mon Espace Santé a été créé pour labelliser les supports et les rendre accessibles sur une plateforme dédiée.
"

Parmi les thérapies digitales reconnues, on pourrait citer Moovcare - logiciel destiné à la télésurveillance médicale des rechutes et complications chez les patients atteints d’un cancer du poumon, Diabeloop - une sorte de pancréas artificiel dédié aux personnes atteintes de diabète de type 1 - ou encore OdySight , un jeu pour accompagner la surveillance rapprochée des patients atteints de maladies chroniques de la rétine. Ou encore Deprexis Deprexis qui a obtenu son ASA (Amélioration du Service Attendu) niveau V fin sept 22…
Des thérapies qui pourraient transformer favorablement le quotidien de milliers de patients !

*Rapport Mac Kinsey

L’exemple de notre voisin allemand pourrait nous inspirer. En février dernier, la Digital Medicine Society et le ministère fédéral allemand de la Santé ont rendu publiques les priorités mondiales en matière d’innovation en santé numérique. La collaboration vise à faire progresser l’innovation dans la production de données probantes afin de favoriser l’acceptation internationale des applications de santé numérique. 

 

La Digital Medicine Society (DiMe) et le Health Innovation Hub (HIH) du ministère fédéral allemand de la Santé ont publié un point de vue sur la manière de faire progresser les applications de santé numérique et les priorités en matière d’innovation dans la constitution de preuves dans le monde réel. Le travail collaboratif, publié dans The Lancet Digital Health, met en lumière les meilleures pratiques mondiales et une feuille de route pour les avancées méthodologiques continues nécessaires à l’accélération de l’innovation médicale numérique.

 

En 2019, l’Allemagne a adopté une réglementation qui, entre autres, a créé une voie de réglementation et de remboursement pour les applications de santé numérique sur le marché allemand. La procédure innovante dite « accélérée » a établi le cadre juridique permettant aux médecins de prescrire certaines catégories d’applications de santé numérique (connues sous leur acronyme allemand, DiGA), alors que les preuves démontrant un effet positif sur les soins de santé sont encore en cours de collecte. « Les autorités de toute l’Europe commencent à imiter les politiques novatrices de l’Allemagne qui font progresser l’innovation en matière de santé numérique », a déclaré Jennifer Goldsack, PDG de DiMe. « Le programme DiGA est en plein essor en Allemagne, la France s’apprête à mettre en place une politique similaire.

M-FR-00007886 - V1.0 - Établi en  Décembre 2022

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