Les associations au cœur de l’innovation en santé

6ème Journée Innov’Asso

Innovation : les contributeurs sont aussi les payeurs !

Entre séances plénières, déjeuner speed-meeting avec des experts-métiers, tables rondes et ateliers thématiques, cette journée a non seulement permis de mettre en lumière les enjeux de l’accès à l’innovation mais aussi d’objectiver le rôle croissant des associations de patients dans le développement des innovations en santé…

Cette journée, construite avec et pour les associations, doit avant tout mettre en lumière les préoccupations et les enjeux de notre système de santé de demain. A ce titre, les questions de l’accès à l’innovation, qu’elle soit organisationnelle ou thérapeutique, de leur développement, de leur efficacité et de leur financement apparaissent incontournables. Il est important de donner aux associations de patients les clés de compréhension d’un système de santé très complexe avec de nombreux interlocuteurs pour qu’elles puissent s’impliquer et contribuer à l’accès pour faire en sorte que les innovations arrivent jusqu’aux patients. Développer des innovations en santé pour qu’au final les patients n’y ait pas accès, ça n’a pas de sens.

Laurence Mendes, Responsable de la relation patient, Roche

Quelles étaient les attentes de la 6ème Journée Innov’Asso ?

Mai 20182 mins

Roche est le premier investisseur industriel dans le domaine de la recherche et du développement en santé. Développer l’innovation en santé est bel et bien l’un des objectifs essentiels, comme l’a rappelé ensuite Dr Michael Lukasiewicz, Directeur médical France de Roche.

296 essais cliniques sont actuellement menés.. Côté patients, ce sont 2899 personnes qui ont été incluses dans les essais cliniques cette année. Face à l’accélération de la science et dans le cadre de la multiplication de projets innovants en santé, il est indispensable d’adapter le cadre réglementaire, le développement clinique et les modèles de financement.

Dr Michael Lukasiewicz, Directeur médical France, Roche

Cet environnement sans précédent est une formidable opportunité pour changer des vies plus rapidement, assurer le développement de traitements innovants et individualisés et répondre à des besoins médicaux non couverts. Les patients ont un rôle à jouer dans l’acquisition des connaissances, notamment via les données en vie réelle qu’ils apportent sur la performance des médicaments et dispositifs innovants, et cela dans toutes les pathologies.

Augmenter les possibilités de traitement et diminuer les prix

L’augmentation du volume de données en santé, à l’origine de nombreuses innovations, s’explique notamment par la multiplication des sources. Outre les données issues des essais cliniques, les données précliniques et les données d’imagerie, les acteurs de la santé peuvent également s’appuyer désormais sur des données de vie réelle.

Notre défi est de pouvoir intégrer toutes ces données, leur agréger de nouvelles méthodes d’analyse pour créer de nouvelles connaissances et optimiser l’efficacité des traitements tout en minimisant les effets secondaires. En résumé : donner au patient la meilleure option et favoriser un financement plus juste.

Dr Michael Lukasiewicz

Les associations dans le financement de l’innovation

Mai 20182 mins

Un challenge sur lequel sont revenus les participants à la première table ronde, laquelle était centrée sur le contexte français et les enjeux de l’accès à l’innovation pour l’Hexagone. L’économiste de la santé, Daniel Szeftel, a ainsi rappelé que si la France est plutôt bon élève en ce qui concerne la participation aux essais cliniques, elle l’est moins dans le domaine des innovations budgétaires et organisationnelles.
Voir l’interview de Daniel Szeftel

Il a exhorté les associations de patients à participer aux innovations organisationnelles en les évaluant à la demande des pouvoirs publics et des établissements de santé. Cependant, encore faut-il que tous les acteurs (pouvoirs publics, patients et professionnels de santé) les acceptent et les comprennent. C’est pourquoi Christian Fillatreau, Président du Cluster TIC Santé Nouvelle Aquitaine et professeur associé à Sciences Po Bordeaux a employé l’expression d’ « acceptabilité nécessaire ». Le Pr Jean-Luc Harousseau a de son côté indiqué que l’écoute et la prise en compte des vécus des patients et de leurs besoins ne sont possibles que s’ils sont audibles. Il est donc nécessaire que les patients soient formés pour être considérés comme légitimes à s’exprimer.

Qui dit accès à l’innovation, dit accès aux médicaments innovants. Or, force est de constater que sur ce plan, le délai entre l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament et sa mise à disposition effective pour les patients s’est considérablement allongé en France. La faute à l’augmentation des prix. En effet, les coûts élevés posent un problème d’accès aux médicaments et de soutenabilité financière pour le système de santé : les discussions budgétaires retardent significativement l’accès à certains nouveaux médicaments. Là encore, les associations de patients ont un rôle à jouer dans le financement des innovations, la discussion sur la mise à disposition, la fixation des prix des innovations ou encore les retours d’expérience en vie réelle.

Retrouvez ici la frise « Les étapes clés de l’accès à l’innovation »

PRM, une solution pertinente pour favoriser l’accès aux innovations

Un grand nombre d’innovations sont en cours de développement, notamment en cancérologie et en hématologie. L’objectif est que les patients aient un accès rapide à ces progrès thérapeutiques. Pour ce, les industriels doivent respecter toute une procédure et entrer en contact avec les différents acteurs autorisant la mise sur le marché des dispositifs et traitements innovants. Roche dispose de collaborateurs experts chargés des aspects réglementaires, lesquels travaillent en lien avec l’agence nationale du médicament (ANSM), les services du Ministère de la santé et de la Haute Autorité de Santé (HAS).

L’enjeu est de raccourcir un processus très séquencé tout en l’optimisant car une fois que le médicament a obtenu une validation européenne, il lui reste encore à être autorisé par le pays. Plusieurs paramètres entrent en compte : l’efficacité clinique, l’amélioration du service médical rendu, le remboursement et le coût.

Frédéric Chassagnol, Directeur accès au marché et valorisation, Roche France

Le projet PRM (Modèle de Remboursement Personnalisé)

Médecine personnalisée : financement des traitements innovants

Mars 20173 mins

A l’heure actuelle il faut compter environ 500 jours entre l’autorisation de mise sur le marché et la mise sur le marché effective.

Nous devons donc concilier la maîtrise des dépenses de santé tout en garantissant aux patients un accès aux innovations thérapeutiques et en encourageant les investissements en matière d’innovation.

Frédéric Chassagnol

Il importe de faire évoluer les modes de financement des nouveaux médicaments pour que les innovations restent accessibles aux patients. A ce titre, le projet PRM (Modèle de Remboursement Personnalisé) basé sur le bénéfice réel apporté aux patients et développé par Roche, apparaît comme une solution pertinente. Le bénéfice d’un médicament pouvant varier d’un groupe de patients à l’autre, Roche souhaiterait que son prix varie d’un groupe de patients à un autre, selon les indications, les profils de patients, les stades de la maladie, les associations de traitements ou encore les bénéfices patients observés. Le projet PRM a déjà permis de mettre en œuvre des modèles de prix différenciés dans plusieurs pays.

En France, plus de 140 établissements de soins sont d’ores et déjà impliqués. L’ensemble du projet PRM est géré dans le respect des obligations légales qui garantissent la protection des données de santé. Par ailleurs, il repose sur la qualité des données recueillies. C’est pourquoi Roche fait appel à un cabinet spécialisé indépendant chargé de soumettre aux autorités des données de qualité et des analyses pertinentes. Il s’agit de payer le médicament au juste prix au regard de son bénéfice.

Jean-Marc Pinguet, Directeur accès national et prix, Roche France

L’approche PRM pourrait représenter à l’avenir une référence pour la prise en charge des principaux cancers en France.

Le patient, une ressource sous exploitée


Dans la continuité des échanges de la matinée et pour mettre en pratique l’un des enjeux essentiels de l’innovation, à savoir la prise en compte de l’avis du patient, Roche a choisi de donner la parole à trois associations de patients. L’objectif : échanger sur les projets initiés ou réalisés par des associations sur la thématique des données de patients en vie réelle.

Premier projet présenté : celui porté par l’Association François Aupetit (afa) et intitulé « Les bruits de la toile : récits de patients sur Internet ».

Ce projet est le fruit d’une rencontre avec un mathématicien en juillet 2016. Nous savons depuis longtemps que les patients ont une forme de connaissance particulière issue de l’expérience de la vie avec la maladie, de leurs recherches sur Internet, des informations reçues auprès du médecin, des associations et d’autres personnes malades. Or, nous avons aussi le sentiment que si ce savoir expérientiel était mieux pris en compte, il pourrait augmenter les connaissances sur les traitements, les effets secondaires et donc permettre d’améliorer la vie des malades.

Anne Buisson, Directrice adjointe de l’AFA

Les associations et les données des patients en vie réelle

Mai 20183 mins

A ses yeux, il ne fait aucun doute que le patient est la ressource la moins utilisée dans le système de soins et de recherche, même si la donne évolue positivement. Pour preuve, le vécu des patients est désormais utilisé par la Haute Autorité de Santé pour mesurer l’efficacité d’un traitement ou l’évaluer après sa mise sur le marché. Le patient peut également déclarer lui-même des effets secondaires ressentis sans passer par un professionnel de santé. Pour aller plus loin, l’afa s’est proposée d’analyser en collaboration avec le mathématicien spécialisé en algorithmique Arslan Mazouni (Université Juan Carlos, Madrid), les discussions de patients recueillies sur son blog. Le travail porte sur près de 23 000 interactions ayant eu lieu durant les 10 dernières années et 3 506 fils de discussion.

Il s’agit d’identifier les thèmes centraux selon l’occurrence des mots.

Anne Buisson

L’étude devrait permettre de générer des connaissances nouvelles au service de l’innovation en faveur des patients.

Renforcer l’autonomie des personnes malades

Objectiver les données de vie réelle et partager l’expertise du vivre avec la maladie au quotidien, c’est également l’un des objectifs de l’association Dessine-moi un mouton dirigée par Anne-Marie Gosse. A cet effet, la structure intégrée au parcours de soins qui accompagne environ 200 personnes par an (jeunes de 3 à 25 ans atteints de maladies chroniques d’origine infectieuse ou génétique, parents et femmes enceintes) a eu recours au logiciel DIAMM. Ce dossier patient dématérialisé sert les professionnels dans leur exercice quotidien mais participe également à l’évaluation de la quantité de travail produit.

Adapter l’outil au fonctionnement de l’association a pris du temps, mais force est de constater que les premiers résultats sont encourageants, avec notamment la réduction drastique du volume des dossiers papiers. Le logiciel permet aussi un recueil de statistiques sur l’ensemble des activités de la structure, une fluidification et une homogénéisation des processus. Il convient de noter la possibilité de s’appuyer sur des indicateurs pour évaluer l’impact des actions. Les trois champs d’action de l’association ont été investis, à savoir : la santé, le social et l’éducation.

L’innovation est assurément organisationnelle. Cette démarche de recherche-action sert nos pratiques professionnelles et participe à évaluer l’apport des pratiques corporelles sur le bien-être et l’autonomie des malades. Outre le partage de savoirs, notre association qui agit au plus proche des personnes malades, nourrit l’ambition de les rendre toujours plus autonomes.

Anne-Marie Gosse, Directrice Dessine moi un mouton

Atelier « contribuer aux innovations afférentes au parcours de vie »

Mai 20181 mins

Travailler avec les patients

« Travailler avec les patients plutôt que travailler pour les patients » : tel pourrait être la devise qui a guidé le projet interassociatif CancerAdom1 porté depuis 2015 par les associations Cancer Contribution et l’AF3M (Association Française des Malades du Myélome Multiple). Ce projet fait suite à un appel d’offre lancé par la Direction Générale de la Santé et centré sur la démocratie sanitaire.

Ce projet entend faire participer les patients à la réflexion sur le virage ambulatoire jusqu’ici exclusivement pensé par les pouvoirs publics et les professionnels de santé.

Damien Dubois, Chef de projet Cancer Adom1 pour l’association Cancer Contribution

En d’autres termes : construire ensemble le virage ambulatoire en cancérologie. Cette réflexion collective doit mener à la mise en place d’un modèle de prise en charge des soins au domicile en cancérologie grâce à la démocratie participative, tout en réaffirmant la place centrale de l’expertise des patients et des aidants. A noter que la volonté des porteurs du projet CancerAdom1 est d’avancer des solutions modélisables et adaptables à toutes les pathologies chroniques.

Atelier « contribuer aux innovations dans le parcours de soins »

Mai 20181 mins

Pour concrétiser ledit projet, des méthodes issues du design participatif et des sciences humaines et sociales ont été utilisées avec quatre mots-clés : l’immersion, la co-conception, l’expérimentation et le partage. Au final, les personnes malades ont formalisé 10 propositions pour bâtir une prise en charge des soin à domicile humaine et innovante. Des propositions que les associations partenaires doivent désormais partager au plus grand nombre et concrétiser…

Offrir aux patients la possibilité de donner leur avis

Daniel Szeftel,
économiste de la santé

Quelles facultés des systèmes de santé à accueillir l’innovation ?
Auteur de l’étude intitulée « Innover, c’est bon pour la santé », l’économiste de la santé, Daniel Szeftel a pointé du doigt plusieurs éléments freinant l’accès à l’innovation en santé en France. Tout en avançant des exemples étrangers sur lesquels il serait intéressant de s’appuyer…

Parmi tous les blocages de l’accès à l’innovation, lequel vous apparaît comme important de résoudre en priorité ?

Il me semble qu’en France, nous n’anticipons pas assez non seulement les innovations médicamenteuses mais aussi celles concernant les dispositifs médicaux, tout comme celles qui vont impacter le système de santé dans son organisation, son financement ou son évaluation. L’exemple significatif est celui de l’Hépatite C. Quand de nouvelles générations de médicaments sont arrivées sur le marché avec un potentiel de guérison totale, ces médicaments au coût non négligeable ont suscité de nombreuses questions pour les systèmes de santé. En France, nous nous sommes saisis du sujet très tardivement. Certes, nous avons trouvé des solutions pour mettre en place un cadre de financement approprié, mais cette absence d’anticipation ne nous permet pas de penser des stratégies efficientes de lutte contre la diffusion de l’infection et ainsi assurer ce qu’on appelle le vidage de réservoir des patients.

Comment s’organisent justement les autres pays pour anticiper ?

Les autres pays, notamment le Canada et l’Italie, font de l’horizon scanning. En clair, ils étudient les bases des essais cliniques et essaient ainsi de se projeter 4 à 5 ans plus loin pour anticiper des transformations amenées par l’innovation. Cette réflexion est menée par toutes les parties prenantes du système de santé. Elle porte sur les impacts cliniques, économiques et organisationnels. Les patients ont ainsi l’opportunité de donner leur avis.

Les méthodes d’évaluation semblent également constituer un défi à relever pour assurer le développement des innovations ?

En effet, de plus en plus d’innovations arrivent de manière très précoce, ce qui pose la question de l’évaluation. Comment va-t-on évaluer l’innovation et quelle est la valeur de l’évaluation qui sera menée ? Une réflexion méthodologique doit s’engager afin de ne pas toujours courir derrière les nouvelles innovations. A l’étranger, à l’arrivée de chaque innovation, on réfléchit à la façon de l’évaluer. Ainsi, au Canada, l’équivalent de la Haute Autorité de Santé française mobilise toutes les parties prenantes (cliniciens, patients, laboratoire qui réalise l’évaluation et ses concurrents, assurance-maladie etc.) pour solutionner toutes les problématiques méthodologiques. Ce processus public assure une parfaite transparence et permet de gérer la question des conflits d’intérêts.

Qu’en est-il de la question économique qui, comme souvent, apparaît comme le nerf de la guerre pour toujours plus d’innovations adaptées et efficaces ?

On a une approche de plus en plus budgétaire de l’accès à l’innovation, laquelle est d’abord perçue comme un coût qui va impacter l’assurance maladie. C’est pourquoi le système de santé s’est doté d’outils pour encadrer l’accès à l’innovation, mais cela se traduit par des blocages. Le domaine de l’oncologie constitue un parfait exemple : entre les médicaments diffusés aux Etats-Unis et ceux diffusés en France, on note un délai important. Si bien que la France se place actuellement derrière des pays européens comme l’Angleterre. Certes, les médicaments américains finiront par accéder au marché français mais trop tard. Quand ils arrivent en France, les autres pays en sont déjà à l’innovation d’après.

Quelle serait alors la solution ?

Les bons exemples viennent d’ailleurs. En Allemagne, il est possible d’accéder rapidement à la diffusion d’un traitement à l’hôpital grâce à un simple accord entre les hôpitaux et les caisses régionales d’assurance maladie, pour que les hôpitaux d’être remboursés. Si l’innovation n’est pas aussi prometteuse que l’on pensait, l’accord peut rapidement être rompu. Ce modèle dynamique permet de mieux gérer l’aspect budgétaire. Aux Etats-Unis, le développement du paiement au parcours ou à l’épisode de soins dans le cadre de la réforme Obamacare a transformé le financement du système de soins. On ne regarde plus seulement les hospitalisations et réhospitalisations, mais on regroupe l’ensemble des coûts de l’hôpital. Les hôpitaux aux faibles coûts gagnent un bonus et récupèrent une partie de l’argent gagné par les assureurs. Les autres font l’objet de malus, et doivent reverser une partie de l’argent aux assureurs. L’approche n’est pas que budgétaire mais aussi qualitative, car la question de l’amélioration de la qualité de vie des patients entre en compte pour bénéficier du bonus.

Si les questions économiques et techniques semblent évidentes, les aspects organisationnels et juridiques ne doivent pas être négligés. Quelle est sur ces plans la marche de manœuvre ?

Pour construire des programmes d’accompagnement des patients et de télémédecine, de nombreuses autorisations doivent être obtenues. Juridiquement, c’est très compliqué. Cela traduit le fait que les pouvoirs publics pensent que les innovations organisationnelles doivent être initiées par des professionnels de santé ou établissements de soins, et non par des associations de patients ou des industriels jugés illégitimes. En Angleterre, la réflexion est inverse. Ainsi, ont été créés des incubateurs d’innovations organisationnelles. Les projets sont régulièrement testés par des groupes de patients et évoluent en fonction des remarques des représentants des patients. En Allemagne, le programme Special Care est une source importante de renouvellement de l’organisation allemande des soins.

Les présentations de la journée

Retrouvez les slides de la 6ème Journée Innov’Asso.

Les vidéos de la journée

Retrouvez les messages clés à travers les interviews des intervenants.