Les précautions spécifiques à l’utilisation, par une association de patients, de données de santé existantes
Les principales sources de données
Le Système National des Données de Santé (SNDS)
Le SNDS constitue la source principale qui peut permettre de documenter des sujets d’intérêt pour les associations de patients.
Le SNDS regroupe les principales bases de données de santé publique existantes : données du PMSI (hospitalisations), de l’Assurance Maladie (dépenses et remboursements en soins de ville, en établissements de santé), et du CEPIDC (causes médicales de décès).
On peut réaliser directement des analyses à partir du SNDS, à condition de pouvoir identifier la population qui nous intéresse : via un acte « traçant » (relatif à la pathologie), des motifs d’hospitalisation précis, un traitement spécifique, une affection longue durée identifiable, ou via la combinaison de plusieurs critères.
Quelques exemples d’identification de pathologie
- La sclérose en plaques peut être identifiée à partir des hospitalisations (Code CIM10 G35), d’une prise en charge dans le cadre de l’ALD (N°25) ou via les traitements de fond spécifiques de la maladie (1).
- Les patients diabétiques de type 2 sont identifiables via un algorithme prenant en compte la prescription d’antidiabétiques oraux, d’insuline, d’une prise en charge dans le cadre de l’ALD et des hospitalisations (2).
- Certaines maladies rares peuvent être identifiées via l’existence d’un code CIM 10 spécifique à la maladie (drépanocytose (CIM10 D57.1 D57.2), Syndrome de RETT (CIM10 F 84.2), …) (3,4).
- Les patients greffés sont notamment identifiables via des suivis spécifiques et les codes de tous les produits immunosuppresseurs (au moins x délivrances d’un immunosuppresseur sur 1 an par ex).
La réalisation d’une étude sur les données du SNDS nécessite un dépôt au CESREES puis à la CNIL.
Le traitement des données doit être prévu dans un cadre sécurisé conforme aux exigences de la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie) et l’assistance d’un statisticien ayant les pré-requis nécessaires pour analyser ces données du SNDS est le plus souvent nécessaire. En pratique, il est recommandé de faire appel à un bureau d’études spécialisé dans ce type de prestation.
Les réponses de l’expert (Viviane Jeanbat, CEMKA) :
- Un registre existe pour la pathologie sur laquelle j’enquête et nous souhaitons savoir combien et de quoi les patients inscrits sont décédés. Quelles sont les formalités administratives pour mener ce projet ?
Si ce sont des données recueillies ponctuellement pour une étude donnée, c’est à étudier au cas par cas, mais généralement un process CESREES puis CNIL, vous autorisant à travailler sur le SNDS ou à chaîner vos données avec celles du SNDS, est nécessaire. Si cela fait partie du recueil pour constituer un entrepôt de données (ou enrichir votre registre), cela peut se faire directement auprès des adhérents après avoir accompli toutes les formalités réglementaires. Néanmoins il faut garder en tête que chaque étude qui sera réalisée à partir des données de cet entrepôt doit faire l’objet d’une déclaration, car les finalités de traitement, les destinataires de données, etc… changent. Les adhérents devront donc également en être informés. - Je souhaiterais connaître le nombre de patients qui prennent le médicament X, et parmi ces patients, je voudrais connaître la proportion qui prennent aussi le médicament Y. J’aimerais savoir sur ces 2 populations la part des mineurs et des majeurs.
Les données évoquées (consommation de certains médicaments, taux de décès et causes de décès) sont disponibles dans le SNDS de façon exhaustive. (cf chapitre plus haut et fiche SNDS). La question à se poser est de savoir si vous souhaitez l’information pour l’ensemble de vos adhérents : il faut alors prévoir un chaînage avec les données SNDS. Ou si vous souhaitez travailler sur l’ensemble des patients concernés par la pathologie : il faut alors travailler sur la façon d’identifier ces patients dans le SNDS et vérifier que c’est faisable (à vérifier avec des spécialistes de la pathologie et du SNDS). En fonction de votre calendrier ou s’il s’agit d’une enquête exploratoire (pour vérifier une hypothèse avant recherche plus importante par exemple) ou si vous n’avez que cette question, il est également possible de prévoir une enquête ponctuelle auprès de vos adhérents.
Autres données utiles
- Les données de pharmacie
- Les données de prise en charge en ville telles que des diagnostics ou des données déclaratives de symptômes issues d’applications mobiles de santé et d’outils de télésuivi, télésurveillance ou télémédecine
- Les résultats d’examens biologiques réalisés par les laboratoires hospitaliers et les laboratoires de biologie médicale de ville
- Les données relatives aux urgences collectées par l’Agence nationale de santé publique (ANSP, Santé publique France) dans le cadre du réseau de surveillance coordonnée des urgences
- Les données relatives aux appels recueillis au niveau des services d’aide médicale urgente et des services concourant à l’aide médicale urgente
- Les données relatives à l’activité et à la consommation de soins dans les établissements ou services médico-sociaux, notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)
- Les enquêtes réalisées auprès des personnes pour évaluer leur vécu
- Les données non directement identifiantes issues du système d’identification unique des victimes
- Les données cliniques telles que d’imagerie, de pharmacie, de biologie, de virologie, de comptes rendus médicaux de cohortes de patients pris en charge dans des centres de santé en vue de leur agrégation.
Ces données peuvent être reçues par le Health Data Hub et rendues accessibles sous certaines conditions.
Notons que l’accès aux données des registres existants et des cohortes épidémiologiques sur des pathologies précises est possible pour des projets ponctuels, sous certaines conditions.
Comment chaîner les données
Il est possible de compléter des données à disposition ou collectées, avec les données du SNDS, ou d’autres bases de données existantes.
L’intérêt est double : compléter les données dont on dispose d’une part, et limiter le recueil de données auprès des patients ou des professionnels de santé d’autre part.
Deux méthodes sont possibles pour le chaînage des données :
- Appariement direct avec l’utilisation du NIR (numéro de sécurité sociale)
- Appariement indirect à partir de données indirectement identifiantes (date de naissance, sexe,….).
Par exemple
• Les données du Registre Lorrain de la Sclérose en Plaques ont été appariées avec les données de consommations de soins pour estimer le fardeau économique de la maladie (5).
• Les données de la banque nationale de données maladies rares (BNDMR) ont été appariées avec les données des hospitalisations (PMSI) afin d’estimer la prévalence d’une maladie rare (Fibrose ossifiante progressive) (6).
Le Health Data Hub (HDH) : une voie d’accès aux données existantes à privilégier
Le HDH, créée en novembre 2019 pour faciliter le partage des données de santé, vise à terme à regrouper et croiser l’ensemble des données de santé. Un catalogue de données documenté sera construit de manière progressive pour mettre à disposition les données existantes, selon certaines conditions (SNDS historique, cohortes, registres, données hospitalières, etc.).
Le HDH propose aux associations de patients un accompagnement qui peut s’avérer facilitant, à commencer par la caractérisation des patients qu’elles représentent : nombre, caractéristiques des patients (ex. âge, sexe, lieu d’habitation, …). Ceci constituerait une première collaboration utile et relativement « simple » entre les associations de patients et le HDH.
Les perspectives de l’espace numérique en santé (ENS)
La mise en place de l’ENS, prévue pour janvier 2022, peut constituer une nouvelle opportunité pour les associations de patients. L’ENS intégrera le DMP (dossier médical partagé), consultable, alimentable par le patient et partageable avec les professionnels de santé (PdS) si le patient le souhaite. Il ambitionne d’offrir un espace de stockage de tous les documents de santé des patients (dans des conditions sécurisées, à la main du patient) et des services référencés avec possibilité notamment via l’ENS, de mettre en place des recueils de données spécifiques sur une période déterminée.
Conclusion
La réglementation qui régit la protection des données de santé est exigeante, mais elle ne doit pas décourager les associations de patients. Elle leur permet au contraire de conduire des enquêtes sur des maladies et sur les patients qu’elles représentent dans un cadre sécurisant. Tout est possible si cela est justifié, légitime et encadré.
La qualité de vie est un sujet essentiel pour les patients, pour améliorer les prises en charge et humaniser les soins. L’analyse des données de santé peut permettre de l’objectiver et de militer pour qu’elle soit prise en compte à différents niveaux, notamment lors de l’évaluation des produits de santé, des parcours et des stratégies thérapeutiques.
Les associations de patients ne doivent pas être intimidées par les processus réglementaires et encore moins par une présomption d’incompétence qui pèse souvent et injustement sur elles.
Il est essentiel pour elles de s’emparer de ce sujet fondamental et qui les concerne au premier chef, de saisir les opportunités et les mains tendues qui se présentent pour renforcer leurs savoirs et leurs actions de plaidoyer.
(1) Foulon S, Maura G, Dalichampt M, et al. Prevalence and mortality of patients with multiple sclerosis in France in 2012: a study based on French health insurance data. J Neurol. 2017;264(6):1185-1192. doi:10.1007/s00415-017-8513-0
(2) Charbonnel B, Simon D, Dallongeville J, et al. Direct Medical Costs of Type 2 Diabetes in France: An Insurance Claims Database Analysis. Pharmacoecon Open. 2018;2(2):209-219. doi:10.1007/s41669-017-0050-3
(3) Duburcq A, Mercier C, Scherman D, Lévy P, Bahi-Buisson N, Desguerre I, Galactéros F, Jondeau G, Susen S, Courouve L, Detournay B, Coût des maladies rares en France en 2017 : une analyse des données du Système National des Données de Santé (SNDS) sur 5 pathologies
(4) M. Nasser, S. Larrieu, S. Si-Mohamed, K. Ahmad, L. Boussel, M. Brevet, D. Revel, F. Thivolet-Bejui, J. Traclet, M. Lederlin, S. Marque, J. Massol, D. Maucort-Boulch, S. Zeghmar, E. Hachulla, S. Jouneau, V. Cottin, Développement d’algorithmes pour identifier les patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse de forme progressive (hors fibrose pulmonaire idiopathique) (PID-FP) en France (étude PROGRESS), Revue des Maladies Respiratoires Actualités, Volume 12, Issue 1, 2020
(5) Detournay B, Debouverie M, Pereira O, et al. Economic burden of multiple sclerosis in France estimated from a regional medical registry and national sick fund claims. Mult Scler Relat Disord. 2019
(6) Geneviève Baujat, Rémy Choquet, Stéphane Bouée, Viviane Jeanbat, Laurène Courouve, et al.. Prevalence of fibrodysplasia ossificans progressiva (FOP) in France: an estimate based on a record linkage of two national databases. Orphanet Journal of Rare Diseases, BioMed Central, 2016, 12 (1), pp.123. (10.1186/s13023-017-0674- 5). (inserm-01552312).