Les associations au cœur de l’innovation en santé

Mieux accompagner le patient et les professionnels de santé

Ce mois-ci, découvrez le deuxième volet de notre dossier consacré au parcours de soin « Parcours de santé, parcours de soins, parcours de vie … une approche globale à découvrir en 3 volets ».
Pour mieux comprendre les besoins des associations, nous sommes allés à la rencontre de Gérard Raymond, président de France Asso Santé et de Frédéric BIZARD, économiste, qui s’est interrogé sur la façon de réorganiser notre système de santé.

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Du bilan diagnostic jusqu’au suivi à long terme, les parcours de soins sont organisés pour offrir aux patients une prise en charge personnalisée, simplifiée, coordonnée et de qualité. Il n’en demeure pas moins que des difficultés subsistent et qu’il convient d’accompagner toujours mieux les patients mais aussi les professionnels de santé.

Communes sous dotées en médecins, manque de coordination entre professionnels de santé, “silos” entre les patients suivis en ville et ceux suivis à l’hôpital. le parcours de soin n’est pas toujours aussi fluide qu’on pourrait le souhaiter. 

Quelques pistes peuvent néanmoins permettre de l’améliorer…

Le besoin d’un coordinateur référent

Selon le Professeur Loïc Guillevin(1), médecin interniste au centre médical Luxembourg à Paris, pour optimiser la prise en charge d’un patient, il est indispensable qu’un médecin joue le rôle de chef d’orchestre. « Je pense qu’il ne faut pas juxtaposer les spécialistes, ce qui est malheureusement trop souvent le cas. C'est-à-dire que le patient voit, par exemple, le dermatologue, le rhumatologue, le néphrologue, le cardiologue. A mon sens, il faut un référent, lequel doit bien intégrer l’environnement du patient, sa famille, son travail… car l’impact sur la vie est absolument majeur », explique-t-il. 

Alors qui doit jouer ce rôle de coordination ? 
La réponse peut varier selon le Professeur Loïc Guillevin, y compris lorsqu’il s’agit d’une même pathologie : « Prenons le cas du lupus. S’il est uniquement rénal, l’organisateur des soins sera le néphrologue. Mais ce peut être aussi un interniste, un dermatologue si les lésions cutanées sont importantes… En fonction des moments de la vie, et de l’évolution de la maladie, les rôles peuvent changer. Au moment d’une grossesse par exemple, l’obstétricien peut être le pivot de la prise en charge. Le patient a aussi le droit de choisir le médecin coordinateur ». 

La maladie s’exprime différemment en fonction des phases de la vie, le référent peut donc  évoluer. Et d’ajouter que naturellement un praticien va se distinguer et « s’imposer ».  

C’est parfois aussi lié à la qualité de la relation médecin/patient. 

La multidisciplinarité peut inclure le recours à un psychologue ou un psychiatre si nécessaire.  Et plus largement s’étendre à toutes les personnes qui aident à l’éducation thérapeutique du patient. « Il n’est pas rare que les données cliniques et paracliniques s’accumulent, sans être toujours lues d’ailleurs par les différents spécialistes. La synthèse est un chemin à approfondir », précise-t-il. 

L’hôpital a besoin d’un management de terrain

Pour Étienne Minvielle(2), Directeur de Recherche au CNRS (3), Professeur à l’Ecole Polytechnique, et Chargé de mission Parcours innovants à l’institut Gustave Roussy, ce qui est en jeu, c’est surtout la question du management. 

Dans un contexte de sous-effectifs, de fatigue du personnel et de lassitude générale post Covid, l’hôpital n’en finit pas d’être sous tension. 
« On associe le management à des logiques comptables et des exigences bureaucratiques, mais en fait le management c’est autre chose », estime-t-il. « C’est l’animation d’équipes fédératrices, la reconnaissance du travail accompli, la réduction des hiérarchies et une plus grande autonomie des équipes de soins », l’ensemble concourant à un management de terrain. Ce qui suppose des innovations dans l’organisation quotidienne, avec une meilleure coopération au-delà des frontières physiques de l’hôpital dans le cadre du parcours du patient. 

«Le fait de travailler en équipe et de se coordonner n'est pas quelque chose d’évident. Jouer collectif est une habileté qui s'acquiert. Il peut y avoir des questions  d'égo et de statut. Un professeur de médecine a de nombreuses connaissances, certes, mais une infirmière libérale qui évolue régulièrement  au domicile du patient a d’autres connaissances. Il est donc  important qu’un dialogue se mette en place. A mes yeux, il y a un réel enjeu de formation. Par ailleurs, il faudrait sans doute faire figurer ces aspects dans la dimension du recrutement », estime-t-il

Mieux organiser le retour à domicile et la télésurveillance

D'une manière générale, le patient passe de plus en plus de temps en dehors de l’hôpital, du fait des avancées médicales. Cela implique de mieux maîtriser la relation avec lui à distance. « A cette fin, l'Institut Gustave Roussy a mis en place une plateforme téléphonique et  numérique. Cela permet par exemple de trouver des solutions si les médicaments figurant sur l’ordonnance ne sont pas disponibles en pharmacie de ville, car des ruptures de traitement peuvent être très préjudiciables. L'arrivée du digital et du numérique a été déterminante pour améliorer le suivi », poursuit Etienne Minvielle. 

La télésurveillance est, dans cette logique, tout à fait essentielle. 

A ce sujet, l’Institut Gustave Roussy a mené une étude baptisée Capri(4) : « il s’agissait d’évaluer le suivi à distance, sachant que les patients sous thérapie orale ne reviennent pas à l’Institut Gustave Roussy, ou seulement pour des séances de chimiothérapie intraveineuse en hôpital de jour. Grâce à l’outil déployé, nous avons amélioré leur expérience et réduit leurs venues à l'hôpital. La création d'un département des parcours patients, le DIOPP , a permis une meilleure organisation des parcours de patients. Lorsqu’ils arrivent à l'hôpital, on est mesure de mieux savoir ce qui s’est passé et d’anticiper leur retour à domicile », ajoute Etienne Minvielle. 

Il n’en demeure pas moins que l’outil digital n’est puissant que si des infirmières de coordination traitent la donnée.  Le rapprochement avec des structures comme le réseau Onco 94(5) permet par ailleurs une meilleure coordination avec les professionnels de santé dans cette zone géographique de proximité.

Valoriser la notion de partage 

Enfin, pour mieux accompagner les patients et les professionnels de santé, la notion de partage est importante. Et tous les acteurs de l’écosystème sont concernés. A commencer par les industriels.

« Ce partage commence dès la phase de recherche-développement, en lien avec les parties prenantes de l'écosystème. Pour fluidifier le parcours de soin, il nous paraît pertinent d’avoir une recherche beaucoup plus orientée sur l'atteinte d'un résultat significatif doté de valeur pour les patients et les associations de patients. Nous sommes attachés à cette notion de co-responsabilisation », explique Jean-François Brochard, président de Roche France. 

Ce propos fait référence à plusieurs études qui montrent que, dès lors que les patients sont responsabilisés, les chances de rémission sont meilleures. « C’est pourquoi il est crucial de soigner l'information que l’on délivre sur nos innovations thérapeutiques, mais aussi d’évaluer l’usage des médicaments dans la pratique, en vie réelle. Notre expertise nous permet de mettre en œuvre un certain nombre de moyens, notamment grâce aux outils numériques, et ce, à l’échelle internationale. Cela contribue à améliorer les parcours de soins », conclut-il.

(1) Dernières parutions de Loïc Guillevin
- Traité de médecine, Auteurs : Loïc Guillevin, Luc Mouthon, Hervé Lévesque (2019. Ed Eyrolles)
- Le livre de l’interne (2014. Ed Eyrolles)

(2) Dernières parutions d’Etienne Minvielle :
- Voyage au cœur du système de santé. 100 témoignages pour apprendre à gérer avec la crise. (2021.Ed Eska)
- Conditions de travail à l’hôpital: quelles pistes d’amélioration? (Les Tribunes de la santé, 2021)
- The Use of Patient-Reported Outcomes (PROs) in Cancer Care : A Realistic Strategy (2022. Annals of Oncology)
- Digital remote monitoring plus usual care vs usual care in patients treated with oral anticancer agents: the randomized phase 3 CAPRI trial. (2022.Nature Medicine) https://rdcu.be/cL4xA

(3) CNRS,  Le Centre national de la recherche scientifique est un organisme public de recherche (Etablissement public à caractère scientifique et technologique)

(4) CAPRI, Cancérologie Parcours de soins Région Ile-de-France (CAPRI)

(5) ONCO 94 ouest, Réseau de cancérologie, de gérontologie et de soins palliatifs du Val-de-Marne ouest

5 questions à Gérard Raymond, président de France Asso Santé

On assiste à un changement de paradigme autour du parcours de soins. Qu'est-ce que cela signifie pour les patients ?

C'est une évolution inéluctable de notre système de santé de passer d'une médecine solitaire à une médecine solidaire. 
Avec le développement des pathologies chroniques et le vieillissement de la population, il est indispensable d’élaborer des parcours de soins qui correspondent au parcours de vie des patients. Cela fait bien longtemps que nous défendons cela. 
Progressivement, des outils de coordination se mettent en place, notamment avec les DAC (Dispositifs d’Appui à la Création).

La dynamique actuelle vous paraît-elle suffisamment collaborative ?

L’outil numérique doit créer du lien, des relations directes entre les soignés et les soignants.
Il y a encore du chemin à faire mais les choses avancent. Il faut désenclaver l’hôpital, pour arriver à un fonctionnement beaucoup plus large au niveau de notre système de santé, particulièrement sur les territoires.

On a quand même le sentiment que tous les acteurs sont mobilisés, y compris les industriels, les pouvoirs publics … ?

Tout le monde a bien compris qu'il fallait aller dans le même sens , dans une logique  gagnant-gagnant. Il faut offrir au patient une prise en charge simplifiée. 
Notre responsabilité à nous, en tant qu’association, c'est d’être une force de proposition responsable.

Tout n’est pas encore fluide. Quelles sont selon vous les principales difficultés aujourd'hui en termes de gestion des parcours ?

On paye 40 ans d'une évolution de notre système de santé qui n'a pas répondu à l'évolution de notre société. Et qui a mené à une désorganisation. 
Tout est à remettre à plat dans des conditions extrêmement difficiles de pénurie de médecins. Les métiers de la santé sont de moins en moins attractifs parce qu’effectivement ils ont perdu du sens. Il faut leur en redonner car soigner des gens, voire les sauver parfois, c’est le plus beau métier du monde.
Mais la réalité sur le terrain, c’est qu’on n’a plus le temps de soigner, on fait de l'abattage. Les médecins doivent faire 80 consultations par jour dans un souci de rentabilité. Il y a une nécessité aujourd'hui de mettre tous les acteurs autour de la table, pour essayer de faire mieux.
Surtout sur les territoires pour redynamiser l’offre de soins.

Avez-vous le sentiment d'être assez entendu ?

Passer de la représentation à la participation, c'est un véritable enjeu. 
Il y a des modifications profondes à initier, notamment pour aller vers de nouvelle forme de rémunération plutôt qu'une rémunération à l'acte. 
Si on veut améliorer la qualité des soins, il faut que les soignants puissent prendre le temps nécessaire !

Pour une refonte du système de santé

Économiste, Frédéric BIZARD s’est interrogé sur la refonte du système de santé, en réfléchissant à la façon de préserver les valeurs fondamentales de notre système actuel.

Il esquisse quelques pistes de réflexion pour le réorganiser. 

En effet, le système de santé est selon lui remis en cause par un changement d'environnement caractérisé par une triple transition démographique, épidémiologique et technologique.  « Il a été pensé pour le soin individuel, pas dans une logique de parcours ALD (affection longue durée) ni dans une logique de prévention. Ce n’est pas qu’il est mauvais en tant que tel, mais il est aujourd’hui totalement inadapté », estime-il.  

Et d’ajouter : « depuis vingt ans, plusieurs tentatives de sauvetage sont intervenues. On a notamment pensé qu’il fallait que l'État reprenne la main. On a étatisé toute la gouvernance dans une logique de bureaucratisation à l'extrême qui asphyxie toute initiative et toute innovation locale ».  

Redonner une place valorisante aux professionnels de santé 

Il lui paraît logique que tout se délite, parce qu’on a « déresponsabilisé »  les acteurs locaux : « beaucoup de paramédicaux ont abandonné parce qu’ils trouvaient qu’il n’y avait plus de sens. Il est urgent de redonner une place valorisante aux professionnels de santé, en leur redonnant un pôle dans l’organisation des soins. On a voulu améliorer l'efficience du système, mais c'est l'inverse qui s'est passé ». 

Mieux allouer les ressources 

La question est aussi d’ordre organisationnel et budgétaire, avec un problème d'efficience des ressources : « on observe un surinvestissement dans les structures immobilières hospitalières et un sous-investissement dans les équipements technologiques dans les ressources humaines. Il me paraît important de réorienter ces ressources. Et ce d’autant plus que les ALD (affections longue durée) représentent deux tiers des dépenses de l'assurance maladie.  

Mettre en place un contrat thérapeutique 

Il appelle de ses vœux la mise en place d’un contrat thérapeutique qui serait envisagé dès la phase de l’annonce, pour qu'il y ait une compréhension des enjeux et une adhésion très forte des patients. « L'alliance thérapeutique est l’un des enjeux du parcours de soins. Or ce n’est pas si évident pour une large frange de la population. Il faudrait peut-être envisager, comme cela a été fait pour le plan cancer, des plans personnalisés de santé », analyse Frédéric Bizard. 

Donner plus de responsabilités aux territoires 

Et d’ajouter : « les territoires de santé devaient avoir des missions de soins et de santé publique, mais c’est un échec car en réalité, ils n’ont pas assez d’autonomie en matière de gouvernance ». Sortir de l'hospitalo-centrisme , tel est son souhait. C’est pourquoi le 12 octobre prochain, il organise à Paris un congrès sur la reconstruction du système de santé. 

Avec l’idée de proposer un service public territorial de santé piloté par un groupement territorial de santé, base associative constituée de différents collèges d'élus locaux, de professionnels de santé, d’associations de patients…  « On ne peut plus faire du bricolage ou des adaptations, il faut une vraie restructuration », conclut-il.  

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M-FR-00007440 - V1.0 - Établi en Octobre 2022

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