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Accès précoce et prise en charge des médicaments : ce qui va changer

Comment accélérer l’accès aux traitements, accroître la lisibilité pour les acteurs, améliorer l’attractivité et la prévisibilité pour les entreprises ou encore garantir la soutenabilité financière de l’assurance maladie ? Autant de questions auxquelles répond l’article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale 2021 (LFSS).

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Ce qui est notamment prévu, c’est une refonte complète du régime d’accès précoce et de prise en charge des médicaments. Terminés les dispositifs d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) et la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) qui permettaient notamment aux médicaments d’être disponibles avant même l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) et/ou l’inscription sur les listes d’admission au remboursement. Le nouveau système, en vigueur dès le 1er juillet prochain, instaurera une procédure à deux niveaux : un « accès précoce » et un « accès compassionnel ».

C’est, en France, une tradition scrutée, pour ne pas dire redoutée, par la majorité des Français. Chaque année, le 1er juillet s’accompagne d’une série de revalorisations des tarifs. Parmi les secteurs concernés : les allocations chômage, le tabac, les frais bancaires, le prix du gaz ou encore de l’électricité. Rien sur les médicaments ou leur prise en charge. Du moins jusqu’en 2021. Car cette année, la donne change et le 1er juillet prochain, les médicaments, leur mise sur le marché et donc leur prise en charge feront également l’actualité. Certes, aucun changement de prix n’est avancé. Le sujet est ailleurs. Il réside dans les notions d’accessibilité et d’innovation thérapeutique. Pour mieux comprendre l’objet de la refonte avancée par la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, dite loi de LFSS pour 2021, un état des lieux s’impose.

Aujourd’hui, deux régimes de prise en charge dérogatoire des médicaments existent.
Le premier, baptisé ATU pour Autorisations Temporaires d’Utilisation, permet de bénéficier d’un accès précoce au marché (avant l’octroi officiel de toute autorisation de mise sur le marché) et d’un accès précoce à la prise en charge.
Le second régime, celui de la Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU), donne la possibilité à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) d’encadrer via un protocole dédié des prescriptions non conformes à une autorisation de mise sur le marché.
Objectif : sécuriser l’utilisation des médicaments concernés.

Passé le 1er juillet, les différentes ATU et la RTU seront supprimées et respectivement remplacées par les dispositifs d’accès précoce et d’accès compassionnel. De quoi raccourcir le délai d’attente pour les patients avant de pouvoir bénéficier d’un traitement innovant. A noter que les ATU et RTU dont l’échéance est postérieure au 1er juillet, demeureront jusqu’à leur terme, sans possibilité d’être renouvelées.

Pour vous, Innov'Asso décrypte les tenants et aboutissants de la réforme à venir, en 7 points-clés.

Voir notre vidéo de 3 minutes pour en savoir plus sur la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2021 :

https://youtu.be/SK98YsG1T1A

Loi de financement de la Sécurité Sociale 2021. Ce qu’il faut retenir

Juin 2021 - 3 mins

Quels médicaments sont concernés par le dispositif d’accès précoce ?

Le nouveau dispositif concerne tout médicament pour lequel l’industriel a déposé ou s’engage à déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et de prise en charge, pour une ou plusieurs indications considérées et ce dans un délai déterminé. Du moins les médicaments qui satisferont à 5 critères jugés essentiels : traiter une maladie grave, rare ou invalidante ; traiter une maladie pour laquelle il n’existe pas de traitement approprié ; traiter une maladie pour laquelle la mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée ; les médicaments dont l’efficacité et la sécurité sont fortement présumées ; des médicaments « présumés innovants ». Les guillemets sont plus que jamais de circonstance tant il est difficile de savoir comment cette présomption d’innovation sera appréciée.

Voilà pourquoi le législateur à préciser que « le caractère innovant serait apprécié notamment au regard d’un éventuel comparateur cliniquement pertinent ». A y regarder de plus près, les médicaments concernés sont très souvent des médicaments innovants particulièrement coûteux destinés à traiter des pathologies graves (cancers, maladies d’origine génétique etc.). Et pas question pour les industriels qui obtiendraient un accès précoce de prendre leur temps pour déposer leur demande d’autorisation de mise sur le marché.
Contrairement aux ATU dont la durée n’est pas limitée, celle des autorisations d’accès précoce le sera. Bien que renouvelable, cette durée sera fixée par décret.

Qui délivrera les autorisations d’accès précoce ?

La Haute Autorité de Santé (HAS) et non l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), comme c’est le cas actuellement pour les ATU et RTU. Pour autant, l’ANSM n’est pas complètement mise hors-jeu puisqu’elle devra rendre un avis attestant ou non de la présomption d’efficacité et de sécurité pour les demandes portant sur des médicaments ne disposant pas d’AMM dans l’indication considérée. Son avis conditionnera non seulement l’octroi de l’accès précoce mais aussi l’autorisation de prise en charge à titre dérogatoire par l’Assurance maladie, dans les indications concernées, dans les établissements de santé.

Avec cette réforme des ATU, la HAS se veut être un guichet unique participant à l’accélération et à la simplification de la procédure. Des délais administratifs de moins de 80 jours sont avancés contre 4,5 mois en moyenne actuellement.

Concrètement, comment ça marche ?

Comme pour les ATU, l’industriel fixe librement le montant de « l’indemnité » demandée aux établissements de santé pour la mise à disposition du médicament en accès précoce. Il est en contrepartie soumis à un mécanisme des remises annuelles qu’il doit verser au fil du temps et qui constituent des provisions.
Les taux de ces remises font l’objet d’un barème progressif par tranche du chiffre d’affaires facturé aux établissements de santé. La logique est simple : rendre la sortie du dispositif d’accès précoce moins brutale pour l’industriel.

Mais, attention, pour les industriels qui ne respecteraient pas leur engagement – notamment le dépôt de la demande d’autorisation sur le marché ou le dépôt de la demande d’inscription au remboursement – la facture pourrait s’avérer significativement plus élevée avec des taux de remises majorés. Pendant la durée de cet « accès précoce », l’industriel s’engage à recueillir et à transmettre les données portant sur l’efficacité, les effets indésirables, les conditions réelles d’utilisation du médicament, ainsi que les caractéristiques de la population bénéficiaire.

Toutes les ATU actuelles sont-elles regroupées sous l’appellation d’accès précoce ?

Non. Si bien que certains médicaments bénéficiant aujourd’hui d’une ATU, mais présumés non innovants, ne pourront pas demain jouir des nouveaux modes de prise en charge dérogatoire dans le cadre du nouveau régime d’accès précoce.

Quels sont les médicaments concernés par le mécanisme d’accès compassionnel ?

Les médicaments répondant de façon satisfaisante à un besoin thérapeutique autre que celui pour lequel ils sont autorisés. Ces médicaments ne font pas l’objet d’une recherche impliquant la personne humaine à des fins commerciales. C’est la principale différence comparée aux RTU qui pouvaient concerner des médicaments en cours de développement.
Pour autant, ces médicaments – dont l’efficacité et la sécurité sont présumées au regard des données cliniques disponibles – ne sont pas obligatoirement innovants, ni nécessairement destinés à obtenir une autorisation de mise sur le marché dans l’indication concernée.

Concrètement, comment ça marche ?

L’autorisation d’accès compassionnel est délivrée pour une durée d’un an renouvelable, par l’ANSM, à la demande d’un médecin prescripteur en vue de traiter une maladie grave, rare ou invalidante. Une demande peut aussi être établie par des ministres ou par l’ANSM pour une durée de 3 ans renouvelable pour des médicaments faisant l’objet, pour d’autres indications, d’une autorisation de mise sur le marché.

Quelles modalités de prise en charge pour les médicaments bénéficiant de l’accès compassionnel ?

Il faut ici faire la différence entre les médicaments déjà pris en charge par l’Assurance maladie dans une autre indication et ceux non pris en charge.

Dans le premier cas, l’indication bénéficiant de l’accès compassionnel est calculée sur la base du prix et du niveau de remboursement déjà fixé.
Dans le second cas, l’indication bénéficiant de l’accès compassionnel peut être prise en charge selon deux principes : une base forfaitaire annuelle par patient définie par arrêté ou une base du prix facturé aux établissements de santé et donc librement fixé par le laboratoire.

Comme pour les ATU, des remises annuelles seront versées par le laboratoire, avec un principe similaire de majoration (notamment si le nombre d’autorisations d’accès compassionnel déposé par le laboratoire excède les seuils fixés par arrêté).

Ce qu’il faut retenir

Le futur ex-régime d’accès précoce et de prise en charge des médicaments se décline en cinq typologies d’Autorisations (l’ATU nominative, l’ATU de cohorte « historique », le post-ATU, l’ATU en extension d’indication et l’accès direct post-AMM) et un régime de Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU). Ces 6 ensembles, seront fusionnés en deux dispositifs : le dispositif d’accès précoce pour les médicaments innovants en développement et destinés à être mis sur le marché, et le dispositif d’accès compassionnel pour les médicaments qui répondent de façon satisfaisante à un besoin thérapeutique autre que celui pour lequel ils sont autorisés.

Une année

1992 : le régime actuel d’accès précoce et de prise en charge des médicaments avait été mis en place sur la base des dispositions de l'article 21 de la loi du 8 décembre 1992.

Derrière les sigles...

ATU : Autorisation Temporaire d’Utilisation
RTU : Recommandation Temporaire d’Utilisation
AMM : Autorisation de Mise sur le Marché
HAS : Haute Autorité de Santé
ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament
LFSS : Loi de Financement de la Sécurité Social

Sources :
https://www.gd-associes.com/actualites/reforme-des-atu-et-des-rtu-que-retenir-de-la-lfss-pour-2021
https://www.village-justice.com/articles/refonte-des-regimes-acces-precoce-marche-des-atu-rtu-par-barbara-bertholet,37705.html
https://toute-la.veille-acteurs-sante.fr/159652/plfss-2021-quelle-reforme-des-aturtu-cafe-nile-a-paris/

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