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Big-data en santé

De toute évidence, le big data, autrement dit l’exploitation de bases de données de santé a permis des avancées spectaculaires ces dernières années, à la fois pour améliorer la recherche médicale, mais aussi pour mieux traiter certains patients.

Les progrès technologiques ont fait exploser la quantité d’informations recueillies à chaque instant. Cette accélération fait croître le volume de données disponibles de manière exponentielle. Une aubaine pour la recherche en santé sachant que le big data est une source quasi inépuisable de nouvelles connaissances.

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Le big data bouleverse la recherche en santé

Vers une meilleure prise en charge des maladies

Les données récoltées à long terme sur de larges populations permettent d’identifier des facteurs de risque pour certaines maladies. Il est ensuite plus aisé de construire des messages de prévention, et de mettre en place des programmes à destination des populations à risque. Le big data favorise aussi la mise en place de systèmes d’aide au diagnostic et une meilleure personnalisation des traitements. Enfin, on peut vérifier l’efficacité de ces derniers. Ainsi, quand un vaccin ou des traitements sont mis en place, il est possible de vérifier leur efficacité grâce à des bases de données. Le Health Data Hub est une gigantesque plate-forme d’exploitation des données de santé qui devrait contribuer à accélérer les progrès thérapeutiques. La multiplication de ces initiatives a poussé le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), à publier un avis sur ces données massives de santé. D’autant que ce qui se passe en Grande-Bretagne a de quoi interpeller. Radios, bilans sanguins, examens du cœur ou du cerveau… la NHS (National Health Service) est tentée de vendre des données estimées à pas moins de 12 milliards d’euros !

Des réponses quant à l’efficacité de certains traitements

Mais au-delà de leur coût, si ces données sont avant tout précieuses, c’est en raison des avancées qu’elles autorisent. Des chercheurs ont ainsi découvert récemment, grâce au big data, pourquoi les traitements ciblés contre le cancer échouaient parfois. Pour aboutir à leurs fins, les équipes d’IBM, en partenariat avec le Broad Institute, ont utilisé des algorithmes de Data Mining, et ont détecté des mutations génétiques dans les échantillons de sang de patients atteints de maladies gastro-intestinales telles que le cancer de l’estomac, du colon, du foie ou du pancréas. L’analyse de ces échantillons a révélé des altérations génétiques directement liées à l’abstinence de médicaments dans près de 80% des cas. Ces dernières n’étaient pas apparentes dans les biopsies de tissus standards. Autrement dit, un échantillon sanguin analysé grâce au Big Data dit davantage de choses qu’une biopsie standard. Les cliniciens pourraient à l’avenir modifier la façon dont ils traitent les cancers métastatiques ! Parmi ses nombreuses autres utilités, le big data permet aussi de prédire des épidémies ou d’améliorer la pharmacovigilance. Pas surprenant, dès lors, que la donnée n’en finisse pas de fasciner !

« Pour comprendre la maladie, il faut pouvoir l’observer de la manière la plus fine possible ».

Rémy Choquet, Directeur du centre de données médicales et de médecine personnalisée chez Roche analyse en exclusivité pour Innov'Asso le rôle stratégique des données de santé pour améliorer le diagnostic et la recherche.

Comment les données permettent-elle de révolutionner la recherche ?

Rémy Choquet : Les données de santé (imagerie, génomique…) sont de plus en plus utiles à la recherche, car elles peuvent générer de nouvelles connaissances sur les maladies et leur histoire naturelle et de développer de nouveaux outils. Pour comprendre la maladie, il faut pouvoir l’observer de la manière la plus fine possible. Par exemple, certaines molécules vont réagir sur des cancers particuliers avec des profils de tumeurs complexes, mais pas sur d’autres. Il est donc nécessaire de développer des algorithmes pour les détecter et envisager le meilleur traitement thérapeutique, au bon moment de l’évolution de la maladie. Des données cliniques peuvent aussi nous permettre d’identifier des nouveaux biomarqueurs.

C’est au niveau des essais cliniques que tout se joue ?

R. C. : Pas seulement. Ces derniers sont très encadrés et sont réalisés dans des cadres expérimentaux. Il est aujourd’hui clé pour certaines indications de continuer à s’assurer que ce que l’on a observé dans un cadre d’essai clinique est toujours vrai en vie réelle. C’est précisément l’objectif de notre centre de données. A terme, la manière dont les patients sont pris en charge sera totalement modifiée.

C’est toute la problématique de la simulation numérique ?

R. C. : Il peut nous arriver pour le développement de certaines molécules, de simuler leur mode d’action biologique, ou leur effet sur un homme virtuel dans les phases de développement. Nous pouvons aujourd’hui aussi générer des nouvelles hypothèses à partir des données de vie réelle. Par exemple en ce qui concerne l’immunothérapie, nous arrivons mieux à identifier pourquoi elle est parfois plus efficace chez certains patients. Il est donc primordial de travailler en collaboration avec les hôpitaux.

Quelles sont les principaux défis auxquels vous êtes confronté ?

R. C. : Le temps médical est précieux. Collecter des données de qualité pour la recherche est fastidieux. Or, nous savons que notre système de soin est sous pression. Le premier objectif d’un clinicien, c’est de soigner les patients et pas forcément de collecter des données. Beaucoup d’études sont menées partout en France. Nous cherchons toujours à faciliter le travail des cliniciens et chercheurs dans nos projets mais cela reste difficile. Il est donc important de pouvoir réutiliser le plus possible des données cliniques.

Toutes ces recherches sont coûteuses….

R. C. : Certains centres sont particulièrement bien équipés en termes de data, c’est le cas de l’institut Curie qui dispose de sa propre infrastructure pour déployer des recherches sur ses propres données. Tous les centres ne sont pas au même niveau. Les hôpitaux les plus importants s’équipent aussi pour leurs propres programmes de recherche. Au sein de l’AP-HP, plus de 25 personnes travaillent dedans pour construire de grands entrepôts de santé. Aux Etats-Unis, ils sont bien plus nombreux. Toutes ces installations supposent un investissement financier et humain, et prennent du temps à se mettre en place. Dès que nous le pouvons, nous travaillons avec les structures hospitalières pour les aider.

Comment évolue la législation sur ces sujets de data et de bio-éthique ?

R. C. : Elle évolue globalement dans le bon sens. Nous avons un cadre assez clair et des procédures qui permettent d’accélérer la mise en place de projets n’impliquant pas la personne humaine. Bien que le droit à l’information soit légitime lorsqu’on traite des données de santé, il n’est pas toujours simple de pouvoir, techniquement, informer tous les patients qu’une donnée ne permettant pas de directement les identifier mais les concernant, sera utilisée pour produire une statistique sur 20.000 ou 200.000 patients. Notamment par exemple car dans les essais cliniques nous n’avons pas d’informations nous permettant de prévenir les patients, il incombe donc aux cliniciens de le faire.

Est-ce qu’il y a des indicateurs qui permettent déjà d’évaluer le nombre de cancers mieux traités, mieux soignés grâce à un meilleur usage de ces données ?

R. C. : Il y a des publications scientifiques, basées sur des données robustes, c’est pour nous le meilleur indicateur. On peut aussi se demander s’il y a des cancers que l’on peut diagnostiquer plus tôt ou mieux grâce à des données. C’est un sujet qui anime des débats en santé publique, et les campagnes de dépistage et de prévention ont beaucoup progressé même si elles n’arrivent pas à toucher toute la population cible notamment dans le cancer du sein. Côté pharma ou diagnostic nous co-développons des algorithmes d’IA qui pourront peut-être permettre de détecter plus précisément et plus rapidement certains types de cancers. C’est un enjeu majeur, nous nous posons constamment la question de ce que l’on peut faire au-delà du thérapeutique pour diagnostiquer plus vite, anticiper les rechutes ou même accélérer l’accès à de nouveaux tests génétiques plus précis.

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