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Loi sur le vieillissement : un début de reconnaissance pour les aidants

Ils sont près de 9 millions en France à accompagner un proche malade ou dépendant. Le plus souvent, il s’agit du conjoint, des parents, des enfants ou d’un membre de la famille. On estime que 47% des aidants travaillent. Les chiffres révèlent que ce sont à 70% des femmes. Ces personnes ont besoin de soutien, car leur santé est également impactée. La loi sur le vieillissement est un premier pas vers une reconnaissance de leur statut. Que va-t-elle réellement changer ? Qu’en pensent les associations de patients ? Innov’Asso fait le point sur le sujet.

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Une reconnaissance symbolique et des mesures qui vont dans le bon sens

La loi d’adaptation sur le vieillissement et la dépendance, promulguée fin décembre 2015, a permis de faire reconnaître le statut d’aidant familial. Elle définit en effet les actions du proche aidant et lui reconnaît des droits. Ainsi, « une personne qui vient en aide, de manière régulière, à titre non professionnel, pour accomplir une partie ou la totalité des actes de la vie quotidienne d’une personne âgée en perte d’autonomie peut être considérée comme un proche aidant ». Sont ainsi considérés comme des aidants «le conjoint, le concubin ou la personne avec laquelle elle a signé un pacte civil de solidarité, un parent».

Par ailleurs, la loi a instauré un droit au répit qui va permettre aux aidants de prendre un peu de repos, pour partir en vacances par exemple. Cette disposition est couplée avec une aide de 500 euros pour financer un accueil de jour ou renforcer les aides à domicile. Cette aide financière laisse perplexe Joël Jaouen, le Président de France Alzheimer. Il estime que « ces fameux 500 euros alloués à l’aidant dans l’année, c’est un peu de l’aumône quand même. Tout le monde n’est pas éligible, il faut prouver que vous n’avez pas trouvé d’autres solutions de répit, cela va éliminer et décourager beaucoup de gens dans la démarche ».

Le statut des aidants est «  une belle reconnaissance symbolique. Cela nous permet à nous, associations, de porter un peu plus fort la voix des aidants »

Olivier Morice, de l'association Avec Nos Proches

Pour Olivier Morice de l’Association Avec Nos Proches , le statut des aidants est « une belle reconnaissance symbolique. Cela nous permet à nous, associations, de porter un peu plus fort la voix des aidants ». Mais le combat n’est pas terminé car selon lui,  « il y a beaucoup à faire à différents niveaux. En ce qui concerne les aidants actifs, il convient de les reconnaître dans l’entreprise. Parfois, la DRH ne connait pas leurs droits, si bien qu’il y a encore énormément de sensibilisation à mener. Des études prouvent que l’absentéisme en entreprise est majoritairement le fait d’aidants ». Les entreprises ont toutefois commencé à prendre en compte ce sujet. En effet, des dispositifs sont prévus pour les salariés qui s’occupent d’une personne dépendante : aménagement du temps de travail et temps partiel selon les règles du droit du travail, congé de soutien familial d’une durée de trois mois renouvelable et qui peut être fractionné mais qui n’est pas rémunéré. Mais pour avoir droit aux congés destinés à s’occuper d’un malade ou d’une personne dépendante, il faut avoir au moins deux années d’ancienneté.

Les aidants doivent prendre soin d’eux

S’occuper d’un proche malade, l’accompagner au quotidien n’est pas sans risque pour l’aidant. Fatigue morale et physique, manque de repos, stress, burn-out, absence de suivi médical, problèmes de santé, isolement, loisirs réduits ou inexistants, activité professionnelle bouleversée, problèmes d’argent, … : les conséquences sont multiples pour celles et ceux qui s’occupent d’une personne dépendante. Et selon France Alzheimer, 30% des aidants meurent avant leur proche malade. Avoir du temps pour soi, voir les amis, la famille, travailler sont importants pour que les proches aidants puissent mieux vivre leur situation. Ce que confirme Joël Jaouen, « le grand danger à éviter, c’est de s’isoler totalement. L’aidant ne doit pas tomber dans le piège de l’isolement. Les associations sont là pour apporter soutien psychologique et conseils. Nous avons plein de solutions à disposition des familles pour les aider à maintenir ou récréer du lien social. Si on perd ce dernier, la situation peut prendre des allures catastrophiques ».

Des associations de patients très actives

« Nous nous rendons compte qu’il y a un énorme besoin de se sentir compris, écoutés, soutenus. C’est là que les associations de patients sont des ressources très importantes »

Olivier Morice, de l'association Avec Nos Proches

Face aux situations difficiles dans lesquelles les aidants se retrouvent, les associations de patients ont un rôle essentiel et sont très actives. Olivier Morice s’est retrouvé impliqué dans Avec nos Proches dès les débuts de cette association, en 2012 du fait de son parcours personnel et familial. « Nous proposons une écoute quasi permanente. Nous recevons les appels entrants et mettons en contact les personnes qui nous sollicitent avec le premier bénévole disponible sur son téléphone fixe ou portable, de 8 heures à minuit, 7 jours sur 7. Nous mettons en relation d’anciens aidants, que nous formons et accompagnons, et qui sont bénévoles, avec les aidants actuels qui sont dans le besoin d’informations et de réconfort ».

Mais les aidants qui entrent en contact avec les associations de patients, le plus souvent, ne le font pas pour eux. «Lorsque des aidants font appel à nous, très souvent, ils ont une question très technique sur la pathologie du proche, souligne Olivier Morice. Nous les renseignons, les orientons et nos bénévoles les amènent à parler d’eux, s’intéressent à eux en tant qu’aidant, en tant que personne. Nous nous rendons compte qu’il y a un énorme besoin de se sentir compris, écoutés, soutenus. C’est là que les associations de patients sont des ressources très importantes ».

Différents dispositifs d’accompagnement

« Le scénario est classique, confirme Joël Jaouen, Président de France Alzheimer. Le diagnostic est posé, le proche vient naturellement vers nous car nous sommes capables de lui proposer des groupes de paroles ou des entretiens individuels. À ce moment là, très vite, on propose d’autres concepts comme les Cafés Mémoires. Le soutien psychologique est incontournable ».

Face aux différents besoins des aidants, plusieurs associations ont donc créé des événements à l’image de France Alzheimer avec « le Café Mémoire », un moment de convivialité durant lequel les aidants peuvent échanger sur leurs problèmes, partager leurs expériences, leurs réflexions, leurs interrogations.  Animés par un psychologue et par des bénévoles, ces moments offrent un espace d’écoute et d’expression aux personnes touchées par la maladie, aux familles, aux professionnels du soin, mais aussi  au grand public.

« J’ai lancé le Café Mémoire au sein de France Alzheimer et nous en sommes à 67 actuellement répartis dans tout le réseau, précise Joël Jaouen. C’est un lieu public, là où il y a la vie. Nous invitons les familles à venir prendre un verre, nous proposons un moment de convivialité ». Même chose pour le Café Parenthèse destiné aux personnes qui vivent la période du placement en établissement. Cette initiative s’adresse aux familles dont un proche vient d’entrer en Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et qui ont besoin de parler de cette nouvelle situation et d’échanger avec d’autres. Ces moments sont alors « des caissons de décompression », des « passerelles de retour à la vie sociale ».

D’autre part, France Alzheimer propose parmi ses concepts de répit des séjours vacances répartis sur toute la France pour les aidants et les malades. « Nous avons maillé le territoire français de 14 points de séjours vacances, explique Joël Jaouen, sur une période de 10 à 12 jours. L’équipe est formée, organisée, spécialisée et va organiser votre séjour vacances pour le couple, le binôme aidant-malade. Il y a des ateliers communs, des rencontres communes et des moments de répit pour les aidants ».

À noter : France Alzheimer propose des formations aux aidants qu’ils soient ou non adhérents de l’association. Ces formations sont dispensées avec des financements publics. Elles comprennent des modules notamment sur la connaissance de la maladie, les aides auxquelles ont droit les familles, l’entrée en établissement. À l’issue de ces formations, « les aidants sont mieux armés pour vivre au quotidien ».

L’Association France Parkinson, elle, propose elle aussi des séjours vacances pour les malades et les aidants. Il s’agit « de proposer des vacances sur-mesure pour les personnes atteintes de Parkinson à des tarifs réduits … Elles offrent un moment de répit aux aidants qui peuvent échanger avec d’autres aidants et ne se sentent plus isolés ». 

De son côté, l’Association Française des Aidants a mis en place Les Cafés des Aidants. Ces derniers sont « des lieux, des temps et des espaces d’information pour échanger et rencontrer d’autres aidants dans un cadre convivial ». Ils sont ouverts à tous les aidants et sont co-animés par un psychologue. Autre initiative, les Ateliers Santé, « des temps d’échanges et de mise en pratique autour de l’impact de la relation d’aide sur la santé des proches aidants ». Ils visent à « prendre un temps pour soi, de partage et de réflexion sur la santé, pour trouver des informations ». Ils sont construits autour de thèmes sur la santé physique, la santé psychologique et la santé sociale. Une activité est proposée « pour chaque atelier pour expérimenter avec d’autres personnes qui vivent la même situation les bienfaits du yoga, de la sophrologie, de la marche ». Cela peut également être des séances de cuisine et de danse.

La Maison des Aidants propose également un accompagnement pour les aidants via des ateliers, des groupes d’échanges et de paroles. Chaque mois, ont lieu des rencontres thématiques gratuites pour parler des situations quotidiennes avec des experts. Il existe aussi « un soutien individuel pour rompre l’isolement et faciliter l’accès aux solutions d’aides et de répit ».

Il reste encore beaucoup à faire…

Selon Olivier Morice, « il y a une meilleure écoute de la part des autorités, même si beaucoup reste à faireNous essayons de faire tout ce que nous pouvons, notre rôle est aussi d’interpeller les pouvoirs publics, d’être une alarme ».

Quant au Président de France Alzheimer, il estime qu’il faudrait davantage de moyens pour atteindre les objectifs : « Vous ne pouvez pas budgéter une loi avec 700 millions d’euros. Nous sommes écoutés certes, mais pas forcément entendus. Par contre, j’ai le projet de créer des petits déjeuners parlementaires. Les courriers sont une chose, les relations directes en sont une autre. Nous ferons mieux passer nos messages en étant sur le terrain et au contact de gens qui peuvent être nos porte-paroles, quelle que soit leur couleur politique ».

Les enjeux relatifs aux aidants sont importants et le combat continue. Les associations de patients sont mobilisées depuis longtemps et la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie a fait des recommandations, préconisé des actions pour les aidants et demande aux pouvoirs publics « une politique cohérente ».

Selon l’INSEE, le nombre de personnes de plus de 85 ans atteindra 4.8 millions de personnes d’ici 2050 avec pour conséquence l’augmentation des personnes dépendantes.

La transformation structurelle par classes d’âge de la population nécessite une mise en place adaptée des réponses médico-sociales et sanitaires. La loi sur le vieillissement mentionne le rôle des départements dans la prise en charge des personnes dépendantes au niveau du soutien et de l’accompagnement des aidants. Ainsi, le Conseil départemental de la Citoyenneté et de l’Autonomie doit participer à la mise en place des politiques de l’autonomie. Reste à savoir comment concrètement cela va se passer et ce que cela va apporter aux familles et aux aidants.

Chiffres repères

  • Près de 9 millions d’aidants en France
  • Ce sont à 70% des femmes.
  • 47% des aidants travaillent
  • D’ici 2050, les plus de 85 ans représenteront 4.8 millions de personnes
  • Budget de la loi sur le vieillissement : 700 millions d’euros supplémentaires dégagés.
  • Le droit au répit est couplé avec une aide de 500 euros sous conditions pour financer un accueil de jour ou renforcer les aides à domicile.
  • 67 cafés mémoires, lancés par France Alzheimer

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