Les associations au cœur de l’innovation en santé

Groupements hospitaliers de territoire : vers une meilleure coordination du parcours de santé ?

Les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) prévus dans la Loi de modernisation du système de santé doivent apporter aux patients une offre de soins équitable en termes de qualité et d’accessibilité. Ils doivent également permettre une meilleure coordination du parcours de santé. On compte 136 GHT. Et les patients dans tout cela ? Qu’ont-ils vraiment à y gagner ? Nous avons donné la parole à Claude Rambaud de l’association Le Lien et à Sylvain Fernandez-Curiel du Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS).

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Que penser de la réforme ?

Cette réforme est bonne car il est grand temps de mettre un peu de cohérence et de pertinence dans l’offre de soins.

Claude Rambaud, Vice-Présidente de l’Association Le Lien

Selon Claude Rambaud, Vice-Présidente de l’Association Le Lien, « cette réforme est bonne car il est grand temps de mettre un peu de cohérence et de pertinence dans l’offre de soins ». Selon elle, ce qu’on peut attendre de cette réforme, c’est avant tout une amélioration du parcours de soins et un accès facilité à la médecine. Est-ce que la réponse sera à la hauteur des attentes ? « Dans certains territoires certainement, dans d’autres on peut se poser la question. Il faut organiser l’offre de soins, la rendre cohérente, avoir le courage de fermer peut-être des services qui sont redondants, qui n’atteignent pas les seuils d’activité suffisante ou qui n’offrent pas la qualité de soins que les patients sont en droit d’attendre ».

À ses yeux, ce qui est majeur, c’est l’accès aux soins : «  il faut un accès à des soins de qualité et on doit garantir des soins de qualité pour tous sinon les GHT deviendront plutôt des sources d’inégalités ».

Le Collectif Interassociatif sur la Santé a également pris position sur le sujet. Sylvain Fernandez-Curiel, chargé de mission santé au sein de cette structure, suit notamment le dossier des GHT. « Sur le fond, nous sommes plutôt favorables à la réforme pour deux raisons essentielles. D’une part, il pouvait exister une forme de concurrence entre certains établissements publics, ne concourant pas à une prise en charge de qualité de la population », explique-t-il.

Il estime que le but des GHT est de travailler ensemble plutôt que les uns contre les autres, ce qui lui convient plutôt bien. « L’autre point que je qualifie de positif, c’est que dans ces groupements, il y aura des gros établissements et des plus petits. Avec les GHT, certains professionnels de santé pourront travailler une partie de la semaine dans un établissement de santé plus important et l’autre, dans un établissement de proximité. Il y a la volonté, en tous cas sur le papier, de construire une offre de soins graduée qui réponde au mieux aux besoins de la population », ajoute Sylvain Fernandez-Curiel.

La démocratie sanitaire est absente, et il n’y a pas eu d’information vers le grand public.

Claude Rambaud, Vice-Présidente de l’Association Le Lien

Les associations de patients et les représentants d’usagers mis à l’écart ?

Il n’en demeure pas moins que les associations d’usagers et les représentants qui en sont issus se sont sentis mis à l’écart. En effet, ils n’ont pas été consultés lors la mise en place des GHT et le font savoir ouvertement. La Commission des usagers de la Fédération Hospitalière de France a dénoncé la quasi absence des citoyens et représentants des usagers durant les réflexions. Elle estime que la réorganisation de l’activité hospitalière ne peut pas se faire si on ne tient pas compte de leurs avis. L’information des citoyens et leur implication sont nécessaires.

La Vice-Présidente du Lien dénonce également la méthode : « nous n’avons pas du tout été sollicités. La démocratie sanitaire est absente, et il n’y a pas eu d’information vers le grand public ». Et de dénoncer aussi la non implication des acteurs de santé et des représentants d’usagers de façon à ce que les périmètres des GHT soient arrêtés en fonction des besoins de la population. Elle aurait souhaité davantage de concertation avec les élus, les professionnels de santé et les associations.

Claude Rambaud a par ailleurs participé à la première réunion du comité de suivi des GHT et souligne que «concernant l’information du grand public, la Ministre a répondu qu’elle n’en voyait ni le besoin ni la nécessité, et que cela ne concernait sans doute pas les patients mais l’offre de soins ».

Le sentiment du CISS va dans le même sens et Sylvain Fernandez-Curiel nous l’explique : « la difficulté que nous avons depuis le début, c’est que cette réforme a été pensée et pourrait se jouer sans nous, à mille lieux de l’idée que l’on se fait de la démocratie en santé. Les autorités indiquaient que cette offre de soins graduée devait se faire en fonction des besoins de la population, mais elle semblait avoir oublié que pour recenser ces besoins, s’adresser aux usagers et à leurs représentants pouvait être une bonne idée. Il a donc fallu monter au créneau ».

ll est important que des représentants d’usagers soient là pour être vigilants sur ces questions.

Claude Rambaud de l’association Le Lien

Les inquiétudes des patients

En effet, les patients craignent que les hôpitaux proches de chez eux disparaissent et qu’ils soient contraints de faire plus ou moins de kilomètres pour accéder à des soins spécialisés. Ils s’interrogent également sur la mise en place, au fil du temps, d’une filière de soins qui les obligerait à aller dans tel ou tel établissement de santé.


« Pour certains patients, cela ne changera rien, notamment pour ceux qui habitent dans de grands centres urbains et dans les grandes villes. Mais la France n’est pas constituée seulement de centres urbains. Pour celles et ceux qui vivent à la campagne, si le GHT met en place des filières qui correspondent bien à des flux de patients, à des réalités géographiques et topographiques, cela sera plutôt une amélioration. En revanche, si ce n’est pas le cas, ce sera très embêtant », rappelle Claude Rambaud.

L’association Le Lien fait d’ailleurs un recours contre un périmètre de GHT au sein la région Auvergne Rhône-Alpes- car pour sa Vice-présidente, « c’est complètement aberrant par rapport au flux de patients, aux mouvements économiques et à l’ensemble des élus, car cela va orienter les patients vers des parcours qui sont géographiquement très difficiles d’accès, alors qu’ils ont des flux traditionnels qui se font par des axes de circulation courts et pratiques. Par ailleurs, ils consultent déjà leurs spécialistes qui sont à l’opposé de ce qui se pratique dans le GHT ».

Le CISS lui aussi se montre prudent : « Avec la réforme telle qu’elle est aujourd’hui, aucun élément tangible nous permet de penser que le libre choix va être mis en cause mais il faut voir comment la réforme se déroule. C’est pour cela qu’il est important que des représentants d’usagers soient là pour être vigilants sur ces questions ». Et d’ajouter : « En ce moment, les projets médicaux partagés de groupement qui prévoient la mise en place de filières sont en train de se construire. En quoi les filières vont garantir le libre choix du patient ? Va-t-on l’orienter voire l’obliger à aller dans un hôpital plutôt qu’un autre s’il a une difficulté dans sa pathologie ? On nous assure au Ministère que le libre choix n’est pas remis en cause, mais un jour, si le patient décide de ne pas aller dans tel établissement prévu dans la filière, les frais de transport seront-ils toujours remboursés ? Rien pour l’instant ne l’indique mais on ne peut pas s’interdire de le craindre ».

Des instances d’usagers se mettent en place

Les associations doivent être partie prenante car elles sont les mieux placées pour relayer les besoins de la population.

Sylvain Fernandez-Curiel, Chargé de mission santé au sein du Collectif Interassociatif sur la Santé

Pour Sylvain Fernandez-Curiel, l’un des enjeux est la mise en place d’instances des usagers. Il s’agit de donner des repères aux groupements et aux représentants des usagers pour aider à la mise en place de ces instances. « Ces dernières pourraient harmoniser le fonctionnement des différentes commissions des établissements dans un même GHT, étudier les plaintes et réclamations qui pointeraient des dysfonctionnements liés à cette nouvelle organisation, mais aussi travailler sur des événements indésirables », précise-t-il.

Le CISS conseille aux associations d’usagers de mobiliser leurs représentants qui siègent dans les établissements publics de santé. Il leur recommande aussi de se renseigner sur la manière dont ces instances vont fonctionner. « Les associations doivent être partie prenante car elles sont les mieux placées pour relayer les besoins de la population », détaille-t-il. La Vice-Présidente du Lien partage ce point de vue : « Les associations d’usagers doivent surveiller ce qui se passe dans leur secteur. Les GHT devront être à l’écoute des patients et usagers et mettre en place des observatoires des parcours ».

Ce qu’il faut retenir

  • L’objectif des Groupements Hospitaliers de Territoires est de faciliter l’accès aux soins partout et à tout le monde pour améliorer la qualité et la sécurité des soins.
  • Il s’agit également d’organiser une meilleure coordination du parcours de santé.
  • Les questions sont nombreuses sur les conséquences pour les patients, notamment celle du libre choix des praticiens et de la disparition à terme des hôpitaux de proximité.
  • Les associations de patients et les représentants d’usagers n’ont pas été consultés, ils dénoncent l’absence de démocratie sanitaire durant les réflexions menées sur cette réforme. Cependant, des instances d’usagers sont en train de se mettre en place.
  • Le développement des GHT doit se poursuivre jusqu’en 2021.
  • Enfin, rappelons que cette réforme divise les élus, les professionnels de santé et les citoyens, lesquels ont manifesté à de nombreuses reprises ces derniers mois. La vigilance est donc de mise pour certains acteurs du monde de la santé.

Pour en savoir plus

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